CONTEXTES DE FORMATION DES nouvelles DIRECTIONS D’ÉCOLE AU CANADA


Dans le but de préparer les futures directions à la gestion d’une école, un diplôme reconnu constitue souvent l’une des conditions d’embauche (IsaBelle et coll. 2008 ; McCarthy et Forsyth, 2009).1 Or, les directions d’école de langue française hors Québec travaillant en milieu minoritaire ou de valorisation linguistique et culturelle (VLC) n’ont pas toujours accès à des formations universitaires en français. Qui plus est, les critiques des formations universitaires peu adaptées aux besoins des écoles (Eller, 2010) entraînent de plus en plus de formations offertes à l’extérieur des universités (Bernatchez, 2011, Sanzo, Myran et Clayton, 2011). Cet article porte sur les contextes de formation qui aident au développement des compétences des nouvelles directions d’école. La prochaine section aborde la problématique de la formation au principalat. Étant donné les conditions particulières dans lesquelles travaillent les directions d’école de langue française au Canada, une section leur est réservée.

Contexte et problématique

Cinq constats émergent sur l’importance et la qualité de la préparation et du développement professionnels d’une direction d’école. Premièrement, même si les directions ont une influence indirecte sur la réussite scolaire des élèves, il demeure qu’elles jouent un rôle essentiel pour instaurer un climat organisationnel propice à cette réussite (Seashore Louis, Dretzkekl et Wahlstrom, 2010). Deuxièmement, les ministères de l’Éducation et les districts scolaires recommandent aux nouvelles directions qu’elles possèdent une formation créditée afin de développer leurs compétences pour favoriser la réussite éducative (Bridges, 2012). Troisièmement, même si un diplôme d’études supérieures est recommandé aux nouvelles directions, la formation universitaire semble ne pas préparer les directions à gérer avec efficacité l’école (Fossey et Shoho, 2006 ; Young, Crow, Orr, Ogawa et Creighton, 2005). Qui plus est, des enseignants et des directions adjointes aspirants renoncent à occuper un poste de direction parce qu’ils estiment avoir reçu une préparation inadéquate (Organisation de coopération et de développement économiques, 2008). Quatrièmement, il appert que le design des programmes formels peut faire une différence quant au développement du sentiment d’efficacité personnelle d’une direction d’école. Une étude menée par Darling-Hammond, LaPointe, Meyerson et Orr (2007) expose des caractéristiques exigées dans un programme de formation jugé exemplaire, telles qu’une formation théorique et pratique axée sur l’étudiant et favorisant la réflexion par des activités authentiques ; un mentorat qui assure un suivi par des professionnels et des directions d’école afin d’échanger avec la communauté, etc. L’étude de Fuller, Young et Baker (2011) montre que si les étudiants au principalat sont formés dans une institution qui réalise des recherches ou qui dispense des cours de 3e cycle, à la fin de leur formation, ces directions possèdent plus de compétences pour améliorer la qualité de l’enseignement du personnel. Cinquièmement, selon Sanzo, Myran et Clayton (2011), les candidats au principalat transfèrent plus facilement leurs acquis théoriques à leur pratique quand la formation est prise en charge par l’université en collaboration avec les districts scolaires. Dans cette foulée, se créent des programmes de formation mutuellement proposés par des universités et des associations professionnelles ou des agences non gouvernementales, ainsi que l’importance d’offrir ces programmes de formation selon un curriculum local qui tient compte des contextes social, économique et culturel spécifiques des écoles desservies (Bernatchez, 2011, Walker, Bryant et Lee, 2013). Bref, les formations universitaires de type formel permettent-elles de développer l’ensemble des compétences des nouvelles directions d’école de langue française au Canada ? Qu’en est-il des contextes de formation non formel et informel ? Il s’avère important d’étudier ces contextes de formation, et ce, tant pour la formation initiale que continue.

La prochaine section expose le cadre conceptuel et des résultats d’études pancanadiennes pertinentes à ce sujet.

Cadre conceptuel

Contextes de formation

Dans cette section, les trois contextes de formation sont définis. Également, pour mieux cerner l’état de la situation de la formation des nouvelles directions d’école francophone au Canada, il s’avère primordial d’analyser les recherches dans ce domaine. Deux études récentes seront présentées à ce sujet, mais rappelons d’abord que, dès 1968, Tough avance que l’apprentissage des adultes se fait majoritairement à l’extérieur des cadres de formation formels, 70 % dans un contexte informel, soit l’expérience ; 20 % seraient attribués à des contacts non professionnels, collègues, parents, amis ; 10 % des apprentissages proviendraient d’un cadre formel. La formule du 70/20/10 appuie la pensée de Werquin (2010) : « les apprentissages formels [ou dans un contexte formel] ne peuvent pas, à eux seuls, rendre compte de la totalité des apprentissages qui sont en cause lorsque l’on aborde la notion d’apprentissage tout au long de la vie » (p. 24).

