Une didactique transversale ÉCOFORMATRICE centrée sur le Sujet : pour une éducation à la diversité, à la fois biotique et épistémologique
VIRGINIE BOELEN Université du Québec à Montréal
Cet article illustre une éducation à la diversité, à la croisée d’une didactique des diversités et d’une diversité des didactiques. Lorsqu’il s’agit d’une éducation à la diversité, cela suppose une éducation au respect de la diversité dont celle du vivant qui, au-delà d’une conception anthropocentrique, pourrait concerner l’ensemble des êtres vivants et non vivants sur terre. Une telle éducation appelle donc à une didactique des diversités qui traite de questions sensibles autour de la crise environnementale qui menace cette diversité et qui concerne l’ensemble de la communauté. Cette éducation pourrait se faire selon une didactique générale transversale distincte des didactiques disciplinaires, tel est le résultat d’une recherche doctorale qui avait pour objectif de proposer un modèle éducationnel holistique1 visant la reconnexion du jeune à la Nature et au territoire pour favoriser un vivre-ensemble qui inclut l’ensemble du vivant et du non-vivant. La particularité de la didactique transdisciplinaire qui en résulte est qu’elle prend en compte cette dimension ontologique de notre humanité souvent mise de côté, voire tabou en éducation, car aux prises avec des conceptions erronées, qu’est la spiritualité. Il s’agira de considérer cette dimension dans un processus d’écoformation, c’est-à-dire lorsque la formation de l’être se réalise dans sa rencontre avec le monde vivant autre qu’humain (Pineau, 1989, 2023)2. Une telle proposition éducative rejoint la pédagogie autochtone qui est par essence holistique, où la spiritualité permet d’entrer en connexion avec les différentes composantes du territoire, pour générer du sens et de la connaissance (Battiste, 2013). On pourrait alors y déceler la portée inclusive plus large d’une telle éducation à la diversité.
Nous articulons notre propos en quatre sections selon deux grandes parties. La première correspond à la caractérisation d’une didactique générale centrée sur le sujet selon le principe de la Bildung3, issue d’une recherche doctorale. L’exposé d’une telle didactique transversale invite en seconde partie à une reformulation des approches didactiques classiques pour « écologiser les disciplines à des questions qui ouvrent vers le sociétal et le territoire » (Barthes et Garnier, 2022, p. 3). Cette dernière conduira à une réflexion quant aux incidences d’une telle proposition éducative en matière d’ouverture à une diversité épistémologique au-delà de la diversité du vivant initialement soulignée. Enfin, la question de la formation des enseignants sera abordée, appuyant la place de l’éducation informelle4 en milieu d’éducation formelle.
UNE RECHERCHE DOCTORALE VISANT UN VIVRE-ENSEMBLE ÉCOLOGIQUE
La recherche doctorale concernée est une recherche de développement théorique à propos d’un modèle éducationnel dont la visée est double : 1) favoriser le plein développement du jeune de façon holistique; 2) faire naître chez le jeune un lien d’attachement au lieu de vie naturel par l’activation de sa dimension spirituelle dans sa relation à ce dernier. Une telle reconnexion au monde permettrait l’essor d’une identité écologique de nature à générer le désir d’en prendre soin et, possiblement, une mobilisation écocitoyenne.
La démarche méthodologique
Pour cette recherche, nous avons utilisé la démarche-cadre de l’anasynthèse (Legendre, 2005) selon une approche interprétative. Celle-ci a comme point de départ un corpus d’écrits résultant d’une recension d’écrits sur les vingt dernières années, effectuée à partir d’un champ notionnel composé des trois pôles de descripteurs suivants : 1) la spiritualité, 2) l’éducation / la formation, et 3) l’environnement / la nature/ le territoire. Le repérage d’articles, de chapitres et d'autres textes susceptibles de répondre aux critères de recherche ont été faits via des catalogues, bases de données et moteurs de recherches. Au total, 601 écrits ont été retenus finalement pour constituer le corpus d’écrits. Il importe de souligner le caractère transdisciplinaire d’une telle recherche donnant lieu à la mobilisation de champs de savoirs issus de la psychologie, de l’anthropologie, de la philosophie et de la sociologie en plus de l’éducation5. L’analyse et la synthèse du contenu de ce corpus d’écrits, suivies d’une démarche spéculative-créative ont conduit à un prototype du modèle éducationnel visé. Celui-ci a fait l’objet d’une validation auprès d’experts du domaine d’étude et d’acteurs du milieu éducatif en vue d’une proposition optimale.
Le modèle éducationnel holistique résultant est composé de trois volets, théorique, axiologique et praxéologique :
le volet théorique définit et clarifie les concepts clés sur lesquels repose le modèle, en l’occurrence la spiritualité qui est prise en compte dans le cadre d’une approche holistique en plus des autres dimensions, respectivement cognitive, corporelle et affective;
le volet axiologique expose la visée et les objectifs du modèle;
le volet praxéologique explicite l’approche globale et présente un choix de stratégies pédagogiques inscrites dans une didactique générale propre à une didactique germanique ou scandinave de la Bildung, qui intègre les principes de l’écoformation, en concordance avec les savoirs autochtones.
Nous présentons ici le volet praxéologique, le volet théorique ayant fait l’objet d’un précédent article6. Toutefois, nous donnerons une brève caractérisation du concept clé de la spiritualité permettant ainsi de mieux saisir le volet praxéologique qui en découle.
Le concept clé de spiritualité
Bien que la spiritualité soit extrêmement complexe et puisse se manifester de différentes façons selon les cultures et les traditions, ce qui la définit reste inchangé dans le temps et selon les régions du monde.
Il s’agit d’une dimension ontologique fondamentale de notre humanité, à la fois universelle et singulière, qui se vit tant avec le corps sensible qu'avec l’esprit, ce qui lui confère un caractère dynamique et holistique. On parle alors d’expérience spirituelle.
