Satisfaction des enseignants-ressources à l’égard des rôles et des fonctions pour soutenir la réussite des élèves à risque, en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage


Au Québec, ce sont 16,2 % des élèves parmi les sortants de la formation générale des jeunes du réseau public qui abandonnent leur scolarisation avant d’avoir obtenu un diplôme (Gouvernement du Québec, 2015). Sachant que l’effectif des élèves HDAA a augmenté de 10 à 20 % au Québec entre 1999 et 2016 (Tremblay, 2017) et que certaines classes ordinaires du secteur public peuvent être composées de plus de 60 % d’élèves à risque ou HDAA (Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport [MELS], 2009), il est pertinent de se questionner sur les meilleurs moyens pour offrir des services de qualité aux élèves, notamment en matière d’apprentissage. Selon Paquay (2012), il appartient aux enseignants d’analyser le contexte de leur enseignement et de réguler leurs actions en vue d’être prêt à affronter la complexité des situations d’enseignement en classe, mais surtout afin de se développer professionnellement tout au long de leur carrière. Or, il appert que les enseignants se sentent insuffisamment préparés et trouvent ardu de modifier leurs pratiques selon des paradigmes avec lesquels ils ne sentent pas toujours à l’aise (Bergeron et Granger, 2016). En outre, afin de favoriser la réussite scolaire du plus grand nombre, des mesures de soutien sont ajoutées en contexte de classe pour soutenir les élèves et leurs enseignants. Au secondaire, c’est la fonction d’enseignant-ressource qui constitue la principale mesure de soutien offerte aux élèves et à leurs enseignants. L’ajout de cette mesure force les acteurs scolaires à s’approprier de nouveaux territoires au sein de l’école, de nouvelles pratiques et de nouvelles modalités d’éducation relatives à ce que Tardif et LeVasseur (2010) appelle la division du travail éducatif. Ce processus peut à la fois générer de l’enthousiasme chez les enseignants qui parviennent à bien négocier ces nouvelles modalités de travail, mais peut aussi générer du stress, du découragement et du retrait quant aux fonctions exercées lorsqu’ils n’y parviennent pas (Tardif et LeVasseur, 2010).

Cette recherche s’intéresse donc à une fonction enseignante nouvelle à l’école secondaire que l’on désigne sous le nom d’enseignant-ressource. Cette ressource, bien que balisée par l’Annexe 4 de la convention collective des enseignants (Fédération des syndicats de l’enseignement [FSE], 2015), suscite de nombreux questionnements et insatisfactions chez les enseignants qui assument cette fonction. Ces questionnements ont été relevés lors d’accompagnement d’équipe-école et au cours de recherche-action menées depuis l’instauration de cette fonction en 2006. Les principaux points relevés concernent généralement l’organisation de la ressource, les rôles attribués et les fonctions assumées (Granger et Dubé, 2015; Tremblay et Granger, 2018). Afin d’avoir un portrait plus juste de cette fonction encore peu balisée et méconnue au Québec, il apparaissait nécessaire de questionner les enseignants-ressources sur les défis qui lui sont inhérents. Dans cette perspective, un questionnaire a été envoyé dans 318 écoles dans le but de mieux connaitre qui sont les enseignants-ressources. Étant donné que le questionnaire comptait 21 questions, cet article s’intéresse principalement à celles portant sur les motifs de satisfaction et d’insatisfaction des enseignants-ressources, de même qu’aux souhaits qu’ils formulent au regard de la scolarisation des élèves à risque, en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EDAA).

CONTEXTE

Au Québec, il existe deux ordres d’enseignement soit le primaire et le secondaire. L’ordre secondaire accueille des élèves âgés entre 11 et 17 ans, pour un total de cinq années à compléter pour l’obtention du diplôme en enseignement secondaire (DES). Pour les élèves en difficulté d’apprentissage du secondaire ayant un grand retard scolaire, il existe, entre autres, pour les trois premières années, des classes de cheminement particulier (classes spéciales au sein d’écoles ordinaires), fréquentées principalement à temps plein. Après ces trois années, les élèves peuvent fréquenter une filière professionnelle. Toutefois, depuis la Politique de l’adaptation scolaire basée sur une approche non catégorielle de l’apprentissage stipulant que tout élève peut apprendre si les moyens sont mis en place, plusieurs élèves fréquentant les classes spécialisées ont intégré la classe ordinaire (Ministère de l’Éducation du Québec [MEQ], 1999). Aujourd’hui, plus de 20 % des élèves québécois des écoles publiques sont considérés comme élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA), contre 10 % lors de la mise en œuvre de cette politique en 2000 (MELS, 2014). Près de 70 % sont intégrés en classes ordinaires au primaire, contre 50 % au secondaire (Bélanger, 2010; MELS, 2014).

Pour les élèves intégrés en classes ordinaires bénéficiant de cette mesure, le MELS (2007) a créé la fonction d’enseignant-ressource et a mandaté des enseignants de classes ordinaires du secondaire à intervenir auprès des élèves en difficulté et de leurs enseignants. Pour respecter la convention collective qui balise légalement la fonction d’enseignant-ressource, ces enseignants sont « libérés pour un maximum de 50 % de leur tâche éducative afin d’exercer leurs fonctions » (FSE, 2015, p. 255). Il importe de mentionner qu’aucune formation spécifique n’est nécessaire pour assumer cette fonction. Trois axes d’interventions sont proposés dans ce document. Ils serviront à nuancer les résultats des analyses de contenus portant sur la satisfaction des enseignants-ressources dans la discussion. Les trois axes se déclinent comme suit :

a) Auprès des élèves en difficulté, l’enseignant-ressource offre un accompagnement personnalisé, notamment pour chaque élève qui entre au secondaire avec une année de retard. Il :

b) Auprès des enseignants de l’école, l’enseignant-ressource :

c) Auprès des autres intervenants, l’enseignant-ressource :

En somme, les rôles confiés aux enseignants-ressources consistent à offrir un suivi scolaire, du soutien aux élèves et un encadrement individualisé au regard des problèmes relevés par le personnel enseignant. Pour ce faire, il est attendu des enseignants-ressources qu’ils travaillent en concertation avec leurs collègues enseignants et les autres intervenants scolaires.