Nous avons recensé deux études pancanadiennes conduites auprès de directions d’école en lien avec les contextes de formation. La première étude, de Cattonar et coll. (2007), a été menée par questionnaire auprès de 2 144 directions d’écoles primaire et secondaire de langues française et anglaise. L’étude visait à analyser leurs représentations vis-à-vis de leur emploi. La deuxième étude, de nature quantitative, a été réalisée par IsaBelle et coll. (2008) et portait sur les contextes de formation préférés de 213 directions et directions adjointes d’école de langue française en milieu VLC.

Contexte de formation formel. Le contexte formel est lié aux systèmes d’éducation et de formation régis par l’État. Pour Cofer (2000), les contextes de formation se définissent en fonction des groupes qui fixent les buts des formations. En contexte formel, les objectifs d’apprentissage sont établis par les systèmes d’enseignement reconnus par l’État. Ce contexte conduit à des apprentissages formels et les enseignements mènent à l’obtention de diplômes ou de titres décernés par l’État (Marchand, 1997 ; Merriam, Caffarella et Baumgartner, 2009). Pour Schugurensky (2000), dans ce contexte, chaque niveau de formation est prérequis pour atteindre un autre niveau de formation et il est nécessaire de les compléter afin d’obtenir un diplôme. Ainsi, nous retrouvons l’enseignement secondaire, collégial et universitaire, pour une formation initiale ou continue.

Chaque province et territoire présente des spécificités quant aux exigences de formation en contexte formel des directions d’école. Au Québec, le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MÉLS, 2008) exige un diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) pour tout candidat qui aspire à un poste de direction d’écoles primaire et secondaire. En Ontario, les futures directions d’école doivent compléter le programme menant à la qualification offert par des organismes mandatés par l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario, tels que les universités, l’Association des directions et directions adjointes des écoles franco-ontariennes (ADFO). Nous retrouvons sensiblement la même exigence d’un diplôme d’études supérieures pour les autres provinces et territoires comme au Nouveau-Brunswick et en Colombie-Britannique. Or, certaines provinces — comme l’Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse, la Saskatchewan — n’offrent pas de formation en français en administration scolaire dans leurs universités ; l’exigence d’une maîtrise est donc fortement recommandée, mais non exigée (IsaBelle et coll., 2008). Pour pallier ce manque, les futures directions peuvent suivre une formation à distance d’une université qui n’est pas située dans leur province ou s’inscrire dans un programme de langue anglaise. Nonobstant l’accès difficile des formations en contexte formel, au début des années 2000, Lapointe et Langlois (2004) et Brassard (2004) constatent que les formations universitaires pour les candidats de langue française omettent de développer des composantes prioritaires des compétences qui sont requises chez les directions d’école. D’où l’importance aujourd’hui d’évaluer si ce contexte de formation a aidé et peut aider à développer les compétences des nouvelles directions d’école.

Les résultats de l’étude de Cattonar et coll. (2007) indiquent que 57,1 % des directions de leur enquête possèdent, comme diplôme le plus élevé, une maîtrise, 21,3 % un baccalauréat, 17,8 % un diplôme ou un certificat universitaire supérieur au baccalauréat, 1,8 % un certificat, un diplôme ou brevet d’enseignement et 1,7 %, un doctorat. Globalement, les directions de l’Atlantique, de l’Ontario, de la Colombie-Britannique et des Territoires du Nord-Ouest, le Yukon et le Nunavut possèdent plus souvent une maîtrise, alors que celles des Prairies et du Québec ont plus fréquemment un baccalauréat ou un diplôme supérieur au baccalauréat. L’utilité de la formation antérieure a été perçue par près de 90 % des directions et cette perception en début de carrière semble contribuer à l’augmentation du sentiment de compétence. Toutefois, l’étude ne précise pas la nature des formations antérieures. Nous estimons qu’il s’agit d’une formation en contexte formel. Dans l’étude d’IsaBelle et coll. (2008), 50 % des directions possèdent une formation universitaire aux études supérieures (DESS, maîtrise en éducation, maîtrise ès arts ou doctorat non spécifique à l’administration scolaire). À partir de 14 activités s’inscrivant dans les trois contextes de formation (formel, non formel, informel), les directions devaient répondre à la question « de quelles façons aimez-vous le plus développer de nouvelles compétences en lien avec votre travail selon l’échelle de type Likert à cinq niveaux : N’aime pas du tout à Aime beaucoup ». Selon IsaBelle et coll. (2008), les analyses ANOVA démontrent, de façon significative, que le contexte le moins apprécié par les directions est le contexte formel et indiquent des différences entre les directions des différentes provinces :