Cette expérience correspond à la prise de conscience profonde d’une connexion ou reliance7 à l’autre humain ou à l’autre autre qu’humain selon trois sphères interreliées : reliance à soi, reliance aux autres humains et reliance au monde naturel, voire cosmique, conférant à la spiritualité une dimension résolument écologique. Jobin (2013, p. 16) fait mention de « l’existence d’une essence spirituelle qui remplit tout l’univers et tout dans l’univers, être humain compris » où plus largement la spiritualité se trouve en toute chose (Battiste, 2010).
Il s’agit d’un phénomène de subjectivation ou travail sur soi, ce que Galvani (2018) conçoit comme un processus d’autoformation existentielle inscrite dans une tradition herméneutique et phénoménologique telle que celle de la Bildung. Dans la relation avec la Nature8 et le territoire, cette spiritualité correspond à une démarche d’auto-écoformation existentielle selon le processus de la rencontre vécue avec son corps et tous ses sens en synergie, propre à une synchronie conscientielle (Roussin, 2001).
Ce travail sur soi répond à une quête de sens, de valeur ultime et d’authenticité qui fait appel au questionnement selon une dynamique réflexive où le sens de cette quête est triple : celui de la recherche de signification (1) avec le désir de « re-sentir » et d’éveiller ses sens en relation avec le vivant (2) pour donner une direction (3) à sa vie (Pineau, 2005). Une telle quête de sens et d’authenticité répond ultimement à un processus d’harmonisation et d’unité de son être au monde.
Vivre de telles expériences spirituelles mobilise une réflexivité transformationnelle associée à la conscience globale de sa connexion et de son interdépendance au monde. Ainsi, la maturité spirituelle correspond à cette capacité de « prise en charge » (Hétu, 2001, p. 31) soit d’adaptation, voire de survie, aux événements de la vie que l’on nomme de la résilience, sous-tendue par la quête d’unité et d’harmonie.
À partir de la clarification du concept de spiritualité, sa prise en compte dans le processus d’écoformation a conduit à la conception du volet praxéologique du modèle visé.
UN VOLET PRAXÉOLOGIQUE CONSTRUIT AUTOUR DU PRINCIPE D’ÉCOFORMATION
En cohérence avec la dimension formelle du modèle, composée des volets théorique et axiologique, la dimension praxéologique répond à la question du comment. Comment faire pour prendre en compte la dimension spirituelle du jeune9 dans son rapport à la Nature et au territoire, à cette « maison de vie » partagée - Oïkos - qu’est la Terre, afin de favoriser une identité écologique profonde qui déclencherait le désir d’en prendre soin en exerçant sa responsabilité écocitoyenne ?
Ce volet définit l’approche pédagogique globale et détermine les traits dominants des composantes de la situation pédagogique selon le modèle SOMA de Legendre (2005) présenté dans la Figure 1, qui sont l’Objet, le Sujet, le Milieu et l’Agent, en relevant l’importance relative de chacune d’elles et les relations entre elles dans le cadre d’une éducation ouverte à la spiritualité. Ensuite, un ensemble de stratégies pédagogiques favorisant la prise en compte de la spiritualité du jeune dans son rapport au monde vivant est présenté.
FIGURE
1.
La
situation pédagogique selon le modèle SOMA de Legendre (2005)
De prime abord, il importe de souligner le fait que, de par sa nature transdisciplinaire et holistique, la spiritualité n’est pas un objet d’enseignement au sens transmissif de ce terme, mais doit être prise en compte et nourrie de façon transversale dans l’action éducative au même titre que devrait l’être l’éducation relative à l’environnement (Sauvé, 2019) pour agir de façon transformative. Elle imprègne donc toutes les composantes de la situation pédagogique modélisée par le SOMA de Legendre (2005), tel qu’explicitée dans la Figure 3, et axée sur le principe expérientiel de l’écoformation.
L’Objet
Rappelons que la première visée éducationnelle du modèle que nous proposons est de contribuer au développement intégral du jeune, prenant en compte sa dimension spirituelle dans le creuset de son Oïkos selon une perspective holistique. Ensuite, par l’essor d’une reliance écologique propre au développement spirituel du jeune dans son rapport à la Nature (parfois appelé écospiritualité), ce modèle vise à favoriser un vivre-ensemble écologique au sein d’une communauté de vie biotique élargie à l’ensemble des êtres vivants. Il s’agit de contribuer à l’essor d’une spiritualité propre au développement de soi dans son rapport au monde. Ainsi, cette connexion et interdépendance au monde est à la fois point de départ et objet d’apprentissage transversal. Et si on parle d’objet d’apprentissage, celui-ci correspond à un apprentissage informel et non formel. C’est d’ailleurs tout le défi d’une telle proposition éducative, celui de permettre des apprentissages informels propres à l’écoformation et à l’auto-écoformation existentielle, dans une structure d’éducation formelle. Il est question de prendre conscience de cette qualité d’être qui fait partie de la trame ontologique de notre humanité. La reliance écologique, au même titre que l’identité écologique, a besoin d’être nourrie et entretenue pour être effective, d’où le terme d’écospiritualisation soulignant à la fois son caractère dynamique et récursif. De plus, s’il s’agit de l’apprentissage ou du renforcement d’une reliance écologique au travers d’une identité écologique agissante, il s’agit aussi pour le jeune de l’apprentissage de l’exercice de sa réflexivité dans une perspective d’autodéveloppement pour devenir « auteur et acteur de sa propre vie » et « retrouver le sens comme lieu de son unité » (Gohier, 2007, p. 84).
Le Sujet
Le Sujet, ici le jeune, est au centre de l’apprentissage. C’est de son développement global dont il est question, en axant l’action éducative sur le déploiement holistique de sa spiritualité. Dans le processus d’écoformation, l’expérience sensible de reliance à la Nature-territoire active son imaginaire symbolique, forme de conscience du monde qui décolle de la réalité objective vers d’autres réalités pour générer du sens.