CADRE CONCEPTUEL

Le concept de satisfaction au travail traduit généralement le plaisir qu’ont les personnes à faire leur travail (Duffy et Lent, 2009). En enseignement, il serait intimement lié à l’engagement des enseignants auprès des élèves. De plus, il déterminerait le niveau d’implication au sein de la tâche à réaliser (Lent, 2008). Par ailleurs, il est établi que de travailler avec des élèves peu motivés, manifestant des comportements difficiles à gérer ou n’ayant pas le niveau scolaire attendu, peut avoir des répercussions négatives sur la satisfaction au travail des enseignants (Doudin, Curchod-Ruedi et Baumberger, 2009). Sachant que les enseignants-ressources n’ont pas de formation particulière pour assumer cette fonction, il convient de s’assurer qu’ils se sentent bien dans les rôles et les fonctions qu’ils assument. Une faible satisfaction pourrait conduire les enseignants à désinvestir cette fonction profitable pour la réussite des élèves.

Définir la satisfaction au travail

Il importe de mentionner que le concept de satisfaction au travail n’est pas défini de façon consensuelle par la communauté scientifique, et ce malgré les nombreuses recherches dans ce champ (Zembylas et Papanastasiou, 2006). La première signification concerne la satisfaction de la clientèle tandis que la seconde réfère à la satisfaction de besoins individuels ou collectifs (éducation, santé, hygiène, etc.). Pour leur part, Weiss (2002) ainsi que Skaalvik et Skaalvik (2010) ont présenté la satisfaction comme le sentiment qu’ont les personnes des divers aspects de leur travail; ce qu’ils apprécient ou non dans les rôles et fonctions qu’ils occupent. Pour plusieurs chercheurs (Mbua, 2003; Van Houtte, 2007; Van Maele et Van Houtte, 2012) cette satisfaction se module selon les accomplissements réalisés en expérimentant diverses activités professionnelles et les avantages qui en découlent.

En ce qui concerne plus spécifiquement le travail enseignant en contexte scolaire, le concept de satisfaction au travail peut être vu comme la relation affective avec le rôle d’enseignant et se définit en fonction de la relation perçue entre ce que l’enseignant veut enseigner et ce qu’il perçoit comme résultats à la suite de son enseignement (Zembylas et Papanastasiou, 2006). Pour leur part, Dinham et Scott (1998) ainsi qu’Amathieu et Chaliès (2014), ont souligné que les sources de satisfaction ou d’insatisfaction du travail enseignant peuvent être influencées par un certain nombre de variables et classées en trois domaines : a) les récompenses intrinsèques de l’enseignement (ex. la préoccupation du travail réel de l’enseignement, travaillant avec les élèves et les voyant apprendre et se développer); b) les facteurs extrinsèques à l’enseignement (ex. les changements pédagogiques, l’évaluation externe des écoles, la représentation des enseignants dans les médias et le statut de l’enseignement) et c) le milieu scolaire (ex. les relations avec les collègues, parents, et la direction de l’école. Il réfère aussi à la pression de devoir faire apprendre à des élèves un contenu dans un temps donné, le comportement des élèves perturbateurs et les valeurs de l’école). En ce sens, plus les enseignants perçoivent qu’ils ont un rôle à jouer dans l’école et peuvent prendre part aux décisions, plus ils ont tendance à se sentir satisfaits (Gaziel et Wasserstein-Warnet, 2005; Van Maele et Van Houtte, 2012). La satisfaction de leurs besoins matériels et psychologiques au travail serait directement liée à leur engagement professionnel (Amathieu et Chaliès, 2014; Aziri, 2008).

Les recherches traitant des enseignants-ressources

Peu de recherches portent sur la fonction d’enseignant-ressource. En contexte francophone, le terme enseignant-ressource correspond à une traduction littérale de resource teacher qui désignerait plutôt l’orthopédagogue ou l’enseignant en adaptation scolaire dans les difficultés liées à la lecture, à l’écriture et aux mathématiques (Filion et Goupil, 1995; Taylor, 1990; Tremblay, 2015a). Au Canada, le terme resource teacher désigne une fonction spécifique (Tremblay et Granger, 2018). Or, au secondaire, la fonction d’enseignant-ressource correspond à un enseignant de la classe ordinaire comme précisé plus tôt. Cette distinction contribue au caractère singulier de cette fonction et est importante pour bien percevoir les enjeux qui lui sont inhérents. Les recherches recensées illustrent le caractère particulier de cette dernière.

Dans le cadre d’une recherche portant sur l’évaluation de la Politique québécoise de l’adaptation scolaire, les représentations d’enseignants du secondaire (langues, sciences et mathématiques) envers cette politique favorisant l’intégration scolaire des élèves en difficulté d’adaptation et d’apprentissage ont été analysées (Tremblay, 2015b). Pour ce faire, des enseignants ont été interrogés à l’aide d’un questionnaire. Ce questionnaire a été soumis à 246 enseignants d’écoles secondaires du Québec. Les résultats indiquent que les enseignants, en général, sont très critiques face à la politique de l’adaptation scolaire et que celle-ci recueille peu d’adhésion. Ils soulignent le manque de ressources et les limites à l’inclusion totale des élèves en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage. La majorité s’entend sur une limitation des élèves en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage dans les classes ordinaires. Toutefois, les enseignants reconnaissent certains aspects positifs à cette réforme (modèles sociaux, pratiques pédagogiques). Des différences significatives sont observées entre les enseignants travaillant en classe ordinaire et ceux de classes spécialisées. Ainsi, bien que cette politique reçoive un accueil plutôt mitigé de la part des enseignants de la classe ordinaire, les enseignants travaillant en classe ordinaire tendent à croire que les élèves en difficulté d’apprentissage ou d’adaptation trouveraient davantage leur place en classe adaptée. Malgré tout, ce sont des enseignants de la classe ordinaire à qui l’on confie le mandat d’offrir le soutien aux élèves intégrés, et ce, sans autre formation que celle reçue en formation initiale à l’université. Sachant que les attitudes des enseignants peuvent avoir un effet sur la réussite des élèves, il importe d’y porter attention (De Boer, Pijl et Minnaert, 2011).