Les directions d’écoles de l’Ontario sont celles qui préfèrent le moins développer des compétences dans un cadre formel, suivi par les directions du Manitoba, du Nouveau-Brunswick, des trois provinces de l’Ouest [Colombie-Britannique, Alberta et Saskatchewan], des trois provinces de l’Est [Île-du-Prince-Édouard, Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador] et des territoires. (p. 9)

Le Québec ne faisait pas partie de l’étude.

Finalement, certains programmes formels canadiens présentent des lacunes sur le plan de la conception et s’avèrent peu appréciés des directions d’école. Toutefois, ce contexte permet à ces dernières qui ont peu d’années d’expérience en poste de se sentir préparées pour assumer leurs fonctions ce qui explique l’utilité de ce contexte évoqué par plusieurs participants.

Contexte de formation non formel. Le deuxième contexte, non formel, renvoie à toutes activités de formation dispensées à l’extérieur des systèmes d’éducation reconnues par l’État (Marchand, 1997). Les objectifs d’apprentissage sont fixés par des regroupements professionnels ou employeurs et ce type de formation n’aboutit pas à un diplôme ou à une qualification reconnue (Schugurensky, 2000). Par exemple, nous retrouvons les ateliers de formation, le coaching et les communautés d’apprentissage professionnelles (CAP) mis en place par les districts scolaires, les colloques et les rencontres-ateliers planifiés par les associations professionnelles et le ministère de l’Éducation. Au Québec, le ministère de l’Éducation (MÉLS, 2008) reconnait que la professionnalisation des directions est une responsabilité partagée entre l’individu, le district scolaire, les associations professionnelles, les universités et lui. Par ailleurs, alors que certaines associations provinciales francophones des directions d’école proposent des ateliers de formation tels qu’au Manitoba, Québec et Nouveau-Brunswick (Fédération nationale des conseils scolaires francophones, 2014), d’autres n’en offrent pas.

L’enquête de Cattonar et coll. (2007) révèle que 74,7 % des directions mentionnent avoir reçu de l’aide de leurs supérieurs. De plus, au début de leur carrière, les répondantes ont bénéficié de mesures d’accueil, de soutien et d’accompagnement (ASA). Celles-ci ont profité d’un perfectionnement approprié (58,5 %) ; participé à un réseau d’entraide entre directeurs (53,3 %) ; bénéficié d’un parrainage ou mentorat (38,2 %) ; pu compter sur une personne-ressource désignée (34,7 %) ; participé à des activités d’accueil (34,5 %) et fait partie d’un groupe de soutien (32,9 %, Cattonar et coll., 2007, p. 412). Douze pour cent des directions affirment qu’elles ont profité d’autres mesures d’ASA, telles qu’assister à des conférences et participer à des ateliers. Les directions de l’Ontario et du Québec auraient davantage bénéficié de quatre mesures (activités d’accueil, parrainage ou mentorat, réseaux d’entraide entre directeurs et perfectionnement) que celles des autres provinces. Les directions du Québec sont les plus nombreuses à mentionner avoir bénéficié de perfectionnement. Plus d’un quart des directions de Colombie-Britannique, de l’Ontario et des Prairies affirment avoir profité de réseaux d’entraide entre directions. Celles de l’Atlantique soulignent avoir le moins bénéficié des différentes mesures d’ASA. Nous catégorisons la majorité de ces résultats dans le contexte non formel, car ces mesures semblent s’inscrire dans une planification de l’employeur ou des regroupements professionnels. Dans l’étude d’IsaBelle et coll. (2008), le contexte non formel regroupe les formations offertes par le district scolaire et le ministère de l’Éducation, les conférences provinciales et hors province, et les activités offertes par le district comme le mentorat, la CAP et le groupe de développement professionnel. De façon significative, les analyses ANOVA indiquent que les directions des trois provinces de l’Ouest et des territoires préfèrent le moins le contexte de formation non formel. Qui plus est, les directions de l’Ontario, du Manitoba et du Nouveau-Brunswick n’apprécient guère plus ce type de contexte. À l’inverse, les directions des provinces de l’Est sont celles qui préfèrent le plus développer des compétences dans ce contexte.