Le jeune est naturellement doté d’une capacité d’imagination, ne serait-ce que dans le jeu. L’imaginaire permet l’émergence d’un monde intérieur. Il transcende alors l’existence pour enquêter sur le sens du mystère et concevoir un possible au-delà de la connaissance et de l’évidence (Hay et Nye, 1998/2006)10. L’imaginaire est donc ce pont qui, par la création de symboles et d’archétypes, permet de toucher à l’indicible de son moi profond et spirituel. Et, via le langage de l’imaginaire, il est possible de déceler chez l’enfant les manifestations d’expériences spirituelles vécues où le sens du mystère et du sacré est exprimé (Hay et Nye, 1998/2006).
Si pour Éliade (1952), avoir de l’imagination c’est jouir d’une richesse intérieure permettant de voir le monde dans sa totalité, dont ce qui demeure réfractaire au concept, pour Duborgel (1983/1992) l’imaginaire est :
"reine des facultés", "faculté cardinale", irréductible et éminent pouvoir humain de reprendre en compte l’univers sur un mode autre, de le représenter et de le re-créer comme totalité et unité, comme miroir de l’homme, homme agrandi, témoignage du sens, […] une manière de tisser le "sujet" et l’"objet", de faire dialoguer les visages humains et le cosmos (p. 233-234),
Car « l’imaginaire jalonne l’itinéraire intérieur [où] la cohérence d’un être, la continuité de soi, provient plus de la solidité de cette construction interne que de la pensée logique » (Postic, 1989, p. 18). En effet, si, comme Durand (2016, p. 10) le reprend de Bachelard, « l’imagination est dynamisme organisateur, et ce dynamisme organisateur est facteur d’homogénéité dans la représentation », on comprend aisément la propension du jeune à en faire usage.
Ainsi, le propre de l’être humain est de développer un rapport symbolique essentiel et actif avec le monde. Un tel déclenchement de l’activité imaginaire est provoqué par des rencontres sensorielles et émotionnelles entre le réel et soi-même (Postic, 1989, p. 12). Pour Cottereau (1999, p. 30), l’imaginaire n’est pas une construction achevée dans la conscience; il doit être stimulé pour s’enrichir et s’agrandir. Cette auteure a d’ailleurs développé une pédagogie de l’imaginaire à cet effet.
Il s’agirait de situer le Sujet entre rationalité et imaginaire, sens et sensibilité où Gohier (2002, p. 18) reprend Duborgel (1983/1992), à la suite de Durand, dans la foulée de Jung, Bachelard et Ricœur, pour rappeler
l’importance de l’imaginaire dans l’appréhension et la constitution du réel, comme langage de “l’homo symbolicus”, l’homme des analogies et des correspondances, le sujet des homologies microcosme-macrocosme, le lieu du sensible au sens et de l’homme à l’univers, comme paramètre pleinement constitutif du phénomène humain et comme instance essentielle par où la diversité humaine peut communiquer avec elle-même (Duborgel, 1983/1992, p. 399-400).
L’auteure ajoute alors ceci :
Qu’il soit d’ordre iconique, rituel ou mythique, le symbole fait appel à la capacité onirique des humains et au langage poétique qui substitue l’image et l’analogie au concept et à l’argument.
Le langage symbolique fait donc appel à un autre mode de connaissance que le langage rationnel et donne accès à un autre monde que celui de la concrétude, celui du sens figuré, […], de l’au-delà de ce qui est immédiatement discernable. L’horizon de cet au-delà est circonscrit différemment selon la portée méta-physique qu’on lui donne, mais renvoie, dans tous les cas, à la capacité de l’homme à se transcender lui-même et à être en lien avec les autres hommes dans l’univers de la signification. Cela est vrai que l’on souscrive à la théorie de l’inconscient collectif archétypal jungienne ou à la conception bi-polaire du psychisme bachelardienne ou encore à l’anthropologie de l’imaginaire durandienne (Gohier, 2002, p. 19).
Ainsi, suivant une pédagogie de l’imaginaire associée à l’éducation à l’environnement, comme l’a développée Cottereau (1999), l’imaginaire symbolique, sacral selon Barbier (1997) ou à dominante nocturne selon Durand (2016), peut se déployer et s’exprimer de plusieurs façons à la suite de la rencontre avec la Nature. Il est un excellent médiateur pour créer un lien fort avec cette dernière.
Au-delà de cette capacité innée à utiliser son imaginaire, d’autres dispositions sont à favoriser chez le jeune en vue de permettre un meilleur déploiement de sa spiritualité. Selon Battiste (2013), il importe de développer sa dimension sensible, le concept de soi (« self-concept ») et sa communication interpersonnelle positive, soit le fait d’entrer facilement en dialogue avec l’autre, avec un désir authentique d’intercompréhension. En plus d’une curiosité intellectuelle n’ayant pas peur de repousser les conventions et d’un état de conscience profond, Zohar et Marshall (2000) identifient comme indicateur d’une spiritualité active chez l’être humain, la capacité à être inspiré par son imaginaire et ses visions. Par ce dernier point, on retrouve l’épistémologie autochtone où une partie du savoir est révélée, c’est-à-dire acquise au travers des rêves, des visions et des intuitions qui correspondent à la manifestation de la spiritualité (Brant Castellano, 2000).
Pour faciliter de telles dispositions, le Milieu est déterminant, autant dans l’instauration d’un climat de classe que dans l’accès à des espaces propices à la rencontre du jeune avec la Nature-territoire.