Pour sa part, Granger (2012) a réalisé une recherche-action de type formation auprès de neuf enseignants du secondaire qui agissaient à titre d’enseignant-ressource. Les visées poursuivies étaient : a) de développer leur capacité à identifier précisément les difficultés de leurs élèves à utiliser l’écrit comme moyen de communication dans différentes matières; b) de valoriser l’effort; c) d’encourager les habiletés sociales; d) de favoriser la résolution de problèmes en salle de classe; et e) de développer des stratégies d’enseignement-apprentissage au premier cycle du secondaire. Le dispositif nommé « Cercles d’apprentissage et d’inclusion » a servi de cadre intégrateur pour la formation et le soutien en continu des enseignants-ressources et des enseignants participants. Parmi les conclusions touchant spécifiquement le rôle de l’enseignant-ressource, il s’est avéré que le dispositif d’accompagnement à deux volets itératifs permettant d’allier la théorie (caractéristiques des élèves en difficulté, stratégies de lecture-écriture, pédagogie de projet, gestion de classe éducative) et la pratique (soutien lors de situation d’enseignement intégrant l’enseignement explicite, l’enseignement stratégique, des temps de collaboration ou d’échanges) a permis de soutenir les enseignants dans leurs nouvelles interventions pédagogiques et didactiques. Les enseignants-ressources se sont dits stimulés et davantage outillés pour soutenir les élèves en difficulté. Enfin, plusieurs enseignants ont souligné les améliorations perçues chez leurs élèves tant au niveau de l’engagement scolaire qu’au niveau des résultats obtenus aux évaluations. Parmi les limites, le manque de cohésion au sein du même niveau et d’un niveau à l’autre, le manque d’ouverture de certains collègues et l’importante mobilisation dont ils ont dû faire preuve pour planifier davantage et différemment (Margolinas et Laparra, 2011).

Enfin, Dubé, Granger et Dufour, 2015 ont réalisé une recherche-action de type formation dans le but de soutenir 29 enseignants-ressources répartis dans trois écoles secondaires d’une commission scolaire de la couronne nord de Montréal. La demande initiale consistait à mettre en place une communauté de pratiques afin de mieux définir leurs rôles et leurs fonctions d’enseignant-ressource au sein de leur milieu scolaire. Les objectifs spécifiques étaient de : 1) Former les enseignants-ressources à soutenir les enseignants au secondaire dans la création d’activités d’enseignement-apprentissage favorables à la réussite des élèves; 2) Arrimer les pratiques professionnelles des enseignants et des enseignants-ressources autour de stratégies pédagogiques communes dans les différentes disciplines scolaires; 3) Améliorer la collaboration entre les enseignants et les enseignants-ressources ainsi que leur sentiment d’efficacité personnelle. Le dispositif d’accompagnement à deux volets itératifs issu des travaux de Granger (2012) a été utilisé pour soutenir les enseignants-ressources impliqués. Les résultats ont montré que les enseignants-ressources se sentaient davantage capables d’accompagner des collègues notamment au regard des stratégies de compréhension. De plus, ils se trouvaient mieux outillés pour aider les élèves à tisser des liens au sein des disciplines comme le français, les mathématiques et l’histoire. Les échanges avec leurs collègues ont permis de se réajuster et de préciser leur fonction.

OBJECTIF

L’objectif général de cet article est de mettre en lumière les motifs de satisfaction et d’insatisfaction des enseignants-ressources au regard de leurs rôles et fonctions. Dans un premier temps, ces motifs seront analysés, au regard des domaines de Dinham et Scott (1998) proposés plus haut, permettant de bien circonscrire la nature des motifs évoqués (Amathieu et Chaliès, 2014). Dans un deuxième temps, ils permettront de discuter des résultats en fonction des trois axes syndicaux qui balisent cette fonction. Pour rappel, ces trois axes concernent le suivi auprès des élèves, le soutien des enseignants et la concertation avec les divers intervenants scolaires (FSE, 2015). Un autre article complémentaire porte, pour sa part, sur l’analyse des services à l’élève tels que rapportés dans le Questionnaire québécois sur la fonction d’enseignant-ressource développé par Tremblay et Granger (2018).

MÉTHODOLOGIE

Le questionnaire québécois sur la fonction d’enseignant-ressource a fait l’objet de l’approbation du comité d’éthique de notre université et a aussi été soumis pour approbation. Ce questionnaire a été envoyé dans 318 écoles secondaires publiques francophones du Québec, excluant celles de l’île de Montréal qui n’ont pas accepté d’en permettre la passation dans leurs écoles. Dans un premier temps, une lettre de présentation de la recherche a été envoyée à la direction d’établissement pour l’informer au sujet du projet. À la suite de cette dernière, la direction a transmis le questionnaire à deux enseignants-ressources volontaires qui assumaient cette fonction de soutien en français, mathématique ou anglais, durant l’année en cours, dans son établissement. Le but était de circonscrire l’échantillon autour des personnes spécifiquement dédiées au soutien dans les matières de base. Sachant que le nombre d’enseignants-ressources varie selon les écoles, il a été déterminé que de solliciter deux enseignants-ressources par école permettrait d’obtenir un plus haut taux de réponse. C’était aussi un moyen de s’assurer qu’une école ou une commission scolaire ne soit pas surreprésentée. Chaque questionnaire était accompagné d’une lettre de présentation de la recherche et d’une enveloppe préaffranchie facilitant son retour à l’équipe de chercheurs, une fois le questionnaire rempli.