En résumé, même si les mesures de soutien évaluées par Cattonar et coll. (2007) manquent de précision et n’indiquent pas si elles ont développé les compétences des directions, ces résultats suggèrent que les directions de l’Ontario et du Québec en auraient bénéficié le plus. L’étude d’IsaBelle et coll. (2008) démontre que le contexte non formel est le plus apprécié des directions des provinces de l’Est.

Contexte de formation informel. Le contexte informel constitue toutes activités vécues par l’individu pour parfaire ses connaissances et ses compétences à l’extérieur du cadre formel d’une institution accréditée ou du cadre non formel d’un regroupement professionnel ou de l’employeur (Livingstone, 1999). Selon Cristol et Muller (2013), « l’éducation informelle fait référence à un apprentissage qui n’est pas forcément intentionnel et encore moins reconnu et reconnaissable par les individus eux-mêmes et leur environnement » (p. 18), par exemple, l’utilisation des médias, les échanges entre collègues (sur une base non structurée), la lecture, l’implication bénévole, etc. Pour Boutinet (2013), « on apprend toujours sur le tas » (p. 7).

Les résultats de l’enquête de Cattonar et coll. (2007) indiquent que 96,1 % des directions sont d’accord qu’elles ont appris cette fonction sur le tas ou sur le terrain. Toutefois, « les directeurs québécois sont nettement moins nombreux (81,3 %) que ceux de l’ensemble du Canada (94,4 %) à affirmer avoir appris leur fonction sur le tas » (p. 418). Près de 12 % des directions ont indiqué avoir bénéficié d’autres types de soutien au début de leur carrière : avoir une expérience préalable dans une fonction connexe, faire des lectures et faire appel à leurs réseaux pour trouver de l’aide. Nous classons ces mesures dans un contexte informel. Dans l’étude d’IsaBelle et coll. (2008), le contexte informel a été subdivisé en deux. Le contexte informel 1 réfère à en discutant avec : d’autres directions, des enseignants et des amis, alors que le contexte informel 2 renvoie à la formation par des lectures personnelles ; « essais et erreurs » sur le tas ; en participant à des activités bénévoles. Les analyses ANOVA portant sur les préférences des directions pour le développement de compétences dans un contexte informel 1 n’indiquent pas de différence entre les neuf provinces et territoires. Quant au contexte informel 2, les résultats significatifs révèlent, par ordre décroissant, que les directions d’école des provinces de l’Est, du Manitoba, des provinces de l’Ouest, des territoires, du Nouveau-Brunswick et finalement de l’Ontario préfèrent le plus développer des compétences dans ce type de contexte. Si nous examinons les moyennes de l’analyse ANOVA non significative, celles-ci sur une cote maximale de cinq, suggèrent que de tous les contextes de formation pour développer des compétences, le contexte informel serait le plus apprécié des directions de toutes les provinces à l’exception de celles des trois provinces de l’Est.

De l’étude de Cattonar et coll. (2007), bien que pertinents, les résultats ne distinguent pas les directions de langue française des directions de langue anglaise. Également, les mesures d’ASA manquent de précision. Quant à l’étude d’IsaBelle et coll. (2008), nous déplorons l’absence de résultats pour le Québec et la recherche porte sur les préférences, et non sur les contextes qui favorisent le développement des compétences. Bref, nous en savons peu sur les contextes de formation des directions et une recherche qualitative, menée auprès de différents acteurs de l’éducation, nous permettrait d’approfondir cet objet de recherche.

Objectifs de recherche

Selon Darling-Hammond et coll. (2007), peu de recherches ont été menées afin d’étudier l’efficacité des programmes de formation en administration éducationnelle. A fortiori, Livingstone (1999) et Merriam et coll. (2009) soulignent que peu d’études documentent le développement des compétences dans un contexte informel. Il devient donc essentiel de porter une attention aux contextes de formation dans lesquels les directions peuvent développer leurs compétences pour favoriser une meilleure gestion de leur école afin d’améliorer la réussite des élèves (Barber, Whelan et Clark, 2010). Force est de constater qu’au Canada peu de recherches ont été menées auprès de différents acteurs de l’éducation de différentes provinces afin d’identifier les contextes de formation qui 1) ont aidé les nouvelles directions d’école de langue française à développer leurs compétences pour occuper un poste à la direction et 2) peuvent les soutenir pour développer leurs compétences afin de mieux gérer leur école. Cela justifie d’entreprendre notre étude.