Le Milieu
Un climat de classe favorable à la prise en compte et au déploiement de la dimension spirituelle du jeune dans son rapport au monde signifie d’accorder une place à cette mise en disposition intellectuelle, émotionnelle et sensorielle du jeune pour vivre une expérience signifiante dans son rapport à la Nature-territoire qui mobilise son intériorité. Fraser (2004) parle de la création d’un esprit de communauté où l’accueil bienveillant et sans jugement correspond à une écoute sensible dans le partage d’expériences vécues. En effet, pour que le jeune puisse faire part de sa subjectivation, il est attendu de la part de ses pairs, comme du corps enseignant, une écoute respectueuse selon les principes d’une éthique du « care » et de la sollicitude (Noddings, 2005). Barbier (1997) associe l’écoute sensible à une ouverture holistique, lorsque celle-ci reconnaît l’ensemble complexe de la personne. Il s’agit alors d’entrer « dans une relation à la totalité de l’autre pris dans son existence dynamique » (Barbier, 1997, p. 261) en sachant sentir son « univers affectif, imaginaire et cognitif […] pour comprendre de l’intérieur [ses] attitudes et [ses] comportements, [son] système d’idées, de valeurs, de symboles et de mythes » (Barbier, 1997, p. 261), en somme, son « existentialité interne ». Une telle écoute est avant tout une pleine conscience d’être avec ce qui est, ici et maintenant, qui ne peut qu’élargir les opportunités de découverte et d’apprentissage (Barbier, 1997). Pour un jeune en quête de sens ou qui aurait déjà vécu une expérience de connexion au monde, un tel climat de classe lui permet d’oser poser des questions ou de partager spontanément et sans gêne son expérience, que ce soit, par exemple, son émerveillement par rapport à ce qu’il aurait vécu au contact de la Nature-territoire, sa peine à voir tant d’arbres abattus et tant d’espèces disparaître ou encore, le fait de ressentir une force et une paix intérieure lorsqu’il se retrouve dans un lieu naturel inspirant.
En ce qui concerne le milieu comme espace physique, il s’agirait de faire sortir l’école dans la Nature-territoire pour que le jeune découvre le sens du lieu et de sa place dans celui-ci. Offrir la possibilité au jeune de courir, sauter, grimper, jouer, danser, chanter et d’explorer librement un lieu en développant aisément son imaginaire symbolique, c’est établir un contact direct et signifiant avec ce lieu et ainsi y associer un lien affectif. Mais où trouver ces espaces lorsque le béton prédomine? Le parc ou le petit boisé à côté de l’école seront alors des espaces à chérir. Mais aussi, il s’agira de faire entrer la Nature-territoire dans l’école où il importe avant tout de faire prendre conscience de sa présence quoi qu’il arrive, déjà en chacun de nous. Dans la cour d’école, redonner ses droits à la Nature-territoire sur les lieux pourrait signifier le fait de remplacer des espaces bétonnés par des accès à une terre où pousserait une végétation spontanée en développant un état d’éveil chez l’enfant par rapport à cette dernière.
On comprend ici qu’il est question de promouvoir ou d’entretenir une disposition intérieure chez l’enfant (et chez l’enseignant), comme le fait d’« éveiller à la lumière du matin » (Bédard, 2004, p. 15). Le déploiement écospirituel est alors une "question d’être" à insuffler au jeune dans son ouverture, son état d’éveil à une Nature-territoire qui l’accompagne dans son quotidien et qui recèle des merveilles cachées qui ne demandent qu’à être découvertes.
L’Agent
L’enseignant a un rôle déterminant dans le processus d’auto écoformation existentielle tant par sa "qualité d’être" que par ses compétences organisationnelles en laissant une place à la Nature-territoire comme Agent dans ce processus chez le jeune. Une telle "qualité d’être" suppose que celui-ci ait vécu de son côté au préalable une telle expérience spirituelle pour comprendre minimalement ce que cela signifie et ainsi permettre une « réalité spirituelle » (Miller et Athan, 2007, p. 20, traduction libre) au sein de la classe. Ces éléments conduisent inévitablement à la question de la formation des enseignants qui sera traitée par la suite.
Le processus d’auto-écoformation existentielle propre à l’écospiritualité considère la Nature comme Agent privilégié dans la démarche d’autodéveloppement. Une fois que l’enseignant a joué son rôle d’Agent permettant la rencontre entre le jeune et la Nature, il cède son rôle d’Agent à cette dernière et, dans la configuration d’une communauté d’apprentissage, il sera autant apprenant que ses élèves dans le processus auto-écoformatif alors initié. Le milieu naturel, par son relief, sa localisation géographique, la présence de multiples espèces végétales et minérales ainsi que celle d’une faune diversifiée, entrera en relation avec le Sujet. Au fil des rencontres, il s’agira pour le Sujet (ici le jeune, mais également l’enseignant) de vivre des expériences « par contact direct et réfléchi » (Pineau, 1989, p. 24) avec ses sens et son imaginaire dans le but de favoriser une mise en dialogue avec le vivant et ainsi permettre la création ou la consolidation d’une reliance écologique.
Rappelons que pour certaines cultures, la notion de lieu sacré existe et peut correspondre à un lieu d’apparence ordinaire, source d’une connexion ou reliance profonde entre l’être humain et son Oïkos (Raine, 2005). Autour de la thématique du lieu écoformateur, des activités qui nourriront le sens du lieu pourront d’ailleurs se construire.
De telles caractéristiques de l’Objet, du Sujet, du Milieu et de l’Agent contribuent à la configuration de situations pédagogiques propres au développement de la dimension intérieure du jeune dans son rapport au monde de nature à permettre une reconnexion à ce dernier. Il s’agit de relever à présent un certain nombre de stratégies pédagogiques sans entrer toutefois dans le détail des stratégies didactiques (relation entre l’Objet et l’Agent), d’apprentissage (relation entre l’Objet et le Sujet) et d’enseignement (relation entre l’Agent et le Sujet) puisqu’un tel découpage est moins adapté pour un Objet qui se vit de façon transversale et qui, comme nous l’avons évoqué, ne s’enseigne pas.