Participants

Au total, 164 questionnaires ont été reçus sur les 636 questionnaires envoyés (deux par écoles, n = 318), pour un taux de réponse de 26 %. Parmi ces répondants, 79 % sont des femmes et 83 % sont âgés entre 35 et 54 ans. 94 % comptaient plus de dix années d’expérience. En termes de qualification, le baccalauréat en enseignement disciplinaire au secondaire constitue pour 115 sur 164 enseignants-ressources, l’unique diplôme.

Outil et analyse des données

Le questionnaire compte 21 questions dont quatorze questions fermées et sept à réponse courte réparties dans deux sections. La première section contient neuf questions visant à dresser le profil des enseignants (âge, sexe, diplôme, nombre de périodes allouées à cette fonction, etc.). La deuxième section vise à connaitre les types d’intervention qu’ils font. Cet article traite spécifiquement des réponses aux deux questions relatives à la satisfaction (Identifiez jusqu’à trois motifs justifiant votre satisfaction et Identifiez jusqu’à trois motifs justifiant votre insatisfaction). La dernière question était relative aux souhaits qu’ils formulent au regard de la scolarisation des élèves à risque ou EDAA (Pour conclure, si vous aviez une baguette magique à votre disposition, que changeriez-vous en lien avec la scolarisation des élèves à risque?) et servira à nuancer et à approfondir les résultats de l’analyse de contenu réalisée sur les questions de satisfaction. Il importe de noter que les réponses courtes expriment par des mots-clés les idées du répondant.

Toutes les données qualitatives recueillies dans notre questionnaire ont été transcrites et encodées puis analysées au moyen du logiciel QDA Miner (Lewis et Maas, 2007). Ainsi, pour les questions portant sur la satisfaction, QDA Miner a permis de séparer les énoncés recueillis en segments. Chaque segment a été codé selon les trois domaines identifiés par Dinham et Scott (1998) soit a) les récompenses intrinsèques de l’enseignement; b) les facteurs extrinsèques à l’enseignement et c) le milieu scolaire, tel que décrit dans le cadre conceptuel. En ce qui concerne la troisième question traitant de leurs souhaits au regard de la scolarisation des élèves à risque ou EDAA, des catégories émergentes ont été créées à partir de l’analyse de contenu réalisée.

Comme souligné par Blais et Martineau (2006), l’analyse de contenu vise principalement à « donner un sens » (p. 1) à un corpus de données brutes, mais complexes dans le but de favoriser la production de nouvelles connaissances en recherche. Dans cette optique, QDA Miner a permis d’analyser les données selon trois modes, soit la fréquence des codes attribués aux segments, leur cooccurrence et le croisement entre les variables. Les résultats présentés dans cet article ne traitent que de la dernière option qui a permis de discriminer les réponses en fonction des catégories d’analyse préétablies, puis de procéder à des catégorisations émergentes servant à décrire plus finement la fonction d’enseignant-ressource.

RÉSULTATS

En réponse aux deux premières questions visant à connaitre les motifs de satisfaction et d’insatisfaction des enseignants-ressources au regard des rôles et des fonctions qu’ils occupent, 631 énoncés ont été recueillis dont 389 témoignent de leurs satisfactions (62 %) et 239 énoncés soulignent leurs insatisfactions (38 %). En ce qui concerne la deuxième question portant sur les souhaits qu’ils formulent relativement à la scolarisation des élèves à risque, ce sont 269 énoncés qui ont été recueillis. Cette section présente le degré de satisfaction liés aux récompenses intrinsèques à l’enseignement et au milieu scolaire.

Les récompenses intrinsèques de l’enseignement

Les récompenses intrinsèques contiennent les énoncés qui se rapportent à la motivation de l’enseignant-ressource ainsi qu’à la satisfaction (s) ou l’insatisfaction (i) relatives aux apprentissages réalisés par les élèves dans l’exercice de ses rôles et fonctions. Comme mentionné plus haut, ce domaine compte 62 % des propos recueillis. Plus spécifiquement, les énoncés sont regroupés selon quatre sous-catégories qui ont émergé des analyses de contenu soit : l’engagement dans leur tâche (ns1 = 122 [31 %] / ni = 39 [10 %]), le soutien apporté aux apprentissages (ns = 69 [18 %] / ni = 3 [1 %]), leur gestion de la ressource (ns = 71 [18 %] / ni = 35 [9 %]) et les résultats perçus chez les élèves (ns = 27 [7 %] / ni = 23 [6 %]).

L’analyse de contenu montre que dans l’ensemble, les enseignants-ressources témoignent de la satisfaction qu’ils retirent de la relation d’aide qu’ils développent avec les élèves ciblés. Ils disent apprécier « créer des liens avec les élèves » (cas 155); « avoir le sentiment d’être utile » (cas 44) ou « de faire une différence » (cas 72) dans le cheminement de l’élève. Ils aiment voir « l’étincelle dans leurs yeux » (cas 149). Les enseignants-ressources apprécient lorsque les élèves « ont le goût de revenir » (cas 161) ou « qu’ils s’investissent dans la tâche » (cas 167). En ce qui concerne l’organisation de la ressource, les enseignants-ressources apprécient « pouvoir gérer leur horaire » (cas 31) et sentir qu’ils ont « une marge de manœuvre » (cas 57) ; certains mentionnent le fait que cette fonction ne requière pas de correction et que cela constitue un avantage intéressant. En ce qui a trait au soutien à l’apprentissage : « identifier les besoins des élèves » (cas 121); « solidifier les bases avec les élèves » (cas 14) et « leur offrir du soutien en cours de tâche » (cas 43) rend bien compte des commentaires recueillis. Ces interventions permettraient aux enseignants-ressources de « faire preuve de créativité » (cas 128) et de trouver des moyens variés pour expliquer aux élèves « le plaisir d’imaginer de nouvelles façons de faire » (cas 84); ce qui semble les stimuler.