Méthodologie

Notre étude s’inscrit dans un projet qui comportait plusieurs objectifs : Contextes formel, non formel et informel d’acquisition de compétences chez les jeunes directions d’école francophones au Canada. Pour atteindre le premier objectif de notre étude, une démarche quantitative a été suivie et certains résultats pertinents ont été présentés (IsaBelle et coll., 2008). Un deuxième objectif vise à laisser les participants décrire tous les contextes de formation ayant aidé ou pouvant aider à développer les compétences des nouvelles directions. Cet objectif s’inscrit dans un cadre qualitatif et interprétatif, car il permet de mieux comprendre le sens que les participants donnent à leurs réponses, et ce, à partir du vécu des chercheurs (Savoie-Zajc, 2011).

Participants 

À partir d’un échantillon intentionnel (Savoie-Zajc, 2011), 101 acteurs francophones de l’éducation des dix provinces ont participé. Nous n’avons pas été en mesure de rejoindre des acteurs des trois territoires. Au total, nous comptons : 30 directions et directions adjointes d’école ayant 5 ans et moins d’expérience (DÉ5-), 28 directions d’école ayant 6 ans et plus d’expérience (DÉ6+), 20 directions générales ou adjointes de l’éducation au niveau des districts scolaires (DG+DGA), cinq présidents d’associations de directions d’école (PrAss) et 18 professeurs d’université et chargés de cours (ProfU, voir le Tableau 1). Ayant plusieurs universités de langue française au Québec, plusieurs professeurs ont répondu à notre demande de participer à l’étude. Les nouvelles directions représentent celles qui ont cinq ans et moins de pratique, car une direction peut prendre jusqu’à cinq ans pour qu’elle puisse instaurer des mesures efficaces de gestion (Seashore-Louis et coll., 2010).

Tableau 1. Répartition des participants selon le regroupement de provinces et leur fonction professionnelle

Provinces

DÉ5

DÉ6+

DG et DGA

PrAss.

ProfU

Total

Province de l’Ouest

8

5

5

-

2

20

Manitoba

2

2

1

-

1

6

Ontario

5

9

4

1

1

20

Québec

7

4

5

4

13

33

Nouveau-Brunswick

3

2

2

-

1

8

Province de l’Est

5

6

3

-

-

14

Total

30

28

20

5

18

101

Regroupements selon la province

Pour obtenir des données comparables à l’étude d’IsaBelle et coll. (2008), nous avons formé six regroupements : 1) les trois provinces de l’Ouest (Colombie-Britannique, Alberta, Saskatchewan), 2) Nouveau-Brunswick (NB), 3) Manitoba (MA), 4) Ontario (ON), 5) Québec (QC) et 6) les trois provinces de l’Est (Île-du-Prince-Édouard, Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador).

Instrument de collecte de données

Deux grilles d’entrevue ont été créées pour répondre aux besoins de l’étude. La première, conçue pour les DÉ5, et la deuxième, pour les autres participants (DÉ6+, DG+DGA, PrAss et ProfU), comprennent six sections. Pour le présent article seulement les sections une, trois et cinq sont utilisées, car les autres sections portent sur les compétences des directions d’école : 1) identification des participants ; 3) les types de formation et les organismes ou groupes de personnes qui ont aidé les DÉ5 à développer leurs compétences pour occuper un poste à la direction ; 5) les types de formation et les organismes ou les groupes de personnes qui peuvent soutenir les DÉ5 à développer leurs compétences. Pour les DÉ5, les questions s’adressaient à elles-mêmes. De 2008 à 2009, nous avons réalisé les entrevues semi-dirigées de 30 à 75 minutes chacune. Celles-ci ont été enregistrées et retranscrites.

Analyse des données

La méthode d’analyse qualitative et inductive modérée a été utilisée pour traiter les données de l’étude (Savoie-Zajc, 2011). Le traitement des données s’est fait en sept temps, favorisant un codage en parallèle et graduel entre trois chercheuses, afin d’obtenir un accord interjuge satisfaisant (IsaBelle, Gélinas Proulx et Meunier, 2014). Pour la gestion des données, nous avons eu recours au logiciel NVivo 10. Une transformation des données a permis une analyse quantitative des données qualitatives catégorisées (Creswell, 2009). La section subséquente expose des données descriptives quantitatives bonifiées par des extraits de verbatim afin d’accorder une signification aux chiffres.