Les stratégies pédagogiques de reconnexion au monde
Les stratégies pédagogiques de reconnexion au monde se déclinent en deux grandes étapes autour du thème de la relation avec la Nature et le territoire, qui sont reprises dans un schéma intégrateur dans la Figure 2 :
En premier lieu, il importe de permettre la rencontre entre le jeune et la Nature-territoire, soit le milieu de vie naturel et ses composantes, pour découvrir, vivre et nourrir sa reliance au monde. On pense au développement de l’imaginaire mytho-poétique dont les jeunes sont doués (Cottereau, 1999) et qui peut avoir lieu en jouant dans la nature ou lors de l’écoute au sein même de cette Nature-territoire de récits narratifs qui racontent la relation d’interdépendance qui relie l’être humain et son Oïkos. On pense aussi à proposer des moments de solitude favorisant la contemplation silencieuse ou pleine conscience (« mindfulness ») du jeune dans un lieu naturel donné. Cette rencontre est le point de départ d’une herméneutique dialogique, soit d’une recherche de sens de cette rencontre, établie dans le dialogue à la fois avec la Nature-territoire et avec soi-même (intérieur).
Il importe de souligner que le déploiement d’une telle identité écologique n’a de pertinence que si la rencontre se poursuit au fil des jours en aménageant des espaces (temps et lieux) en ce sens.
Ensuite, à la suite de la rencontre écoformatrice, il s’agit de poursuivre et de déployer cette herméneutique dialogique selon trois moments interreliés pour renforcer le processus d’auto écoformation existentielle ou d’écospiritualisation qui s’y rattache.
Le premier moment (2.1 dans la Figure 2) correspond à la poursuite du temps de rencontre avec la Nature et le territoire où le jeune pourrait vivre ou exprimer sa reliance envers cette Nature-territoire. Le processus réflexif autour de la question du sens de cette rencontre et de cette connexion peut ainsi être engagé et participer à la construction identitaire du jeune dans sa relation au monde, voire au cosmos, mobilisant sa spiritualité.
Le jeune peut continuer d’exprimer l’émergence de sa reliance écologique selon différents modes d’expression dont les arts, l’écriture de récits poétiques et/ou autobiographiques. Ces procédés autopoïétiques11 participent à la construction d’une identité narrative (Ricœur, 1990) où le jeune se raconte. Ils sont associés à un processus bio-cognitif de cognition incarnée propre à l’énaction (Varela et al., 2016) ou encore à une Bildung esthétique (Von Bonsdorff, 2011), soit un travail sur soi dans son rapport au monde que rejoint la quête d’harmonie.
Enfin, le troisième moment est celui de l’échange du jeune avec son enseignant et ses pairs. Il permet de prolonger l’herméneutique dialogique en renforçant la réflexion autour du sens et de la reliance au monde. L’établissement de cercles de parole associés au principe d’une communauté de recherche philosophique dans le cadre d’ateliers de philosophie pour enfants / adolescents (Lipman et Sharp, 1978) permettrait à la fois une attestation de soi, une sollicitude pour autrui et une reconnaissance mutuelle, pour chacun des participants, selon une éthique réflexive-narrative (Gohier, 2011).
L’ensemble de cette démarche holistique de développement d’une identité écologique profonde associée à une quête d’harmonie correspond à une praxis dans la veine de John Dewey (1938/1963), qui implique dans son sillage une démarche réflexive et critique. Ainsi, cette démarche écoformatrice d’ordre philosophique relève d’une écopédagogie (Vogels, 2007), c’est-à-dire un processus transformatif qui conduit le Sujet à son émancipation par une prise en charge de lui-même dans le désir de vivre en harmonie avec le monde dont il sent qu’il est partie intégrante.
FIGURE
2.
Synthèse
des stratégies de reconnexion au monde, situées dans la rencontre
écoformatrice avec la Nature-territoire
La caractérisation des différentes composantes de la situation pédagogique et l’exposé des stratégies permettant de répondre aux visées de la proposition éducative nous amènent à considérer notre didactique des diversités selon une didactique alternative aux didactiques disciplinaires. Elle correspond à une didactique générale centrée sur le Sujet.
UNE DIDACTIQUE GÉNÉRALE ÉCOformatrice CENTRÉE SUR LE SUJET
La réponse à l’objectif de construction d’un modèle éducationnel qui vise le plein épanouissement du jeune dans son rapport à la Nature et au territoire, au fondement d’une reliance écologique pouvant activer son pouvoir agir écocitoyen, a conduit à une didactique générale écoformatrice centrée sur le Sujet. Celle-ci est bâtie autour d’une herméneutique dialogique, soit une recherche de sens établie dans une relation dialogique entre le Sujet et la Nature-territoire.
Une telle didactique des diversités est à la fois inscrite dans le paradigme transdisciplinaire de la complexité reconnaissant l’existence de différents niveaux de réalités avec le rôle actif du Sujet (Nicolescu, 1996) et dans le paradigme autochtone où le savoir se construit dans la relation au milieu de vie (Wilson, 2013). Cette didactique rejoint la tradition germanique et scandinave dont la conception diffère profondément de la conception francophone (Lenoir, 2020; Schelle, 2016). En effet, comme l’explicite Lenoir (2020, p. 26) :
[La didactique germanique et scandinave] est conçue soit comme "la mise en place des conditions d’apprentissage en termes de développement psychologique" (Hellgren, 1993b, p. 10) […]. Il s’agit […] d’une "didactique générale" […] "qui fait clairement partie des sciences de l’éducation et concerne tous les problèmes de l’enseignement et apprentissage d’un point de vue général, indépendamment des disciplines et des contenus" (Dorier, Leutenegger et Schneuwly, 2013, p. 12).