Pour les mêmes catégories, on retrouve des éléments qui causent de l’insatisfaction. Il arrive qu’ils peinent à s’engager dans la tâche, notamment à cause du « sentiment d’impuissance devant certains élèves » (cas 133), voire de « la difficulté à motiver les élèves » (cas 172), c’est-à-dire à les mettre en action. Au regard du soutien à apporter, ils mentionnent la difficulté « à faire un suivi serré » (cas 89) et à « échanger avec les différentes personnes qui suivent les élèves » (cas 66). À ce sujet, ils soulignent le « trop grand nombre d’élèves à suivre » (cas 74) et « le manque de temps à consacrer à chacun » (cas 79). Enfin, au niveau de la gestion de la ressource, certains mentionnent la complexité de suivre les plans d’intervention « Je manque de formation sur les PI » (cas 86); d’autres font valoir le manque de périodes allouées pour soutenir efficacement les élèves : « manque de souplesse du système » (cas 34); « dépassement de nos périodes » (cas 35). Enfin, les résultats perçus chez leurs élèves peuvent tendre à désengager les enseignants-ressources qui constatent qu’ils travaillent avec « des élèves avec de trop grand retards académiques » (cas 47) ou encore que, malgré leurs interventions, ils ne parviennent pas à « gérer les conflits entre les élèves et leurs enseignants » (cas 58).

Le milieu scolaire

Le milieu scolaire est un lieu d’interactions multiples. L’existence d’un climat collaboratif entre collègues est identifié comme un vecteur de satisfaction professionnel (Lothaire, Dumay et Dupriez, 2012). De même, le soutien de la direction d’établissement est reconnu un comme un facteur d’importance dans le maintien d’un climat de travail positif et dans l’épanouissement professionnel des enseignants (Dumay et Galand, 2012). Les analyses de contenu qui suivent font ressortir les éléments qui agissent sur la satisfaction au travail des enseignants-ressources au regard des relations entretenues avec leurs collègues et avec la direction d’établissement.

La relation avec les collègues. En ce qui concerne les collègues, un total de 130 énoncés a été répertorié. Les interactions ont été divisées selon quatre sous-catégories : le climat et l’esprit de collaboration (ns = 40 [31 %] / ni = 28 [21 %]); la cohésion entre les différents personnels (ns = 32 [24,5 %] / ni = 12 [9 %]); les préoccupations pédagogiques (ns = 9 [7 %] / ni = 8 [6 %]) et les préoccupations didactiques (ns = 0 [0 %] / ni = 1).

Lorsque le climat est rapporté comme satisfaisant pour les enseignants-ressources, ces derniers font état de la complicité qu’ils ont avec leurs collègues, de la richesse des échanges et de l’ouverture qu’ils constatent. Ils témoignent de la confiance mutuelle qui s’installe, d’un certain niveau d’entraide et la capacité de se donner des rétroactions entre enseignants. En termes de cohésion, la possibilité de se concerter relativement à des cas d’élèves ou des interventions à réaliser contribue à rendre le climat de travail favorable. Ils apprécient notamment pouvoir « planifier ensemble » (cas 4), « se fixer des objectifs clairs » (cas 5) et atteindre un « bon niveau de cohésion entre enseignants-ressources et enseignants » (cas 24).

Toutefois, des insatisfactions sont nommées quant au climat et à la collaboration qui s’avèrent parfois difficiles. Notons par exemple le malaise suivant : « je n’ose pas parler des réussites des élèves que j’aide devant leurs enseignants » (cas 14). En outre, il arrive que les enseignants-ressources se disent « jugés par certains enseignants » (cas 122), notamment parce de travailler individuellement avec des élèves, avoir moins de correction peut être perçu comme une tâche allégée par les collègues qui enseignent à temps plein. Certains se sentent mal utilisés : « plusieurs ne comprennent pas mon rôle » (cas 125) et jalousés « il y en qui voudraient ma tâche » (cas 127). Au regard du service qu’ils offrent, ils se disent « victime du manque de clarté de la tâche » (cas 109) et aux prises avec des modalités de fonctionnement qui rendent les relations entre collègues tendues : « certains enseignants sont moins réceptifs à laisser sortir des élèves de leur cours » (cas 129). Ils déplorent que leurs collègues collaborent peu et les sollicitent peu malgré des besoins bien présents. Ces commentaires mettent à jour des tensions liées à une tâche encore mal définie et une vision qui n’est pas encore partagée par l’équipe-école.

Du point de vue des préoccupations pédagogiques, les enseignants-ressources se sentent satisfaits lorsqu’ils échangent avec leurs collègues et que ces discussions les amènent à « modifier leurs pratiques » (cas 140). Les discussions pédagogiques permettent de « mettre en place de nouvelles stratégies » (cas 9) et « s’ouvrir à des méthodes d’enseignement diversifiées » (cas 135). Le « coenseignement avec des collègues » (cas 153) apporte aussi le sentiment d’être plus efficaces à deux. Les insatisfactions concernent l’absence de ces éléments dans leur fonction : « manque d’outils » (cas 124) ; « de méthodes » (cas 10) et ils aimeraient coenseigner, mais n’ont pas accès à la classe par manque d’ouverture de leurs collègues ou à cause de l’organisation scolaire qui ne le permet pas. Enfin, les préoccupations didactiques sont plutôt absentes mais un enseignant-ressource soulignent qu’il serait pertinent de « créer des outils pour soutenir les apprentissages » (cas 37).

