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LA PRÉDICTION DU DÉCROCHAGE SCOLAIRE D’ÉLÈVES DU SECONDAIRE À PARTIR DE LEURS PERCEPTIONS DE FACTEURS DU MILIEU FAMILIAL ET DU CLIMAT DE CLASSE



SANDY NADEAU et ANNE LESSARD Université de Sherbrooke


ROLLANDE DESLANDES Université du Québec à Trois-Rivières


Le décrochage scolaire est reconnu pour être lié à une plus grande insécurité financière, des difficultés d’intégration sur le marché de l’emploi, des coûts plus élevés quant à l’utilisation des services d’aide sociale et de la sécurité du revenu et des soins de la santé ainsi que plus de dépenses liées à la criminalité et à la délinquance (Conseil canadien sur l’apprentissage, 2009; Lafond, 2008). Face à ce constat, la Politique de la réussite éducative (Gouvernement du Québec, 2017) vise à augmenter à 85 % la proportion d’élèves titulaires d’un premier diplôme d’études secondaires ou professionnelles et à mobiliser la communauté éducative.

Les raisons pouvant mener un élève à décrocher sont multiples et complexes (Fortin, Marcotte, Diallo, Potvin et Royer, 2013; Lessard, Poirier et Fortin, 2010). De nombreuses études ont visé à identifier des facteurs personnels, familiaux et scolaires liés au risque que l'élève décroche. Quant aux caractéristiques personnelles, les études soulignent que le risque de décrochage scolaire est lié aux aspirations scolaires (Archambault et al., 2017), à l’engagement scolaire (Archambault et al., 2017; Fall et Roberts, 2012), aux comportements extériorisés (O’Connell et Sheikh, 2009) et intériorisés (Lessard, Fortin, Joly, Royer, Marcotte et Potvin, 2007), tout comme au rendement scolaire (Archambault et al., 2017; Blondal et Adalbjarnardottir, 2014). Du côté du milieu familial, les facteurs identifiés renvoient au statut socioéconomique (Archambault et al., 2017; Parr et Bonitz, 2015), à l’encadrement parental (Archambault et al., 2017), à la participation des parents au suivi scolaire (Fortin et al., 2013; Parr et Bonitz, 2015) et aux problèmes familiaux (Fortin et al., 2013; Jordan, Kostandini et Mykerezi, 2012). Quant au milieu scolaire, la relation élève-enseignant (Doré-Côté, 2007; Hugon, 2010), les interactions avec les pairs (Archambault et al., 2017; Jordan et al., 2012), l’organisation de la classe (Cossette et al., 2004; Hugon, 2010) ainsi que les choix pédagogiques (Hugon, 2010) font partie des facteurs liés au risque décrochage scolaire, tout comme, de manière plus globale, le climat de classe (Fortin et al., 2013), défini comme étant un système social et dynamique incluant les comportements de l’enseignant, mais aussi les interactions entre l’élève et l’enseignant ainsi que celles entre les élèves (Trickett et Moos, 1973).

Considérant que le décrochage scolaire est reconnu comme un long processus complexe où plusieurs facteurs interagissent entre eux, Dupéré, Leventhal, Dion, Crosnoe, Archambault et Janosz (2015) proposent une perspective du décrochage scolaire s’orientant vers le processus de stress et de parcours de vie. Ce processus implique la présence de stresseurs nécessitant une adaptation de la personne. Ces stresseurs prennent la forme de circonstances ou d’expériences externes influençant le parcours de vie de l’élève et sont reconnus pour être notamment plus nombreux chez les populations issues de milieux socioéconomiques défavorisés. Le processus de stress suggère que l’effet de ces stresseurs sur l’adaptation de l’élève soit modéré par divers facteurs internes ou externes, qualifiés en tant que ressources ou vulnérabilités, issus notamment du contexte environnemental dans lequel l’individu s’inscrit. Pour l’élève, le contexte environnemental proximal renvoie entre autres au milieu familial et au milieu scolaire. L’adaptation qui en résulte mènerait alors éventuellement, ou non, au décrochage scolaire.

Bien que les facteurs liés au décrochage scolaire aient été largement étudiés, la perception qu’a l’élève de ces facteurs issus du milieu familial et du milieu scolaire représente un point d’intérêt puisqu’il s’agit de cette perception, issue des informations tirées de son environnement, qui pourrait mener à l’adaptation de son comportement (Forgus et Melamed, 1976). Il ne s’agirait possiblement donc pas des facteurs eux-mêmes, tels que les facteurs du milieu familial ou le climat de classe, mais bien de la perception qu’a l’élève de ces facteurs, en tant que ressources ou vulnérabilités, qui pourrait influencer le comportement de l’élève face au décrochage scolaire.

Le modèle révisé sur la participation parentale d'Hoover-Dempsey et Sandler (2005) souligne l'importance de la perception qu’a l’élève de la participation de ses parents au suivi scolaire puisque, d’après ce modèle, selon la perception qu’il en a, leur participation n'aura pas l'influence attendue sur ses attributs liés à l'apprentissage. Quant au climat de classe, il est reconnu que les perceptions des élèves peuvent être plus représentatives du climat de classe que celles d’un observateur externe puisqu’elles déterminent davantage les comportements des élèves que les caractéristiques de la situation réelle et sont reconnues pour contribuer à expliquer une plus grande variance des résultats scolaires des élèves que les données issues d’observations externes (Fraser et Walberg, 1981).