[La] tâche centrale de la didactique est d'éclairer, en fonction du but général de la "Bildung" de l'élève, les processus de décision quant aux contenus d'enseignement. Le choix des contenus est vu comme le résultat historique de luttes sociales régulées par l'État, garant de processus démocratiques. (Schneuwly, 2020, p. 47)
Une telle didactique générale articulée autour de la Bildung
porte aussi bien sur la définition des objectifs généraux, sur les contenus et sur la structure de l'école que sur les programmes d'études et sur les méthodes d'enseignement. Il s'agit d'une théorie qui articule la dimension collective de la formation de la personnalité avec sa dimension individuelle en vue de réformer le système d'enseignement en fonction d'objectifs sociaux. (Schneuwly, 2020, p. 46)
Comme le souligne Schelle (2016), cette didactique générale traite des questions transversales à toutes les matières scolaires, permettant ainsi un décloisonnement des savoirs. Celle-ci tire ses origines de la philosophie herméneutique en étant centrée autour des sujets :
les apprenants (avec leurs manières de voir le monde et leurs vécus) sont considérés comme étant les concepteurs de leurs processus d’apprentissage. Cette perspective se réfère ainsi à une certaine compréhension de "Bildung" et des processus éducatifs qui peuvent être compris d’une part comme acquisition et changement de relation avec soi-même et par rapport au monde (Schelle, 2003; Wegner, 2011), des processus éducatifs qui sont en constante transformation ("transformatorischer Bildungsbegri", Koller, 2012) et qui d’autre part, tiennent compte de manière permanente de la différence dans leur évolution (Peukert, 1998) (Schelle, 2016, p. 130).
Ainsi, pour cette auteure, il est question d’une didactique herméneutique où « une importance particulière peut être accordée à la co-construction de sens, d’expérience, et à l’imagination dans la pratique de l’enseignement » (Schelle, 2016, p. 131), accordant une place centrale à la compréhension de soi et de l’autre ainsi qu’à la réflexivité. Selon la tradition herméneutique et phénoménologique, la Bildung intègre ainsi l’autoformation existentielle correspondant à la spiritualité (Galvani, 2018).
Il est intéressant de remarquer que lorsque Lenoir (2020) remonte aux origines historiques du développement de la didactique, celui-ci cite Comenius (1592-1670) selon lequel la didactique intégrait une méthode d’enseignement général « faisant appel aux lois de la nature » (p. 17) avec une « volonté de transformation sociale » (p. 17), « émancipatrice qui puisait dans la tradition hussite12 » (p. 20). On retrouve ainsi dans les prémices d’une telle didactique les visées du modèle que nous proposons, à savoir le développement de la personne dans son intégralité prenant en compte sa spiritualité, gage d’authenticité et d’émancipation.
Cette conception de la didactique se distingue nettement de la conception francophone « étroitement associée à la priorité accordée aux savoirs disciplinaires » (Lenoir, 2020, p. 27) qui s’appuie sur la raison et la démarche rationnelle de transmission de connaissance. Il en résulte que cette dernière, campée dans le paradigme disjonctif, est « centrée sur l’étude de contenus cognitifs exclusifs » (Lenoir, 2020, p. 23) en ne considérant « que l’aspect cognitif de ce qui se passe dans une classe » (Lenoir, 2020, p. 24). Une telle « fonction d’instruction en tant que transmission des savoirs portés par les disciplines » (Lenoir, 2020, p. 29) marque la distinction d’ordre épistémologique13 entre une approche transmissive et une approche transformationnelle associée à « une connaissance relationnelle » (Wilson, 2001, p. 177).
En revanche, on note dans le modèle éducationnel développé quelques éléments de convergence avec le modèle étasunien qui peut être qualifié de pragmatique, mettant « l’élève en tant qu’individu au centre des apprentissages (le pôle sujet) » (Lenoir, 2020, p. 28), centré à la fois sur un savoir-être (dont le savoir-être citoyen inscrit dans les processus de socialisation) et le savoir-faire où on retrouve la pensée deweyenne.
Les seuls points communs qui sous-tendent le développement des différents courants de la didactique sont la tripartition (Objet-Sujet-Agent) et la visée fondamentalement émancipatrice de l’être humain (Lenoir, 2020), même si cette dernière n’est pas vue de la même manière selon les paradigmes éducatifs. Si pour certains, l’émancipation passe par l’instruction, l’acquisition de connaissances disciplinaires (le pôle Objet), soutenue par la raison, pour d’autres, comme dans notre cas, la didactique concerne aussi la dimension psychologique de l’apprenant en tant qu’individu au centre de l’apprentissage (le pôle Sujet), attentive à « la réinscription de la signification symbolique […] qui assure la possibilité d’une intersubjectivité (la fonction de sens) » (Lenoir, 2020, p. 14).
À la lumière des différents exposés, nous pouvons proposer une schématisation dans la Figure 3 de cette didactique générale conçue selon le principe de la Bildung ou de l’herméneutique et que l’on pourrait qualifier d’écospirituelle. On y retrouve les différentes formes d’éducation relative à la Nature et au territoire avec une éducation "au sujet de" et "pour" la Nature-territoire, une éducation "dans" et "par" la Nature-territoire, et enfin une transformation avec cette dernière qui est à la fois Objet, Milieu, Agent et Sujet dans cette relation pédagogique (Sauvé, 1997) où chaque pôle est traversé par cette dimension ontologique qu’est la spiritualité.
FIGURE
3.
Représentation
de la situation pédagogique selon le modèle SOMA de Legendre (2005)
lorsque la spiritualité est intégrée et vécue de façon
transversale
Ce schéma rend compte de la dimension holistique et immanente de la spiritualité, qui est au fondement du paradigme éducationnel autochtone (Battiste, 2010) et ce que Spinoza avait démontré en 1675 dans son ouvrage l’Éthique, ce qui lui avait valu à l’époque l’exclusion de sa communauté et des menaces de mort.