La relation avec la direction d’établissement. Par rapport à la direction d’établissement, 81 énoncés ont été relevés. Deux sous-catégories ont émergé des données soit le leadeurship pédagogique (ns = 14 [17 %] / ni = 8 [1 %]) et les responsabilités des administrateurs quant à l’organisation de la ressource (ns = 3 [0,04 %] / ni = 56 [69 %]). Le leadeurship de la direction est considéré satisfaisant lorsque les enseignants-ressources se sentent « appuyés ou soutenus dans leurs projets ou leurs décisions » (cas 93). « L’ouverture de la direction, son écoute et sa confiance envers le professionnalisme des enseignants-ressources » (cas 2) sont nommés comme des vecteurs d’engagement dans la fonction. À l’inverse, « devoir rendre des comptes constamment » (cas 3), « le manque de soutien » (cas 89), « suivi faible » (cas 95) et « le manque de vision » (cas 130) sont relevés comme des vecteurs d’insatisfaction.

La relation avec les parents. Enfin, la relation avec les parents a généré 16 énoncés au total. Parmi les sous-catégories qui ont émergé, la relation école-famille est évoquée six fois (ns = 4 [25 %] / ni = 2 [0,13 %]) et les insatisfactions reliées à l’implication parentale sont relevées à dix reprises (ns = 0 / ni = 10 [63 %]). Ainsi, il semble que la relation école-famille soit encore peu développée et que l’implication des parents est encore faible. Toutefois, lorsque ces derniers sont présents, les enseignants-ressources l’apprécient.

Souhaits formulés quant à la scolarisation des élèves à risque ou EDAA

La troisième question analysée dans le cadre de cet article porte sur les souhaits des enseignants-ressources au regard de la scolarisation des élèves à risque ou EDAA. L’organisation scolaire apparaît comme une variable importante de la satisfaction éprouvée par les enseignants-ressources au regard de leur tâche. En effet, 269 énoncés au total ont été répertoriés pour cette question. Plus spécifiquement, 51 énoncés (19 %) traitent des moyens à mettre en place pour mieux répondre aux besoins des élèves en difficulté. On dénombre 78 énoncés (36 %) qui concernent l’organisation générale de l’école. Il y a 140 énoncés (64 %) qui renseignent sur les modalités de services souhaitées. Les résultats sont déclinés pour chacune des sous-catégories répertoriées.

Les moyens à mettre en place. Concernant les moyens à mettre en place pour mieux répondre aux besoins des élèves en difficulté, les enseignants-ressources proposent de « stimuler l’ouverture chez les enseignants » (cas 162) et « encourager les échanges de pratiques pour mieux se comprendre » (cas 57). Dans une perspective de cohésion, et pour arrimer les pratiques, la « formation d’équipes multi » qui impliqueraient tous les acteurs de l’école concernés dont les spécialistes, est suggérée. Dans cette optique, « favoriser la communication » (cas 136) et « le partage de l’information » (cas 144) sont au nombre des souhaits formulés. Une meilleure utilisation des méthodes d’enseignement-apprentissage en fonction des besoins des élèves ciblés rehausserait la dimension pédagogique.

De même, cesser la promotion automatique d’un niveau à l’autre constituerait un moyen pour se prémunir contre le désengagement que les enseignants-ressources constatent chez les élèves. En ce sens, les enseignants-ressources dénoncent la promotion par matière et se disent en faveur du redoublement au primaire et au secondaire : « Doubler n’est pas négatif à long terme »; « Les élèves qu’on laisse passer ne se mobilisent plus par la suite » (cas 101). Ils justifient leur position par la difficulté qu’ils éprouvent à soutenir ce type d’élèves.

Enfin, parmi les moyens entrevus pour améliorer le service aux élèves à risque ou EDAA, quelques enseignants-ressources souhaitent recevoir de la formation. À cet égard, ils relèvent différentes thématiques : « les approches probantes » (cas 2), « le modèle de réponse à l’intervention (RÀI) et les caractéristiques des élèves à risque » (cas 3), « les stratégies d’apprentissage » (cas 57), « l’enseignement explicite » (cas 22) et « les troubles du langage écrit » (cas 59).

L’organisation scolaire. En rapport avec l’organisation scolaire, les enseignants-ressources disent apprécier avoir un grand nombre de périodes de dégagement et un horaire flexible. Au contraire, ils sont insatisfaits des horaires chargés : « je perds le contrôle de mon horaire » (cas 27), « des besoins trop grands » (cas 77), « du nombre important de dossiers à traiter » (cas 55), des tâches cléricales qui leur sont assignées « gérer les absences ou les retenues » (cas 58), « gérer les conflits entre les enseignants et les élèves » (cas 58). Ils déplorent une mauvaise utilisation de la ressource : « on requiert ma présence pour faire de la discipline » (cas 102) et « le jumelage avec des enseignants qui ne collaborent pas » (cas 42). De plus, l’élaboration des plans d’interventions adaptés et la faible participation des enseignants sont questionnées : « on met plus de ressources à les élaborer qu’à intervenir ».

Les modalités de services souhaitées. En ce qui concerne les services offerts, deux grandes tendances sont observées. D’une part, les enseignants-ressources souhaitent qu’il y ait davantage de dépistage, afin que les services soient offerts principalement aux élèves qui s’investissent (ex. ceux qui vont en récupération et participent en classe). Ils aimeraient que le personnel spécialisé augmente dans les écoles (ex. orthopédagogue, orthophoniste, psychologue). Notons que la réduction du nombre d’élèves par classe ou une baisse de ratio élèves / enseignants est aussi fortement proposée « classes moins nombreuses » (cas 22); « Je réduirais le nombre d’élèves en classe et j’augmenterais le nombre d’enseignants » (cas 56). Enfin, le retour des classes spécialisées et des parcours de cheminent particulier : « Rediriger les élèves à risque dans des groupes spécialisés » (cas 34) est évoqué.