En somme, plusieurs études ont porté un regard sur la relation entre des facteurs du milieu familial, le climat de classe et le risque de décrochage scolaire. En revanche, puisque les comportements menant au décrochage scolaire peuvent découler de la perception qu’a l’élève de son contexte environnemental, il apparait pertinent de s’attarder à la perception qu’a l’élève à risque de décrochage scolaire de ces facteurs. Dans un souci de prévention de décrochage scolaire chez les élèves issus de milieux socioéconomiques défavorisés, il importe de s’y attarder afin d’identifier les ressources à mobiliser visant à les soutenir dans leur parcours de vie menant à la diplomation.

L’objectif de cette étude est de prédire le risque de décrochage scolaire à partir des perceptions qu’a l’élève de facteurs du milieu familial, soit le style parental et la participation des parents au suivi scolaire, et du climat de classe au début du secondaire dans un milieu socioéconomique défavorisé. Les objectifs spécifiques se formulent ainsi:

  1. Prédire le risque de décrochage scolaire à partir de la perception qu’a l’élève de facteurs du milieu familial.

  2. Prédire le risque de décrochage scolaire à partir du climat de classe perçu par l’élève.

  3. Évaluer la contribution relative de la perception qu’a l’élève de facteurs du milieu familial et du climat de classe sur le risque de décrochage scolaire.

MÉTHODE

Cette étude renvoie à une analyse secondaire de données collectées dès la première année de participation à un projet de recherche plus large portant sur un programme visant à améliorer le taux de diplomation par la mise en place de sphères d’action auprès d’élèves à risque de décrochage scolaire habitant dans un quartier socioéconomique défavorisé (Lessard, et al., 2017). La présente étude s’inscrit dans un devis corrélationnel prédictif de type transversal.

ÉCHANTILLON

Les élèves du premier cycle d’une école secondaire de la région de l’Estrie ont été ciblés puisqu’au secondaire, les parents d’élèves de niveau scolaire inférieur participeraient davantage dans les activités scolaires que les parents d’élèves plus avancés (Larivée, 2012). Les élèves participants habitent dans un quartier se situant au 10e rang décile quant à l'indice de milieu socioéconomique (Gouvernement du Québec, 2013).



L’échantillon de notre étude est composé de 92 élèves (taux de participation = 92,9 %) répartis sur trois cohortes de participation au programme, dont 51 garçons (55,4 %) et 41 filles (44,6 %), âgés de 12 à 16 ans (M = 13,48 ans; EC = 0,94). Quant à leur niveau scolaire au moment de la participation à l’étude, 58 élèves sont en première secondaire (63,0 %), 25, en deuxième secondaire (27,2 %) et 9 élèves (9,8 %), en troisième secondaire. Ces élèves sont inscrits au programme régulier (n = 72), au programme vocationnel (n = 15) ou au programme d'adaptation scolaire et sociale (n = 5). Sur le plan familial, 35 élèves sont inscrits comme faisant partie d'une famille nucléaire (les deux parents biologiques habitent avec l’enfant dans la même résidence; 38,0 %) alors que 57 sont issus d'une famille non nucléaire (62,0 %).

Outils de collecte de données

Des données sociodémographiques, telles que le sexe, l’âge, le niveau scolaire, le programme d’étude ainsi que la structure familiale, ont été recueillies à partir du dossier de l’élève. L’élève a ensuite répondu à quatre questionnaires dont la description suit.

Le Questionnaire de dépistage d’élèves à risque de décrochage scolaire s’adresse à l’élève et permet d’évaluer le risque de décrochage scolaire (Potvin, Doré-Côté, Fortin, Royer, Marcotte et Leclerc, 2004). Il porte sur les trois principaux systèmes liés au risque de décrochage scolaire, soit les facteurs personnels, familiaux ou sociaux et scolaires. Le questionnaire est composé de 33 items répartis en cinq dimensions: 1) participation parentale dans les activités, 9 items; 2) attitudes envers l’école, 9 items; 3) perception de son niveau scolaire, 10 items; 4) supervision parentale, 7 items; 5) aspirations scolaires, 4 items. Une description plus détaillée des dimensions est disponible dans Nadeau (2018). Selon les dimensions, l’élève doit répondre sur une échelle de type Likert à quatre ou six échelons. Pour répondre aux objectifs de l’étude, seul le score global (α = 0,87) est utilisé. Outre une bonne consistance interne obtenue auprès de deux autres échantillons québécois ( = 0,89), Potvin, Fortin et Rousseau (2009) ont appuyé la stabilité temporelle de l’outil auprès d’un échantillon de 247 élèves de troisième secondaire d'une école de la région de Montréal à partir de deux passations à un mois et demi d’intervalle (r = 0,84) ainsi que les validités de contenu, de construit et prédictive de l’outil ont également été appuyées.