C’est ainsi qu’une telle « didactique des diversités » a mené à une éducation à la diversité. Mais de quelle diversité parlons-nous? Car, si nous faisons part d’une diversité du vivant, cette diversité est à considérer plus largement.
UNE ÉDUCATION À LA DIVERSITÉ BIOTIQUE ET ÉPISTÉMOLOGIQUE; D’UNE UTOPIE À SON OPÉRATIONNALISATION
L’éducation au respect de la diversité du vivant pour un vivre-ensemble écologique nous a amenés à considérer cette ouverture à la diversité de façon plus large, considérant la diversité épistémologique.
Cette proposition éducative holistique construite sur le principe de l’écoformation dans le cadre de la formation permanente (Pineau, 2023) serait une façon d’ouvrir l’école à d’autres formes de savoir, pouvant être reçus dans le cadre d’une éducation informelle, correspondant à une autre forme d’apprentissage qui se fait tout au long de la vie au contact des autres et de la Nature-territoire.
Cette ouverture à la diversité épistémologique — en plus de la diversité didactique — se manifeste ici par le fait d’accorder une attention à l’expression d’un savoir révélé au travers de la diversité des espèces vivantes qui entrent en relation avec la diversité humaine autour d’un socle commun qu’est celui de la spiritualité.
Cet apport complémentaire aux autres formes de savoir instituées ne les néglige pas pour autant. Au contraire, c’est par la jonction des sphères cognitive, corporelle, affective et spirituelle,
de l’ordre du penser et de la sensibilité, que compréhension et relation peuvent se développer. C’est par la mise en œuvre du discours de la rationalité et du langage symbolique, par l’éveil de la sensation, et son appel aux sens, et de l’affectivité, par l’évocation du sentiment de contiguïté et d’appartenance, que l’Homme fragmenté peut retrouver le lieu de son unité, celui du sens (Gohier, 2002, p. 22).
Cette diversité des savoirs rejoint l’épistémologie autochtone selon laquelle il existerait trois sources de savoirs qui se chevauchent et interagissent ensemble; les savoirs traditionnels ou ancestraux transmis de génération en génération, les savoirs d’expérience et les savoirs révélés, acquis au travers des rêves, des visions et des intuitions, et qui correspondent à la manifestation de la spiritualité (Brant Castellano, 2000). On pourrait ainsi y déceler un point de rencontre, voire de convergence, entre les savoirs autochtones et les savoirs occidentaux d'où pourraient émerger de nouvelles façons d’apprendre (Kapyrka et Dockstator, 2012).
Une telle ouverture épistémologique permet le développement d’une agentivité14 épistémique chez le jeune (Demers et al., 2016) au moyen du processus de subjectivation de l’apprenant, que Leroux (2004) et Schelle (2016) considèrent comme une formation à la vie libre. Il en résulterait la possible activation d’une agentivité écocitoyenne chez le jeune, c’est-à-dire le fait de pouvoir accomplir (ou de pouvoir être) librement ce qui est considéré comme étant valable à ses yeux et de pouvoir agir de façon critique face aux enjeux environnementaux, au regard de différents facteurs, intrinsèques et extrinsèques, qui le concernent (Morin et al., 2019). Cela n’est possible sans une « éthique de la compréhension aussi bien chez les enseignants que chez les enseignés » (Morin, 2014, p. 60) avec l’instauration d’une communauté d’apprentissage permettant la co-construction des savoirs.
Est-ce un programme utopiste ? Sans doute à première vue. Faut-il encore avoir le courage de formuler l’utopie pour ensuite proposer des avenues didactiques pour y accéder. La présente proposition éducative y contribue, où la formation des enseignants est essentielle. Il importe d’accompagner les enseignants dans cette démarche de formation en encourageant l’adoption d’une posture de recherche au sein même de l’action éducative selon le principe d’une éthique réflexive-narrative (Gohier, 2011) propre au praticien réflexif (Schön, 1994; de Souza, 2006). L’attention portée à la réflexivité dans la formation enseignante, perçue déjà comme fondamentale au développement de son autonomie et de sa capacité à personnaliser ses interventions (Pellerin et Araújo-Oliveira, 2012), lui sera d’un grand support pour découvrir d’abord sa propre dimension spirituelle et son identité écologique pour construire ensuite une identité professionnelle favorisant l’expérimentation d’une pédagogie transversale de reconnexion au monde. Soulignons à cet effet que des cours universitaires dans le cadre de la formation initiale ou continue des enseignants concernant leur développement à la fois personnel et professionnel, intègrent la dimension spirituelle selon des procédés d’autoformation aux appellations variables telles que la psychosynthèse (Doyon et Pineault, 2019) ou encore l’accompagnement de soi source de « mieux-être-et-vivre » (Rondeau, 2019, p. 25). De plus, il existe des initiatives de développement de l’approche holistique en éducation, notamment avec J.-P. Miller (2019) à Toronto, qui intègrent la dimension spirituelle dans les processus d’apprentissage.
Si nous ne sommes qu’au début de telles initiatives, l’intégration de la complexité en éducation qui rejette la fragmentation et inclut l’apprenant dans le processus de construction de savoir (Morin, 2014), soutient une telle proposition éducative intégrant la dimension spirituelle à la fois de la Nature-territoire, de l’apprenant et de l’enseignant dans les apprentissages15. Ajoutons à cela les démarches de l’UNESCO en juin 2021, mobilisant les savoirs ancestraux autochtones et dont le but est de réconcilier les êtres humains avec la Nature dans le cadre de la Décennie (2021-2030) des Nations-Unies pour la restauration des écosystèmes. Ces orientations légitiment à leur tour une telle proposition éducative. Par ailleurs, l’application des appels à l’action de la Commission Vérité et Réconciliation au regard des peuples autochtones au Canada (CVR, 2015), réclamant de « former les enseignantes et les enseignants à intégrer les méthodes d’enseignement et les connaissances autochtones en classe » (Ministère de l’Éducation du Québec, 2020, p. 14) va dans le sens d’une telle ouverture.