D’autre part, ils proposent plutôt que le service à l’élève soit offert au sein de la classe ordinaire afin de travailler en coenseignement : « Des classes beaucoup moins nombreuses avec des projets stimulants montés en coenseignement »; « J’ajouterais du coenseignement, deux profs par classe ce serait un plus pour les élèves » (cas 22). Ce dispositif est perçu comme un moyen utile pour diminuer le ratio élèves / enseignant et favoriser des projets stimulants au sein de la classe qui permettent la différenciation pédagogique. En ce sens, il facilite la prise en compte de la diversité au sein de la classe et propose une perspective plus inclusive au sein de l’école aux élèves à à risque ou EDAA.

DISCUSSION

L’analyse des résultats obtenus aux deux premières questions visaient notamment à connaitre les motifs jugés satisfaisants et insatisfaisants par les enseignants-ressources au regard de leur fonction. La troisième question visait à connaitre leurs souhaits quant à la scolarisation des élèves à risque ou EDAA. Puisque notre objectif général était de dresser un état des lieux de la satisfaction dans la fonction d’enseignant-ressource, il apparait justifié de confronter les résultats obtenus à ces questions aux trois axes décrits dans l’Annexe 4 de la convention collective des enseignants (FSE, 2015, p. 255).

L’axe 1 stipule que l’enseignant-ressource travaille auprès des élèves en difficulté et offre un accompagnement personnalisé, notamment pour chaque élève qui entre au secondaire avec une année de retard. À ce sujet, peu d’énoncés des deux premières questions portent explicitement sur ces élèves (n = 5). Toutefois, certains enseignants-ressources soulignent qu’ils trouvent difficile de travailler avec des élèves qui ont beaucoup de retard et remettent en cause la façon de choisir les élèves qui auraient droit à leur soutien. Dubitatifs quant à la motivation des élèves à vouloir réussir, ils questionnent la pertinence de faire passer ces derniers d’un niveau à un autre pour éviter qu’ils perdent une année. Selon eux, ce type de pratique nuit à l’engagement des élèves et altère la qualité de l’enseignement en classe ordinaire puisque l’enseignant doit planifier en fonction du retard cumulé. Pour ces raisons, en réponse à la troisième question qui porte sur les souhaits quant à la scolarisation des élèves à risque, il appert qu’un bon nombre d’enseignants-ressources se montrent en faveur du redoublement, des classes spécialisées ou à effectifs réduits. Il est donc possible que certaines difficultés des élèves fassent vivre de l’inconfort aux enseignants-ressources qui souhaitent s’en abstraire.

Un deuxième aspect de cet axe consiste en un rôle de suivi scolaire et d’aide auprès d’élèves à risque ou d’élèves ayant des difficultés d’adaptation ou d’apprentissage, particulièrement ceux ayant des difficultés relatives au comportement. Fait intéressant, l’ensemble des énoncés se rapporte à l’apprentissage des élèves. L’aspect du comportement s’avère absent des énoncés recueillis. Intervenir de manière ciblée en lien avec le contenu à apprendre semble davantage interpeller les enseignants. Leurs interventions suscitent des résultats concrets qu’ils relient au climat positif qu’ils établissent avec les élèves. Les réponses à la troisième question tendent à montrer que de contribuer à la réussite scolaire constitue une voie concrète pour motiver les élèves. Lorsqu’ils ne parviennent pas à faire réussir les élèves, les enseignants-ressources semblent croire que la place des élèves n’est plus au sein de la classe ordinaire. La démotivation des élèves ainsi que le manque d’effort deviennent des irritants et une source d’insatisfaction pour les enseignants-ressources qui se sentent alors démunis et débordés.

Enfin, le troisième aspect de cet axe stipule que des tâches d’encadrement et de soutien sont assumées auprès de ces élèves d’une part, en vue de trouver des solutions à leurs problèmes et, d’autre part, dans diverses facettes de leur vie scolaire. Or, c’est visiblement cet aspect qui teinte la fonction d’enseignant-ressource. Les enseignants-ressources se sentent utiles et valorisés dans leur travail lorsqu’ils ont le temps nécessaire à accorder aux élèves « contact privilégié avec les élèves; encadrement personnalisé » et qu’ils ont la possibilité de voir des améliorations chez ces derniers. Comme le font remarquer Scott, Stone et Dinham (2001) sentir que leurs élèves apprennent et se développent constitue une récompense intrinsèque qui contribue à la satisfaction au travail.

L’axe 2 souligne que l’enseignant-ressource travaille en concertation avec les enseignants responsables des élèves en difficulté qui lui sont adressés en portant une attention particulière aux enseignants en début de carrière. À cet égard, ils rapportent éprouver de la satisfaction lorsqu’ils se sentent soutenus et encouragés dans leurs efforts par les enseignants avec qui ils collaborent. Ils apprécient leur ouverture, ils aiment être impliqués dans une planification commune et recevoir de la rétroaction sur leurs interventions. En outre, ils apprécient le soutien de la direction, son implication et saluent les initiatives qui visent à construire une vision commune à l’ensemble de l’école et la capacité à exercer un leadeurship qui promeut les valeurs adoptées dans le cadre de cette vision. Parmi les insatisfactions ressenties, ils notent « le manque de temps avec les élèves » ; « le peu de régularité des rencontres ». Ils mentionnent aussi souhaiter du soutien à la fois de leurs collègues, de la direction, mais aussi des parents des élèves. Sans surprise, les enseignants-ressources témoignent de leurs insatisfactions lorsque ces éléments ne font pas partie de leur vécu. Une perte de sens autour des rôles et fonctions qu’ils doivent assumer rend alors leur expérience de soutien difficile. Se soucier de l’influence des facteurs extrinsèques (Scott et coll., 2001) dans la mise en œuvre de la fonction d’enseignant-ressource contribuerait certainement à donner un meilleur service à l’élève. En ce qui concerne les enseignants en début de carrière, les énoncés recueillis n’en font pas mention. Il ne semble pas s’agir d’une préoccupation pour les enseignants-ressources qui ont répondu au questionnaire malgré qu’il en soit fait mention dans le libellé de leur fonction.