Le Questionnaire du style parental a été développé par Steinberg, Lamborn, Dornbusch et Darling (1992) à partir d’items d’autres outils portant sur les pratiques parentales et à partir de leurs propres travaux. Il porte sur les pratiques parentales des parents de l’adolescent, dans les cas de familles biparentales, ou de leur mère, dans le cas des familles monoparentales. La version francophone de l’outil présente 24 items répartis en trois dimensions, validées par une analyse factorielle (Deslandes, et al., 1995), correspondant aux trois dimensions préalablement identifiées par Steinberg et al. (1992): 1) engagement, soit le degré auquel l’adolescent perçoit ses parents comme étant chaleureux, engagés et sensibles en 10 items répondus sur une échelle de type Likert à 4 échelons (“ tout à fait d’accord ” à “ tout à fait en désaccord ”); 2) encadrement, soit le degré auquel l’adolescent perçoit la supervision parentale et les limites établies par ceux-ci en 6 items répondus sur une échelle de type Likert à 3 échelons (“ jamais ”, “ parfois ” et“ souvent ”); 3) encouragement à l’autonomie, soit le degré auquel l’adolescent perçoit l’utilisation d’une discipline non coercitive et démocratique par les parents ainsi que leur encouragement face à leur adolescent à exprimer son individualité dans la famille en 8 items répondus sur une échelle de type Likert à 4 échelons (“ tout à fait d’accord ” à “ tout à fait en désaccord ”). Plus le score d’une dimension est élevé, plus la dimension est présente. Une liste présentant les items de chacune des dimensions est présentée par Deslandes (1996). Sur le plan de la consistance interne, bien que les valeurs  de Cronbach varient entre 0,86 et 0,80 d’après Deslandes et al. (1995), elles sont respectivement de 0,77, 0,80 et 0,67 pour l’engagement, l’encadrement et l’encouragement à l’autonomie auprès de l’échantillon de la présente étude. Du côté de la validité de l’outil, la validité de convergence de la version anglophone est appuyée (Steinberg et al., 1991).

Le Questionnaire sur la participation parentale au suivi scolaire, élaboré par Epstein, Connors et Salinas (1993), s’adresse aux adolescents et porte sur leurs perceptions de la participation parentale dans leur suivi scolaire. La version francophone de l’outil comporte 18 items portant sur des activités possiblement réalisées par le parent à la maison ou à l’école. D'après une analyse factorielle, les items de la version francophone sont répartis en cinq dimensions (Deslandes, 1996; Deslandes et al., 1995): 1) le soutien affectif des parents, par exemple « un de mes parents m’encourage dans mes activités scolaires », 6 items, α = 0,81; 2) la communication avec les enseignants, « un de mes parents parle au téléphone avec mes enseignants », 4 items, α = 0,82; 3) les interactions parent-adolescent axées sur le quotidien scolaire, « un de mes parents me demande si j'ai fait mes travaux scolaires », 4 items, α = 0,84; 4) communication parent-école, « Un de mes parents va aux rencontres de parents à l'école », 3 items, α = 0,74; et 5) communication parent-adolescent, α = 0,65, « un de mes parents discute avec moi de mes projets d'avenir », 3 items. Les items doivent être répondus sur une échelle de type Likert à 4 échelons (“ jamais ” à “ très souvent ”). Un score est ensuite calculé pour chacune des cinq dimensions. Plus le score est élevé, plus la dimension est présente. Une liste des items composant chacune des dimensions est présentée par Deslandes (1996). La fidélité de la version francophone de l’outil est appuyée par Deslandes et al. (1995) auprès de 145 élèves de troisième secondaire. La valeur  de Cronbach de chaque dimension varie entre 0,82 (soutien affectif) et 0,59 (communication parent-école). Dans le cadre de la présente étude, de fortes intercorrélations entre le soutien affectif, les interactions parent-adolescent axées sur le quotidien scolaire et la communication parent-adolescent (r = 0,63 à 0,69; p < 0,001) ainsi qu’entre la communication avec les enseignants et la communication parent-école (r = 0,65; p < 0,001) ont été identifiées. Afin de respecter la prémisse de multicolinéarité pour les analyses de régression à venir, des regroupements ont été produits ayant mené à deux dimensions: les interactions parent-adolescent (α = 0,89) ainsi que la communication avec le milieu scolaire (α = 0,87).

L'Échelle de l'Environnement de Classe (EEC; Tremblay et Desmarais-Gervais, 1979) représente la traduction de la version abrégée du Classroom Environment Scale (Moos et Trickett, 1987) et permet d'évaluer l'environnement psychosocial à partir des perceptions qu'ont les élèves et l'enseignant du climat de classe. Cette version compte 36 items répartis également en 9 échelles: 1) engagement.; 2) affiliation; 3) soutien de l'enseignant; 4) orientation vers la tâche; 5) compétition; 6) ordre et organisation; 7) clarté des règlements; 8) contrôle de l'enseignant; 9) innovation. Une description plus détaillée des dimensions est disponible dans Nadeau (2018). Chaque énoncé est répondu par “ vrai ou surtout vrai ” ou “ faux ou surtout faux ”. Une moyenne peut être calculée pour obtenir le score de chaque dimension ou le score total. Plus il est élevé, plus la perception de l’élève est positive. La consistance interne de l'outil a été évaluée auprès de diverses populations. Lorsque l'élève est considéré comme unité d'analyse, les valeurs α de Cronbach varient de 0,51 à 0,75 auprès d'un échantillon de 1083 élèves de Tasmanie (Fraser et Fisher, 1983). Dans le cadre de notre étude, seul le score total a été utilisé puisque la consistance interne (α = 0,67) est plus satisfaisante que celle des dimensions à partir des données de notre échantillon (variant de 0,18 à 0,62). Puisque la perception du climat de classe est spécifique à chaque classe, les participants ont été invités à répondre en fonction de leur perception du climat de la classe de français puisqu’ils ont tous ce cours à l’horaire et que le nombre de périodes est plus élevé que celui des autres matières.

PROCÉDURE

La collecte de données a été réalisée sur trois années, une année par cohorte, au mois d'avril. Lors d’une période d'aide aux devoirs, fréquentée par tous les élèves participant au programme, les élèves ont répondu aux quatre questionnaires. Dans le cas où un élève participait aux deux années de la collecte de données, seules les données de la première année de participation ont été retenues.

