LES FEMMES, LES NOIRS ET LES HOMOSEXUELS: PARADIGMES ET ACTION

Authors

  • Michel Laferrière McGill University

Abstract

Depuis que la réflexion sur la société a tenté de s'ériger en science, les chercheurs se sont préoccupés de l'origine sociale des idées. Ainsi par exemple, la sociologie de la connaissance semble être, pour beaucoup, le complément indispensable de l'épistémologie et nombre de théories ont pu être réfutées parce qu'elles représentaient les intérêts d'individus ou de groupes donnés. Cette inspiration sociologique a récemment atteint l'histoire des sciences. Ainsi l'apparition en 1962 du petit ouvrage de Thomas Kuhn, The Structure of Scientific Revolutions, a eu des répercussions dans de nombreuses disciplines sociales et philosophiques sans aucune mesure avec l'épaisseur limitée du livre ou son sujet apparemment très spécialisé. Kuhn propose une vue de l'histoire des sciences, et plus particulièrement de la physique, très différente de celle admise par les spécialistes ou le grand public: selon lui, les sciences n'avanceraient pas par accumulation linéaire de savoir mais par une série de "révolutions." En période "normale," pour reprendre le terme même de Kuhn, les savants amasseraient un certain nombre de faits expliqués par un paradigme dominant. Au bout d'un certain temps, des anomalies apparaîtraient et le paradigme fondamental ne permettrait plus d'expliquer les nouveaux problèmes. Après une situation de crise, un nouveau paradigme émergerait et servirait de cadre à la recherche, jusqu'à l'apparition de nouveaux problèmes non explicables. Quoique le concept de paradigme ne soit pas très clairement défini et que certains aient distingué jusqu'à cent quarante sept acceptions du terme (dans un livre de moins de deux cents pages), nous adopterons ici la définition proposée par Kuhn dans son postcriptum de 1969: un paradigme est "l'ensemble des croyances, valeurs et techniques ... partagées par les membres d'une communauté scientifique donnée"; il consiste en des "exemples de réussites passées." La notion de paradigme recouvre donc à la fois un contenu et un groupe social:"celùi des savants ayant adopté le paradigme en question. Nous extrapolerons et admettrons, comme Robert Friedrichs ou Nicholas Mullins dans des ouvrages récents4 que le concèpt de paradigme peut aussi être appliqué avec profit à l'étude des sciences sociales. Nous nous préoccuperons ici de comparer l'évolution des paradigmes employés par les chercheurs en sciences sociales pour étudier une minorité raciale, les noirs aux Etats-Unis, une minorité sexuelle, les homosexuels, et un groupe majoritaire en situation minoritaire, les femmes. Nous essaierons de montrer l'influence de l'action de ces groupes pour changer les définitions dominantes dans la société en général et les conséquences théoriques de ces changements.

Author Biography

Michel Laferrière, McGill University

Michel Laferrière enseigne dans le Département des Fondements Sociaux de l'Education, à l'université McGill. Sociologue de formation, il s'intéresse à l'éducation des minorités et à la Sociologie des Sciences Sociales.

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Published

1975-04-01

How to Cite

Laferrière, M. (1975). LES FEMMES, LES NOIRS ET LES HOMOSEXUELS: PARADIGMES ET ACTION. McGill Journal of Education / Revue Des Sciences De l’éducation De McGill, 10(001). Retrieved from https://mje.mcgill.ca/article/view/7005

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