L’axe 3 suggère que l’enseignant-ressource travaille en concertation avec les autres intervenants qui œuvrent auprès des élèves de façon générale, c’est le terme collègues qui est utilisé dans les énoncés recueillis. Ainsi, en rapport avec la satisfaction, c’est la possibilité de prendre part à une action commune qui les anime. Toutefois, ils réfèrent au manque de ressources spécialisées de façon importante. Leur sentiment d’impuissance est particulièrement palpable à la seconde question alors qu’ils témoignent du fait qu’ils se sentent peu outillés pour répondre à des besoins spécifiques. Les balises actuelles prescrivant aux enseignants-ressources des interventions essentiellement individualisées semblent les enfermer dans un modèle de service davantage axé sur l’intervention psychosociale au détriment d’une relation pédagogique. Les termes utilisés dans les énoncés sont évocateurs. Pour parler de leur fonction, ils disent manquer d’outils pour « cibler les élèves », « dépister les difficultés », « pallier au retard scolaire accumulé ». Pour soutenir la motivation, ils souhaiteraient pouvoir leur faire vivre des réussites, mais le temps à consacrer individuellement à chaque élève manque, ils demandent alors plus de temps, un allègement de leur tâche et davantage de spécialistes.

L’axe 1 qui a trait au suivi des élèves semble le plus investi par les enseignants-ressources. Dans les faits, il correspond à ce que Scott et coll. (2001) définissent comme étant les motifs primaires inhérents à la profession enseignante soit de vouloir aider des élèves. Les irritants semblent davantage se rapporter aux axes 2 et 3 qui présupposent un certain niveau de collaboration et de concertation entre les acteurs qu’ils soient enseignants ou spécialistes. Certains enseignants-ressources ont expérimenté le travail à deux ou coenseignement et le décrive comme très profitable pour une gestion différenciée de la classe. D’autres le souhaitent et aimeraient vivre une ouverture par rapport à ce mode de fonctionnement de la part de leurs collègues. Parmi les avantages, l’intensification des interventions en salle de classe, la réduction du ratio élèves / enseignants, la valorisation de la concertation avec leurs collègues, et ce, dans le temps imparti à leur tâche (Friend et Cook, 2007 ; Tremblay, 2017). Cette modalité d’enseignement peut s’inscrire comme une voie propice à des interventions différenciées en salle de classe comme le stipule d’ailleurs la Politique québécoise de l’adaptation scolaire (MEQ, 1999).

Enfin, comme mentionné précédemment les enseignants-ressources constituent un facteur externe à l’enseignement et sont le fruit d’une mesure relativement récente et encore fragile. Cette dernière n’est actuellement définie que par la convention collective et sa pérennisation demeure un enjeu. La formation des enseignants-ressources reste également largement à définir. Par ailleurs, même s’ils font partie d’un changement imposé, il semble que les enseignants-ressources soient plutôt bien acceptés. Au regard, des énoncés qui concernent leur satisfaction, leurs rôles paraissent mieux définis qu’avant. De plus, une proportion d’enseignants-ressources bénéficie de l’appui de la direction d’établissement. Ce sont des conditions gagnantes pour l’intégration de ce facteur externe à l’enseignement. Cela dit, les rôles que jouent les enseignants-ressources méritent que l’on s’y attarde, pour les clarifier mais aussi pour les rendre encore plus signifiants pour les élèves et les enseignants. Il ne faut pas oublier que la présence des enseignants-ressources est directement liée à un autre facteur externe : la Politique québécoise de l’adaptation scolaire. Cette dernière a introduit le paradigme de l’intégration qui a stimulé le maintien en classe ordinaire des élèves en difficulté d’apprentissage. Cette politique induit donc, elle aussi, des éléments plus généraux de satisfaction et d’insatisfaction chez les enseignants.

CONCLUSION

En définitive, cette recherche constitue un premier pas pour mieux comprendre les rôles et fonctions des enseignants-ressources. Cet article porte sur une seule dimension du questionnaire soit la satisfaction des enseignants-ressources quant aux rôles et fonctions qu’ils assument. D’autres études devront être menées pour percevoir toutes les nuances qui caractérisent cette tâche. Parmi les zones d’ombres encore à explorer, l’analyse du profil, du sexe et de l’expérience des personnes qui assument cette fonction, demeurent difficiles à cerner. Il faut comprendre qu’il n’existe pas de sécurité, ni de continuité associée à cette tâche qui est redistribuée selon des modalités qui varient d’une école à l’autre, et d’une année à l’autre. Des entretiens semi-directifs menés avec les enseignants-ressources apporteraient un complément intéressant aux réponses concises récoltées dans ce questionnaire. Enfin, il pourrait s’avérer pertinent de questionner les enseignants de la classe voire des élèves ou des directions d’établissement sur leur satisfaction au regard du service de l’enseignant-ressource. D’autant plus que leur appréciation fournirait des données sur leur vision des services offerts par l’état sans véritable consultation des enseignants.

Notes

  1. 1. ns signifie nombre d’énoncés de satisfaction et ni signifie nombre d’énoncés d’insatisfaction.

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