Considérations éthiques

Un certificat éthique a été obtenu dans le cadre de l’étude souche (Lessard et al., 2017). Le consentement de chaque participant a été obtenu auprès des élèves et de leurs parents. La confidentialité des élèves a été assurée par l’attribution d’un numéro de fiche apparaissant sur chaque questionnaire afin que le nom n’apparaisse pas dans les données.

Stratégie d’analyse

Les données ont été traitées et analysées à partir du logiciel SPSS 25. Les données manquantes représentent moins de 1 % des données, à l’exception de la variable de la structure familiale pour laquelle le taux est de 5 %. Des analyses ont montré qu’elles étaient distribuées aléatoirement quant à l’ensemble des autres variables, à l’exception du niveau scolaire (Tabachnick et Fidell, 2013). La moyenne du niveau scolaire du groupe d’observations dont la structure familiale n’est pas connue est plus élevée que celle du groupe d’observations pour lesquelles l’information est connue. Les données manquantes ont été imputées à partir de la prédiction d’autres variables.

Une série d’analyses préliminaires a été réalisée afin de vérifier le postulat de normalité pour chacune des variables continues et, ensuite, d’identifier les caractéristiques sociodémographiques de l’élève ayant un effet sur le risque de décrochage scolaire dans le but de contrôler leur effet pour les analyses subséquentes. Ces analyses ont porté sur les relations entre, d’une part, le sexe, l’âge, le niveau scolaire, le programme d’étude et la structure familiale et, d’autre part, le risque de décrochage scolaire. Ensuite, puisque les objectifs visent à expliquer la variance d’une variable continue à l’aide de facteurs explicatifs, des analyses de régressions linéaires hiérarchiques avec entrée forcée ont été utilisées pour chaque modèle (Field, 2009; Judd, McClelland, Ryan, Muller et Yzerbyt, 2009).

RÉSULTATS

Le tableau 1 présente les analyses descriptives pour les variables de l’étude. Elles comptent la variable dépendante, soit le risque de décrochage scolaire, ainsi que les variables indépendantes: le style parental, la participation des parents au suivi scolaire ainsi que le climat de classe.

TABLEAU 1. Description des variables


Min.

Max.

M

ÉC

Variables dépendantes






Risque de décrochage scolaire

52,50

138,50

93,24

18,37


Variables indépendantes






Style parental






Engagement

9

48

37,51

7,90


Encadrement

5

18

14,52

3,01


Encouragement à l’autonomie

2

24

12,57

4,15


Participation des parents au suivi scolaire






Interactions parent-adolescent

13

52

37,07

9,41


Communication avec le milieu scolaire

4

29

15,85

6,01


Climat de classe






Perception globale

4

31

22,15

4,89




Des analyses préliminaires ont été réalisées entre les variables contrôles et la variable dépendante afin d'identifier les variables à retenir pour les analyses subséquentes. Les résultats ne montrent aucune relation entre le sexe, l’âge, le niveau scolaire ou le programme d’étude et le risque de décrochage. Un test-t pour échantillons indépendants a été réalisé afin de comparer le risque de décrochage scolaire selon la structure familiale de l’élève. Les résultats de l'analyse sont affichés au tableau 2.

TABLEAU 3.


Structure familiale

t(58,108)


Nucléaire

N = 35


Non nucléaire

N = 57


M


EC


M


EC

Risque de décrochage scolaire

86,70


20,61


97,26


15,72

-2,60*



Note. * p < 0,05.

Les résultats indiquent que le risque de décrochage scolaire des élèves issus d'une famille non nucléaire apparait plus élevé que celui des élèves issus d'une famille nucléaire [t(58,108) = -2,60; p < 0,05]. La structure familiale a donc été conservée en tant que variable contrôle pour les analyses de régression impliquant des variables du milieu familial.

Corrélations entre les variables indépendantes

Des analyses de corrélation ont été réalisées entre les variables indépendantes. Les résultats sont présentés au tableau 3



TABLEAU 3. Corrélations entre les variables indépendantes


Engagement

Encadrement

Encouragement à l’autonomie

Interactions parent-adolescent

Communication avec le milieu scolaire

Dimensions du style parental






Engagement

---

---

---

---

---

Encadrement

0,40***

---

---

---

---

Encouragement à l’autonomie

-0,15

-0,14

---

---

---

Types de participation parentale au suivi scolaire






Interactions parent-adolescent

0,43***

0,48***

-0,14

---

---

Communication avec le milieu scolaire

0,20

0,29**

-0,18

0,54***

---

Climat de classe

0,34**

0,40***

-0,29**

0,36***

0,17

Note. ** p < 0,01. *** p < 0,001.


La perception qu’a l’élève des interactions parent-adolescent est corrélée fortement à sa perception de la communication qu’entretiennent ses parents avec le milieu scolaire ainsi que de leur encadrement et engagement. La perception de la communication avec le milieu scolaire serait également corrélée modérément à la perception d’encadrement parental. Quant à la perception du climat de classe, elle est liée positivement aux interactions parent-adolescent ainsi qu’à l’engagement et l’encadrement des parents, mais négativement à la perception d’être encouragé à être autonome.

Description de l’effet de facteurs du milieu familial sur le risque de décrochage scolaire

Une analyse de corrélation entre les dimensions du style parental et les types de participation des parents au suivi scolaire, d'une part, et le risque de décrochage scolaire, d'autre part, a d’abord été produite. Les résultats sont présentés au tableau 4.

