BOOK REVIEW / CRITIQUE DE LIVRE


Terry Wotherspoon
. The Sociology of Education in Canada. Critical Perspectives (4e éd.). Toronto, ON : Oxford University Press. (2014). 372 p. 79,95 $ (édition de poche) (ISBN 978-0-19-544548-0)


Les ouvrages généraux en sociologie de l’éducation sont rares. Parmi ceux disponibles, plusieurs portent sur l’Angleterre, les États-Unis et la France, où les travaux y sont importants. Ce livre tombe à point, en contribuant non seulement à diffuser des connaissances générales dans différentes sphères de la sociologie de l’éducation, mais en puisant également ses exemples dans le contexte canadien. Terry Wotherspoon, professeur et directeur du département de sociologie de l’Université de la Saskatchewan, réussit à rédiger un ouvrage au contenu complexe de manière à le rendre compréhensible et intéressant.

L’ouvrage comprend neuf chapitres, indépendants les uns des autres, qui vont du général au particulier. Cela permet à un lecteur qui serait intéressé par un chapitre ou une section en particulier de les consulter sans avoir à parcourir préalablement l’ensemble du livre.

Les deux premiers chapitres portent sur les principes de l’analyse sociologique de l’éducation ainsi que sur les principales théories sociologiques de ce champ. On y explique comment la discipline sociologique, de par son origine, ses objectifs et ses visées, s’est rapidement intéressée au milieu de l’éducation. L’auteur passe rapidement en revue quelques grands courants, dont évidemment le fonctionnalisme, l’interprétativisme et le marxisme, en expliquant brièvement au passage les legs de Durkheim, de Weber et de Marx à l’analyse sociologique de l’éducation. L’auteur prend également le temps d’aborder des approches et des écoles plus contemporaines, comme le féminisme et la pédagogie critique.

Le troisième chapitre dresse un portrait très succinct des grands moments de l’éducation au Canada depuis 1867. Bien qu’il soit intéressant et en dresse une esquisse, ce chapitre, très court, ne permet pas de véritablement bien saisir l’évolution et la dynamique du système éducatif canadien. À la défense de l’auteur, il n’est pas aisé de résumer en un seul chapitre une telle histoire dans le cadre d’un ouvrage général.

La structure d’ensemble du système éducatif canadien est présentée au quatrième chapitre. On y aborde, entre autres, la question de la place des institutions privées et le financement des établissements scolaires. Différentes données, comme celles relatives à l’évolution du budget accordé à l’éducation depuis le milieu du 20e siècle, à l’accroissement des effectifs étudiants et aux nombres de conseils scolaires par province, complètent le portrait.

À partir du cinquième chapitre, commencent les sections plus pointues portant sur des thèmes précis de la sociologie de l’éducation. Le lecteur trouvera dans le chapitre s’intéressant au processus de scolarisation les questionnements essentiels de la sociologie de l’éducation. Ce chapitre traite notamment des différents rôles de l’école, comme la socialisation, l’intégration ou la régulation. Il traite également des liens entre les institutions scolaires et le genre, l’ethnie et le sexe. C’est aussi dans ce chapitre qu’est expliqué comment, dans une perspective sociologique, le curriculum peut être considéré comme une construction sociale et comment le contenu des programmes d’études peuvent être idéologiques et politiques.

Le lecteur intéressé par la profession enseignante gagnera à consulter le chapitre consacré à ce thème où l’auteur aborde notamment des sujets tels que les formations à l’enseignement, l’identité des enseignants, les hiérarchies des positions et la féminisation de certains corps d’emplois. Les liens entre l’école, le marché du travail et les entreprises, les impacts du système éducatif sur la mobilité et la reproduction sociale sont traités dans les sections qui suivent.

L’ouvrage se termine sur les réformes et les défis en matière d’éducation. L’auteur y soulève notamment les défis relatifs à l’intégration des nouvelles technologies et leurs impacts, la multiplication des acteurs qui veulent contrôler l’appareil éducatif et la mondialisation.

La force de cet ouvrage est de contextualiser les exemples et les théories dans le paysage canadien. Contrairement à d’autres ouvrages de référence généraux en sociologie de l’éducation qui tirent leurs cas d’exemples britanniques ou français, celui-ci utilise des exemples familiers pour le lecteur. Cela amène un côté pédagogique intéressant et permet à ce dernier de mieux comprendre les théories, les implications et les enjeux. Le lecteur canadien possèdera ainsi des points de repère pertinents qui facilitent sa compréhension et accroissent son intérêt.

Le fait de faire reposer un ouvrage de sociologie de l’éducation sur le cas canadien permet aussi de mieux comprendre les enjeux nationaux et donne accès à des données concrètes et utiles. Cela est d’autant plus vrai dans l’un des plus vastes pays du monde, où il y a des disparités importantes sur le territoire en matière d’éducation, de population et où l’éducation est en grande partie déployée par des institutions provinciales, locales, publiques et privées.

Facile à lire, constituant un ouvrage de référence plutôt complet et prenant comme cas de figure le contexte canadien et abordant les grands thèmes de la sociologie de l’éducation, ce livre n’est pas un livre spécialisé. Il est un livre de base précieux pour les étudiants en sociologie et en éducation. Il est aussi un ouvrage de synthèse hautement utile pour les chercheurs de différents domaines.

Dominic Leblanc Cégep régional de Lanaudière et Université de Montréal