Résultats

Dans cette section, nous répondons à nos deux questions de recherche de façon simultanée. Nous avons formé deux groupes d’acteurs : 1) les DÉ5, 2) tous les autres participants : DG+DGA, PrAss, ProfU et les DÉ6+. Pour la première question, nous leur avons demandé de nommer les types de formation ou organismes ou groupes de personnes qui ont aidé les nouvelles directions à acquérir leurs compétences. Le nombre total de participants est 93, car la question n’a pas été posée à trois DÉ5, trois DÉ6+ et deux ProfU. Au total, 27 DÉ5 et 66 autres participants ont répondu à la première question. À la deuxième question, soit nommer quels types de formation ou organismes ou groupes de personnes pourraient soutenir les nouvelles directions à développer leurs compétences, 30 DÉ5 et 71 autres participants ont répondus. Aux deux questions, les participants pouvaient nommer jusqu’à trois réponses. Pour l’Ontario, les réponses des participants liées au programme de qualification pour accéder à la direction d’une école offert par l’ADFO ont été codées dans le contexte formel. Les figures des données quantitatives visent à offrir une présentation visuelle de nos résultats, et ce, selon les catégories de répondants et par région.

Contexte de formation formel

Pour la première question, 56 % (15/27) des DÉ5 mentionnent que le contexte formel les a aidées à développer des compétences et 64 % (42/66) des Autres participants croient aussi que ce contexte a aidé les DÉ5 à développer leurs compétences. Pour une DÉ5 du Manitoba, « il y a beaucoup à gagner » à suivre une formation universitaire : « J’ai suivi mes cours, je me suis rendu physiquement au collège… alors il y a la discussion… qui est importante dans l’apprentissage » (4f2.1). Une DG d’une province de l’Ouest mentionne que la maîtrise n’est pas obligatoire pour occuper un poste à la direction, mais cela les aide. Pour la deuxième question, 40 % (12/30) des DÉ5 et 56 % (40/71) des Autres participants pensent que le contexte formel pourra soutenir les nouvelles directions dans le développement de leurs compétences. Une DG d’une province de l’Ouest signale « on encourage toutes nos directions d’école à obtenir la maîtrise en administration scolaire » (2a2.1). Un ProfU du Québec avoue que « tous ceux qui ont suivi des cours à l’université… sont beaucoup plus informés » (6d2.6). Une DÉ6+ du Québec souligne que « les cours universitaires permettent d’apprendre à se connaître comme gestionnaire » (6e1.4). Une ProfU des provinces de l’Ouest affirme que

le monde académique a son rôle à jouer. [Il] reste à définir peut-être la manière de soutenir ; [pas] en amenant plus de théories, plus en étant nous à l’écoute de ce que les directions d’école ont besoin puis de leur donner les outils pour mieux réfléchir. (1d1.1)

La Figure 1 révèle que des DÉ5 et d’Autres participants des six régions mentionnent que le contexte formel a aidé à développer les compétences des nouvelles directions et pourra les soutenir. Peu de différences sont observables entre les résultats de la question 1 (acquis) et la question 2 (soutien) pour le même groupe de participants d’une même région. Au Québec, neuf des 18 Autres participants répondants sont des professeurs d’université, ce qui explique sans doute ce résultat.

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Figure 1. Nombre de participants ayant répondu aux questions 1 (acquis) et 2 (soutien) selon leur fonction, leur lieu de travail et le nombre total de participants pour le contexte formel

Contexte de formation non formel

Nous avons créé deux sous-catégories pour le contexte de formation non formel : 1) axé sur les relations humaines (RH) et 2) axé sur des formations organisées (FOR) par des organismes. La première sous-catégorie regroupe les activités organisées et personnalisées par le district scolaire, telles que le mentorat-coaching, les CAP, les groupes de développement professionnel et les échanges avec une personne ressource comme la direction générale, la surintendance, le conseiller pédagogique, l’équipe-école (direction adjointe et enseignants). La deuxième sous-catégorie rassemble les formations offertes par les ministères de l’Éducation, les districts scolaires, les associations, les organismes publics et privés, ainsi que les conférences provinciales et hors province.