TABLEAU 4. Corrélations entre des facteurs du milieu familial et le risque de décrochage scolaire


Risque de décrochage scolaire


R

Dimensions du style parental


Engagement

-0,46***

Encadrement

-0,50***

Encouragement à l’autonomie

0,18

Types de participation parentale au suivi scolaire


Interactions parents-adolescent

-0,57***

Communication avec le milieu scolaire

-0,32**



Note. ** p < 0,01. *** p < 0,001.


En ce qui concerne le style parental, les résultats révèlent que plus l’élève perçoit que le parent s'engage auprès lui [r = -0,46; p < 0,001] et l'encadre [r = -0,50; p < 0,001], moins son risque de décrochage scolaire est élevé; la taille de l’effet étant modérée dans les deux cas (Cohen, 1988). Par ailleurs, la perception qu’a l’élève d’être encouragé à être autonome n’est pas corrélée significativement au risque de décrochage scolaire. Cette variable ne sera donc pas utilisée pour les analyses subséquentes.

Du côté de la participation parentale au suivi scolaire, les résultats soutiennent que plus l’adolescent perçoit que son parent interagit avec lui [r = -0,57; p < 0,001] et communique avec le milieu scolaire [r = -0,32; p < 0,01], moins il est à risque de décrochage scolaire. La taille de l’effet est, respectivement, modérée et faible dans ces cas.

Une analyse de régression hiérarchique avec entrée forcée a ensuite été réalisée à partir des dimensions des facteurs du milieu familial retenus. Cette analyse est effectuée en contrôlant l'effet de la structure familiale. Le tableau 5 présente les résultats.

TABLEAU 5. Analyse de régression du risque de décrochage scolaire sur des facteurs du milieu familial



Modèle 1

Modèle 2



Structure familiale


0,28**

0,14**

Dimensions du style parental




Engagement



-0,21***

Encadrement



-0,23***

Types de participation parentale au suivi scolaire




Interactions parent-adolescent



-0,33***

Communication avec le milieu scolaire



-0,02*-*





R2


0,08**

0,44***

R2



0,36***

Note. * p < 0,05. ** p < 0,01. *** p < 0,001.


Le modèle apparait significatif [F(5,86) = 13,56; p < 0,001]. La valeur de la corrélation multiple du modèle final [r = 0,66] indique qu'il est ajusté de manière satisfaisante aux données. L'ajout de chaque bloc de variables indépendantes contribue à l'amélioration de la variance expliquée. La structure familiale explique 8 % de la variance du risque de décrochage scolaire. L'ajout des dimensions du style parental ainsi que des types de participation parentale au suivi scolaire permet d'expliquer 36 % de plus de la variance. Le modèle final explique 44 % de la variance du risque de décrochage scolaire avec grande taille de l’effet [f2 = 0,79] (Cohen, 1988).

Dans le modèle 1, la structure familiale apporte une contribution individuelle significative pour prédire le risque de décrochage scolaire de l'élève. Les élèves issus d’une famille nucléaire ont un risque de décrochage scolaire plus faible [ = 0,28; t = 2,78; p < 0,01] que les élèves issus d’une famille non nucléaire. Dans le modèle 2, lorsque les dimensions du style parental ainsi que les types de participation parentale au suivi scolaire sont ajoutés, trois variables contribuent significativement au modèle pour expliquer la variance du risque de décrochage scolaire. Les résultats permettent de constater que les élèves percevant plus d'engagement [ = -0,21; t = -2,24 ; p < 0,05] et d'encadrement [ = -0,23; t = -2,39; p < 0,05] de la part de leur parent ainsi que plus d’interactions parent-adolescent [ = -0,33; t = -2,93; p < 0,01] seraient moins à risque de décrochage scolaire que les autres élèves.

Description de l’effet du climat de classe sur le risque de décrochage scolaire

Une analyse de corrélation entre le climat de classe et le risque de décrochage scolaire a d’abord été menée. Les résultats suggèrent que plus l’élève perçoit un climat de classe positif, moins il est à risque de décrochage scolaire [r = -0,49; p < 0,001]; la corrélation ayant une taille d’effet modérée. Une analyse de régression simple a ensuite été réalisée afin d’analyser l’effet du climat de classe pour expliquer la variance du risque de décrochage scolaire. Les résultats sont présentés au tableau 7.

TABLEAU 7. Analyse de régression du risque de décrochage scolaire sur le climat de classe



Modèle 1



Climat de classe


-0,49***




R2


-0,24***

Note. *** p < 0,001.


Les résultats suggèrent que le modèle est significatif [F(1,90) = 28,22; p < 0,001]. La valeur de la corrélation multiple du modèle final [r = 0,49] indique qu'il est ajusté de manière satisfaisante aux données. D’après les résultats, le climat de classe contribue à l'amélioration de la variance expliquée, en expliquant 24 % de la variance du risque de décrochage scolaire avec une taille de l’effet [f2 = 0,31] modérée (Cohen, 1988). Les résultats indiquent que plus l’élève perçoit positivement le climat de classe [ = -0,49; t = -5,31; p < 0,001], moins son risque de décrochage scolaire est élevé.

Évaluation de la contribution relative des facteurs du milieu familial et du climat de classe sur le risque de décrochage scolaire

Une régression hiérarchique avec entrée forcée a été réalisée afin d’évaluer la contribution relative des facteursz du milieu familial et du climat de classe sur le risque de décrochage scolaire. Rappelons que la variable de la structure familiale est insérée dans un premier bloc afin de contrôler son effet sur la variance du risque de décrochage scolaire. Le tableau 8 présente les résultats.