CONCLUSION
Pour répondre à l’enjeu d’une éducation à la diversité, la proposition éducative issue d’une recherche doctorale, dont le volet praxéologique est présenté dans cet article, s’inscrit dans un paradigme éducationnel alternatif transdisciplinaire. En plus d’une éducation à la diversité du vivant, elle favorise un développement plus complet du jeune dans son rapport au monde et une ouverture à d’autres épistémologies avec toujours comme garde-fou cette approche réflexive critique considérant le risque d’erreur. Elle a ainsi le mérite d’ouvrir le champ des possibles avec d’autres ontologies permettant aux jeunes de mieux appréhender cette diversité au-delà de tout anthropocentrisme, lui permettant l’adoption d’une démarche réflexive empreinte d’humilité. Une telle proposition éducative inscrite dans une didactique des diversités dépasse les didactiques disciplinaires pour ouvrir sur une approche écoformatrice transversale de notre humanité, encourageant une « symbiose pleinement consciente et assumée » avec la Terre (Brédif, 2013, para. 33). Comme le souligne Nicolescu (1996, p. xiv), il s’agit au bout du compte d’« une transgression généralisée qui ouvre un espace illimité de liberté, de connaissance, de tolérance et d'amour » pour le déploiement d’un vivre-ensemble écologique harmonieux et un réenchantement du monde.
Notes
Lorsqu’on fait état d’une approche holistique en éducation, cela implique deux caractéristiques majeures. Toutes les dimensions de l’apprenant, dont les quatre principales; cognitive, corporelle, affective et spirituelle, sont prises en compte et considérées comme étant reliées entre elles. Les apprentissages sont contextualisés, en relation avec le milieu de vie naturel. Le concept de holisme, à l’opposé du réductionnisme, conduit à l’idée qu’ « une chose n’existe qu’en vertu des relations qu’elle soutient avec le milieu dans lequel elle est plongée » (Næss, 2017, p. 14). Voir à cet effet l’article Boelen (2021).
À partir de l’Émile ou De l'éducation de Rousseau (1762), Pineau (1989, 2023) définit la théorie tripolaire de la formation comme un processus biocognitif anthropologique associant 1) l’autoformation, soit la « prise en charge par soi-même de soi-même » (Pineau, 1989, p. 26) où la prise de recul sur son expérience permet à l’individu d’apprendre sur lui-même, sur ce qui l’entoure et ses interactions avec ce qui l’entoure; 2) la socioformation (co et hétéroformation), soit la formation par et avec les autres humains; et 3) l’écoformation, soit la formation au contact du milieu de vie au sens écosystémique.
Le terme germanique Bildung correspond au développement personnel, un « travail sur soi, culture de ses talents pour son perfectionnement propre. La Bildung vise à faire de l’individualité une totalité harmonieuse la plus riche possible, totalité qui reste liée pour chacun à son style singulier, à son originalité » (Fabre, 1994, p. 135).
Nous distinguons l’éducation informelle de l’éducation non formelle. Si l’éducation non formelle a lieu dans un cadre non formel tel qu’un parc ou un musée, l’éducation informelle est une éducation qui se fait presque à notre insu, ce qui est le propre de l’écoformation.
L’approche transdisciplinaire utilisée dans cette recherche a fait l’objet d’un article de Boelen, V. (2023). La transdisciplinarité comme voie de décolonisation du savoir et de la pensée. Enjeux et sociétés. Approches transdisciplinaires, 10(1), 215-243. https://doi.org/10.7202/1098704ar
Boelen, V. (2021). La spiritualité dans l’approche holistique à la Nature-territoire : un processus d’auto-écoformation. Éducation relative à l’environnement : Regards – Recherches - Réflexions, 16(2). https://journals.openedition.org/ere/8344
La reliance est l’acte de relier ou de se relier et le résultat de cet acte, la reliance vécue (Bolle de Bal, 2003).
Nous écrivons Nature avec une N majuscule pour souligner la valeur intrinsèque de la Nature. On sera amené à utiliser le terme de Nature-territoire pour signifier le fait que ce n’est pas un concept, mais une entité rattachée à un territoire géographique donné.
Nous rappelons que par jeune, nous entendons les enfants d’âge scolaire soit ceux du primaire et du secondaire.
En prenant l’exemple de la double hélice de l’ADN imaginée au départ par Watson (1970), Hay et Nye (1998/2006, p. 73) soulignent que l’imaginaire est également mobilisée en science.
Autopoïétique : ce terme créé en 1980 par Maturana et Varela, et repris par Pineau (2005), est employé pour signifier ce qui se passe dans la dynamique d’autonomisation propre aux systèmes vivants, soit un processus d’auto-éco-ré-organisation (Morin, 2008, p. 622).
Mouvement social inspiré par le théologien universitaire Jan Huss, réformateur avant la Réforme, sous l’Empire romain germanique au XVe siècle, provoquant un soulèvement contre les indulgences papales. Il dénonçait une Église ayant perdu toute spiritualité, prônant ainsi le retour à une Église apostolique spirituelle et pauvre (Bergèse, 2015).
On y retrouve aussi la nette distinction entre la logique du tiers exclu de Houssaye (1993/2013) et celle du tiers inclus de Nicolescu (1996).
L’agentivité se définit comme un processus libérateur d’engagement de la personne. Elle est associée au pouvoir agir et est contextualisée à une situation donnée (Demers et al., 2016).
Cette proposition éducative est d’ailleurs mise à l’essai lors d’une recherche postdoctorale qui documente également le processus de formation des enseignants selon une formule d’accompagnement sur le terrain de pratique.
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