Contexte non formel 1 : axé sur les relations humaines — organisées par le district scolaire (RH/DS). À la première question, 37 % (10/27) des DÉ5 affirment que le contexte non formel 1 axé sur les relations humaines les a aidées à acquérir leurs compétences et 39 % (26/66) des Autres participants croient que ce contexte a aidées les nouvelles directions. Un ProfU d’une province de l’Ouest confirme l’importance du mentorat : « une ancienne directrice d’école… a été embauchée par le district d’école francophone et elle est là pour aider les jeunes, pour partager… son expertise » (3d2.1). Une DÉ6+ d’une province de l’Est mentionne l’apport du contact avec sa DG : « j’avais ma direction générale avec moi, comme mentor… c’était le cadeau incroyable » (8e1.1). Une DÉ6+ de l’Ontario soutient que « l’association des directions d’école nous appuie beaucoup » (5e1.1). À la deuxième question, 83 % (25/30) des DÉ5 suggèrent que le contexte non formel 1 pourrait les soutenir dans le développement de leurs compétences et de façon spécifique par des rencontres planifiées avec une personne ressource du district scolaire. Par ailleurs, 76 % (54/71) des Autres participants suggèrent que le contexte non formel 1 pourrait soutenir les nouvelles directions. Une DG de l’Ontario, « dans notre district… on les place en fonction de directions-adjointes avant de leur donner l’autonomie complète d’une école.… Elles sont accompagnées à distance d’une direction plus chevronnée » (5a1.2). Une DÉ5 d’une province de l’Ouest avoue : « mon directeur général est formidable.… C’est certainement une personne-ressource » (1f2.2). Deux DÉ5 venant des provinces de l’Ouest et de l’Est croient qu’une personne au ministère de l’Éducation pourrait les soutenir.

La Figure 2 indique que plus de répondants des deux groupes et de toutes les provinces (sauf pour les DÉ5 du Manitoba et du Nouveau-Brunswick) estiment que le contexte non formel 1 pourrait davantage soutenir le développement des compétences des nouvelles directions qu’il ne l’a fait jusqu’à présent. Toutes les DE5 des provinces de l’Ouest et de l’Ontario, ainsi que tous les Autres participants du Manitoba, du Nouveau-Brunswick et des provinces de l’Est croient que le contexte non formel 1 pourrait soutenir le développement des compétences des nouvelles directions.

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Figure 2. Nombre de participants ayant répondu aux questions 1 (acquis) et 2 (soutien) selon leur fonction, leur lieu de travail et le nombre total de participants pour le contexte non formel 1

Contexte non formel 2 : axé sur les formations organisées par le district scolaire (FOR/DS)

À la première question, 26 % (7/27) des DÉ5 suggèrent que les formations offertes dans un contexte non formel 2, soit par le district scolaire, les ont aidées à acquérir leurs compétences et 18 % (12/66) des Autres participants pensent que ce contexte pourrait soutenir les nouvelles directions. Au Québec, une DÉ5 stipule : « on est choyé parce qu’on a le programme maison [au district scolaire] et on a toutes sortes de formations qui nous sont offertes » (6f2.2). Une DG de l’Ontario mentionne que le ministère de l’Éducation et le district scolaire offrent beaucoup de formations, ce qui favorise « la compréhension des programmes d’études » (5a2.1). À la question 2, 33 % (10/30) des DÉ5 et 24 % (17/71) des Autres participants indiquent que les formations offertes par le district scolaire soutiendraient les nouvelles directions à développer leurs compétences. Une DGA du Manitoba affirme qu’au district scolaire « c’est ce qu’on est en train d’essayer de développer, un nouveau programme de leadership » (4b2.1). Une DG du Québec avoue avoir fait reconnaître par son université un cours que son district offre : « On a ce qu’on appelle l’initiation à la fonction, où on leur [étudiants] parle de la loi… des services qu’on donne » (6a1.3). Concernant la mise en œuvre des CAP, une DÉ5 du Nouveau-Brunswick évoque que « le ministère offre de la formation là-dessus, le district en offre beaucoup, les agents pédagogiques accompagnent les écoles… ce qui nous aide beaucoup » (7f2.3). Finalement, une DÉ6+ des provinces de l’Ouest signale que dans son district « on a quand même des formations où on peut vraiment discuter de nos besoins entre nous » (3e1.1).

La Figure 3 montre que peu de participants de toutes les provinces ont cité ce contexte pour les deux questions.

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Figure 3. Nombre de participants ayant répondu aux questions 1 (acquis) et 2 (soutien) selon leur fonction et leur lieu de travail pour le contexte non formel 2 — FOR-DS

Contexte non formel 2 : axé sur les formations organisées par des organismes (FOR/ORG). À la première question, 15 % (4/27) des DÉ5 indiquent que les conférences et les formations offertes par le ministère de l’Éducation, l’association des directions d’école, des organismes publics les ont aidées à acquérir leurs compétences et 21 % (14/66) des Autres participants sont de cet avis. Une DÉ5 d’une province de l’Ouest mentionne avoir suivi des ateliers de leur association de langue anglaise : « On a eu des ateliers sur les aspects légaux de notre travail [offerts] par notre association, British Columbia Principals’ & Vice Principals’ Association » (1f2.2). Pour la deuxième question, 43 % (13/30) des DÉ5 et 37 % (26/71) des Autres participants affirment que les formations offertes par ces organismes pourraient soutenir les nouvelles directions. L’association professionnelle des directions a été identifiée comme pouvant organiser des ateliers selon les besoins exprimés par leurs membres. Un PrAss du Québec avance que des formations offertes en collaboration peuvent être aidantes : « les associations… connaissent bien l’essence même de ce travail, [mais il serait bien de travailler] en concertation avec les universités » (6c1.3).