TABLEAU 8. Analyse de régression du risque de décrochage scolaire sur la contribution relative de facteurs du milieu familial et du climat de classe



Modèle 1

Modèle 2



Structure familiale


0,28**

--0,12***

Dimensions du style parental




Engagement



-0,17**

Encadrement



-0,18**

Types de participation parentale au suivi scolaire




Interactions parent-adolescent



-0,29***

Communication avec le milieu scolaire



-0,03***

Climat de classe



-0,23***





R2


0,08**

-0,48***

R2



-0,38***

Note. * p < 0,05. ** p < 0,01. *** p < 0,001.



Le modèle final apparait significatif [F(6,85) = 13,12; p < 0,001]. La valeur de la corrélation multiple du modèle final [r = 0,69] suggère qu'il est bien ajusté aux données. L'ajout de chacun des blocs de variables indépendantes contribue significativement à l'amélioration de la variance expliquée. La structure familiale explique 8 % de la variance du risque de décrochage scolaire. L'ajout des dimensions du style parental, des types de participation parentale ainsi que du climat de classe permet d'expliquer 38 % de plus de la variance. Le modèle final explique 48 % de la variance du risque de décrochage scolaire avec une grande taille de l’effet [f2 = 0,93] (Cohen, 1988).

Pour le modèle 1, les résultats suggèrent que les élèves issus d’une famille nucléaire ont un risque de décrochage scolaire moins élevé [ = 0,28; t = 2,78; ; p < 0,01] que les élèves issus d’une famille non nucléaire. Pour le modèle 2, les résultats permettent de constater qu’une perception plus positive des interactions parent-adolescent [ = -0,29; t = -2,66; p < 0,01] et du climat de classe [ = -0,23; t = -2,56; p < 0,05] contribue à prédire un risque de décrochage scolaire plus faible.

DISCUSSION

Les élèves participants à cette étude ont été sélectionnés pour faire partie d’un programme visant à favoriser leur taux de diplomation à partir de deux critères: leur risque de décrochage scolaire et le quartier socioéconomique défavorisé dans lequel ils habitent. Dans la perspective du processus de stress et de parcours de vie (Dupéré et al., 2015), il est possible que l’élève issu d’un milieu socioéconomique défavorisé ait été exposé, depuis son enfance, à différents stresseurs qui ont pu influer sur son parcours de vie, notamment son risque de décrochage scolaire. Puisque la perception qu’a l’élève de son contexte environnemental peut dynamiser ce parcours de vie, il apparait important de considérer les facteurs environnementaux que l’élève à risque de décrochage scolaire perçoit comme étant des ressources, ou des vulnérabilités. Cette étude avait pour objectif de prédire le risque de décrochage scolaire à partir des perceptions qu’a l’élève de facteurs du milieu familial, soit le style parental et la participation des parents au suivi scolaire, et du climat de classe au début du secondaire dans un milieu socioéconomique défavorisé. Les résultats nous mènent à différents constats quant aux perceptions du milieu familial et du climat qu’a l’élève issu d’un quartier socioéconomique défavorisé et de leur contribution relative à la prédiction du risque de décrochage scolaire.

Il apparait d’abord que, lorsqu’elles sont considérées indépendamment, la perception qu’a l’élève des facteurs du milieu familial explique davantage la variance du décrochage scolaire que celle rapportée du climat de classe. Il est possible que cette plus grande contribution des facteurs du milieu familial puisse renvoyer au fait que l’élève est exposé à son milieu familial depuis de nombreuses années alors que le climat de classe, puisqu’il est spécifique à chaque classe (Gadbois, 1974; Moos et Trickett, 1987), puisse varier d’une année à l’autre et, pour le secondaire, d’une discipline à l’autre. Ainsi, le prolongement du contexte environnemental dans le parcours de vie de l’élève pourrait expliquer la plus grande contribution des perceptions qu’en a l’élève sur son adaptation, soit son risque de décrochage scolaire.

Plus particulièrement, il ressort des facteurs du milieu familial que la structure familiale permet de prédire le risque de décrochage, mais que sa contribution devient non significative lorsque la perception qu’a l’élève de processus familiaux, tels que le style parental ou la participation parentale au suivi scolaire, est considérée. Plusieurs auteurs ont précédemment souligné l’importance d’accorder une plus grande attention aux processus issus du contexte environnemental qu’aux caractéristiques elles-mêmes du milieu (Bronfenbrenner, 1979; Masten et Coastworth, 1998; Washington, 2008). Sous cet angle, la contribution qu’aura la structure familiale sur le parcours de vie de l’élève risque d’être nuancée par les processus qui caractérisent ce contexte et la perception qu’en a l’élève.

Les résultats obtenus suggèrent également que la perception qu’a l’élève de l’encadrement et l’engagement parental ainsi que des interactions parent-adolescent permet de prédire fortement le risque de décrochage scolaire. Il est à noter que la communication des parents avec le milieu scolaire, bien qu’elle soit corrélée modérément au risque de décrochage scolaire de l’élève, ne contribue pas significativement à se prédiction lorsque les autres facteurs sont considérés. Selon le modèle révisé du processus de participation parental d’Hoover-Dempsey et Sandler (2005), la participation parentale au suivi scolaire aurait une influence sur les attributs liés à l'apprentissage, tels que le risque de décrochage scolaire, en fonction des perceptions qu’a l’élève. En ce sens, si la participation parentale est plus discrète, comme la communication du parent avec le milieu scolaire, comparativement à des interactions directes entre le parent et l’adolescent, il est possible qu'elle soit moins perçue, voire ignorée, par l'élève et, ainsi, que sa contribution au risque de décrochage scolaire soit moindre, voire non significative.

Il importe également de considérer que, selon le modèle du processus de participation parentale d’Hoover-Dempsey et Sandler (2005), le parent base sa décision de participer au suivi scolaire de son enfant sur sa perception d'y être invité, notamment par l'élève lui-même (Deslandes et Bertrand, 2005). Certaines études soulignent que les élèves seraient plus réceptifs à certains types de participation parentale, notamment les pratiques privées plutôt que celles impliquant les pairs et l'enseignant (Deslandes, 2005; Deslandes et Cloutier, 2002). Il est ainsi probable que le parent choisisse de participer davantage à la maison par différentes interactions avec l’adolescent, s'y sentant plus invité de la part de son enfant, que dans le cadre de communications avec le milieu scolaire.

Quant aux types de participation parentale, une différence a été notée quant aux résultats issus de la présente étude réalisée auprès d’élèves à risque de décrochage scolaire de ceux issus d’une étude menée auprès d’un échantillon composé d’élèves tout venant (Deslandes, 1996). Dans la présente étude, les dimensions initiales renvoyant aux cinq types de participation parentale de l’outil utilisé sont intercorrélées positivement et fortement selon s’il s’agit d’interactions parent-adolescent ou de communications avec le milieu scolaire. Dans le cadre de l’étude de Deslandes (1996), la dimension renvoyant aux interactions parent-adolescent axées sur le quotidien scolaire était corrélée négativement aux autres dimensions de l’outil et l’intercorrélation entre les dimensions n’était pas problématique. Il semble donc, dans un premier temps, que les interactions entre le parent et l’adolescent ne soient pas perçues de la même façon par les élèves tout venant et les élèves à risque de décrochage scolaire. Il pourrait être intéressant de porter un regard plus approfondi sur cette question.

Quant aux processus issus du milieu familial contribuant à expliquer le risque de décrochage scolaire, les résultats proposent que les élèves percevant plus d'engagement et d'encadrement de la part de leurs parents soient moins à risque de décrochage scolaire, ce qui renvoie au style parental démocratique de Baumrind (1978) et corrobore les résultats obtenus par Blondal et Adalbjarnardottir (2009, 2014) auprès d’échantillons d’élèves du secondaire. En revanche, les résultats obtenus indiquent que la perception qu’a l’élève des interactions parent-adolescent, dans le cadre d’une participation parentale au suivi scolaire, permettrait d’expliquer davantage le risque de décrochage scolaire que l’engagement et l’encadrement des parents. Il est possible que les interactions parent-adolescent, puisqu’elles sont axées sur la scolarité de l’élève, aient une plus grande incidence sur les comportements mobilisés par l’élève en contexte scolaire pour s’adapter, contribuant ainsi davantage à l’explication de la variance du risque de décrochage scolaire. Il est également probable que ces interactions parent-adolescent intègrent certaines pratiques liées à l’engagement et à l’encadrement renvoyant aux dimensions du style parental.

Du côté de la classe, les résultats obtenus soulignent qu'un climat de classe perçu plus positivement par les élèves prédit modérément un risque de décrochage scolaire plus faible. Ce résultat corrobore celui obtenu par Fortin et al. (2013). Il serait cependant intéressant d’approfondir cette analyse quant aux différentes dimensions du climat de classe afin de déterminer si la contribution de la perception du climat de classe à la prédiction du risque de décrochage scolaire renvoie davantage à la qualité de la relation élève-enseignant, aux interactions avec les pairs, à l’organisation de la classe ou aux choix pédagogiques et à leur adéquation aux besoins de l’élève.

Quant à l’évaluation de la contribution relative du milieu familial et de la classe, les résultats obtenus suggèrent que les perceptions qu’a l’élève des interactions parent-adolescent et du climat de classe prédisent conjointement le risque de décrochage scolaire. Quant au style parental, soit l’engagement et l’encadrement des parents, la perception qu’en a l’élève ne contribue plus significativement à la prédiction du risque de décrochage scolaire lorsque le climat de classe est considéré. Ce résultat apparait étonnant. Toutefois, il est possible que les interactions entre le parent et l’adolescent soient une opportunité, pour le parent, de se montrer engagé et d’encadrer l’adolescent. Un examen des items utilisés dans les deux outils permet certains constats. La dimension portant sur les interactions parent-adolescent s’attarde notamment aux questionnements à propos de l’école, tels que les résultats scolaires, les amis et les enseignants, tout comme certains items de la dimension portant sur l’engagement parental. Toujours dans les interactions parent-adolescent, la considération des activités de la part des parents peut, pour sa part, se rapprocher des items de la dimension portant sur l’encadrement parental, soit si les parents essaient de savoir ou savent exactement ce que l’adolescent fait chaque soir, dans ses temps libres ou après l’école (Deslandes, 1996). Ainsi, l’effet des dimensions du style parental pourrait être moindre, rendant la contribution non significative lorsque celle du climat de classe perçu par l’élève est également considérée.

Enfin, l’élève à risque de décrochage scolaire et issu d’un milieu socioéconomique défavorisé peut être influencé par divers facteurs issus du milieu familial et du milieu scolaire. Il semble donc que son adaptation puisse être prédite à partir de ses perceptions de processus dans son milieu familial, comme une présence accrue d’interactions parent-adolescent, ou de son milieu scolaire, tel qu’un climat de classe positif. Enfin, cette adaptation peut également être associée à une contribution des processus issus de ces deux milieux proximaux à l’élève.

CONCLUSION

Il est possible de conclure que les perceptions qu’a l’élève du milieu familial et du climat de classe contribuent conjointement au risque de décrochage scolaire. Plus précisément, une perception plus accrue des interactions entre le parent et l’adolescent et plus positive du climat de la classe permet de prédire, chez l’élève du secondaire issu d’un milieu socioéconomique défavorisé, un risque de décrochage scolaire plus faible. Il en ressort donc que le cumul de ces processus perçus positivement par l’élève avec son environnement permet de favoriser une diminution du risque de décrochage scolaire. Ainsi, une piste à suivre pourrait être d’assurer une concertation entre l’école et la famille permettant la mobilisation des acteurs des deux milieux afin de maximiser l’apport de chacun pour l’adaptation de l’élève à risque de décrochage scolaire dans les milieux socioéconomiques défavorisés.

Du côté du milieu familial, il apparait pertinent d’encourager les parents à interagir avec leur adolescent en lien avec son parcours scolaire. Que ce soit pour le questionner au sujet de ses amis, de ses activités de la journée ou de ses résultats scolaires, pour l’encourager, pour vérifier si ses travaux scolaires sont complétés en lui offrant un encadrement adapté à son âge, pour valoriser l’importance de l’école ou encore pour discuter de ses projets d’avenir, il appert que ces pratiques parentales jouent un rôle non négligeable sur le risque de décrochage scolaire.

Du côté de la classe, afin de favoriser le climat de classe, Hamre, Pianta, Downer, DeCoster et Mashburn (2013) proposent que ces interactions se divisent en trois domaines permettant d’établir un bon climat de classe: le soutien émotionnel, s’attardant autant à la relation entre l’élève et l’enseignant qu’aux interactions entre les pairs, et pédagogique ainsi que l’organisation de la classe. L’outil CLASS de Pianta, Hamre et Mintz (2011), basé sur le modèle Teaching through interactions (TTI; Hamre et al., 2013), demeure donc une piste pertinente et globale pour encourager les pratiques enseignantes liées à un climat de classe favorisant l’engagement des élèves, dans la visée de diminuer le risque de décrochage scolaire.

Les résultats de cette étude doivent être interprétés en considérant certaines limites. Une première renvoie au fait que l’échantillon est non probabiliste puisqu’il regroupe des élèves qui participent tous à la première année d’un programme visant un plus haut taux de diplomation auprès d’une population à risque de décrochage scolaire (Lessard et al., 2017). De plus, les résultats de cette étude doivent être interprétés en considérant qu’ils découlent de la perception des élèves. La population ciblée dans cette étude étant les élèves du secondaire, pour la majorité des participants, le groupe-classe varie donc normalement selon le cours. Lors de la passation du questionnaire, puisqu’il a été donné comme consigne aux élèves de répondre en fonction de leur cours de français, il est possible que le climat de classe des autres cours ait également une influence sur le risque de décrochage scolaire de l’élève, tout comme d’autres facteurs externes à la classe.

Les résultats de notre étude se limitent au risque de décrochage scolaire de l’élève au moment de la collecte de données à partir d’un devis transversal. Il pourrait être pertinent de suivre ces élèves afin d’examiner leur contexte environnemental et d’évaluer l’évolution de leur risque de décrochage scolaire à partir d’un devis longitudinal. Il serait également intéressant de se pencher sur d’autres mesures du niveau d’adaptation de l’élève, telles que le rendement ou l’engagement scolaires. Aussi, certaines variables, telles que le rendement scolaire ou les difficultés d’apprentissage, auraient pu être contrôlées afin d’établir la variance expliquée par les variables d’intérêt de la présente étude, tout comme un examen plus approfondi des différents stresseurs auxquels est exposé l’élève en milieu socioéconomique défavorisé aurait pu être fait, comme le suggèrent Dupéré et al. (2015).

Dans le cadre de cette étude, nous nous sommes limitées à l’étude des relations linéaires entre des facteurs explicatifs et le risque de décrochage scolaire. Il aurait été intéressant d’explorer davantage les interactions entre ces facteurs à partir d’un plus grand échantillon. Il pourrait également être pertinent de produire des études de cas en liant les données quantitatives à des données qualitatives afin d’approfondir la compréhension de ce phénomène.

Puisque les perceptions qu’a l’élève des processus issus du milieu familial ou du climat de classe ne reflètent pas nécessairement les pratiques mises en place par les parents ou l’enseignant, il apparait pertinent de trianguler les données, notamment par l’observation du climat de classe ou la considération du point de vue des parents quant à leurs pratiques, afin de les comparer aux perceptions de l’élève. La cohérence ou l’incohérence entre les pratiques utilisées et la perception des élèves pourraient présenter des points intéressants pour l’orientation des interventions favorisant l’adaptation de l’élève.

Enfin, le passage d’une perspective orientée vers le risque à une perspective orientée vers la résilience (Brown, 2001; Masten, 1989) offre une alternative plus positive et suscitent plus d’ouverture et d’intérêt naturels de la part des parents et des enseignants que celles ayant une perspective orientée vers le risque (Luthar et Zelazo, 2003; Théorêt, 2005). Dans cette perspective, il serait pertinent d’examiner les interactions entre ces facteurs chez des élèves à risque de décrochage scolaire qui s’inscrivent sur une trajectoire de résilience scolaire.

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NOTE DES AUTEURES

  1. Cette recherche a été financée par le Fonds de recherche du Québec – Société et culture.