La Figure 4 illustre que plus de DÉ5 des provinces de l’Ouest, de l’Est et du Québec, et les Autres participants du Manitoba et du Québec considèrent que les formations des organismes pourraient soutenir le développement des compétences des nouvelles directions qu’elle a aidé à développer leurs compétences.

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Figure 4. Nombre de participants ayant répondu aux questions 1 (acquis) et 2 (soutien) selon leur fonction et leur lieu de travail pour le contexte non formel 2 — FOR-ORG

Contexte de formation informel

Le contexte informel comprend trois sous-catégories. Le contexte informel 1 représente les échanges que les directions entretiennent informellement avec d’autres directions, des enseignants, des parents et des amis. Le contexte informel 2 regroupe plusieurs initiatives personnelles telles que les lectures, les recherches sur Internet, l’apprentissage par essais et erreurs ou sur le tas, l’autoanalyse, la participation bénévole à des activités dans la communauté, les voyages. Le contexte informel 3 fait référence aux années d’expérience en éducation comme enseignant, conseiller pédagogique, correcteur d’examens, etc.

Contexte informel 1 : axé sur les relations humaines (RH). À la première question, pour le contexte informel 1, 56 % (15/27) des DÉ5 croient que leurs collègues, parents et amis les ont aidées à acquérir leurs compétences et de ce nombre, 33 % (9/27) mentionnent leurs collègues de travail. Trente-huit pour cent (25/66) des Autres participants mentionnent que ce contexte a aidé les nouvelles directions. Une DG d’une province de l’Ouest souligne « [une] façon d’apprendre, c’est beaucoup entre eux et entre elles.… Des fois ce sont des appels, des amitiés, des alliances qui se sont créées » (2.a2.2). Une DÉ5 du Québec souligne l’importance du : « réseau de gens qui travaillent avec toi, donc les autres directions » (6.f2.6). Pour la deuxième question, 50 % (15/30) des DÉ5 et 47 % (33/71) des Autres participants considèrent que ce contexte pourrait soutenir les nouvelles directions. Plusieurs répondants évoquent que les nouvelles directions se sentent seules et que le réseautage peut s’avérer un moyen de les soutenir. Un PrAss de l’Ontario avoue : « nous on les encourage beaucoup à créer des réseaux, du réseautage à l’intérieur de la boite, créer des réseaux avec d’autres personnes à l’extérieur dans d’autres districts scolaires » (5c2.1). Le personnel enseignant semble jouer un rôle important pour une DÉ5 d’une province de l’Est : « je vais souvent consulter mon personnel » (9f1.3). Si les répondants sont moins nombreux à mentionner que les amis et les parents peuvent contribuer à soutenir les nouvelles directions, il demeure que le personnel des organismes communautaires est souvent nommé. Une DÉ6+ d’une province de l’Est affirme : « les sociétés culturelles, je sais qu’il y en a plusieurs au Nouveau-Brunswick, mais il y en a partout, dans toutes les provinces. Je pense qu’eux pourraient nous aider » (9e1.1).

La Figure 5 révèle que toutes les DÉ5 participantes des provinces de l’Ouest et du Nouveau-Brunswick considèrent que le contexte informel 1 les a aidées à acquérir leurs compétences. Plus des Autres participants du Manitoba, du Québec et des provinces de l’Est suggèrent que le contexte informel 1 pourrait aider les nouvelles directions qu’il ne l’a fait jusqu’à présent. Comparativement, plus des Autres participants de l’Ontario notent que ce contexte a davantage aidé les nouvelles directions qu’il les aidera à développer leurs compétences.

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Figure 5. Nombre de participants ayant répondu aux questions 1 (acquis) et 2 (soutien) selon leur fonction, leur lieu de travail pour le contexte informel — RH

Contexte informel 2 : axé sur les initiatives personnelles. Plus de 41 % (11/27) des DÉ5 et 21 % (14/66) des Autres participants considèrent que le contexte informel 2 a aidé les nouvelles directions à acquérir leurs compétences. Une DÉ6+ du Nouveau-Brunswick souligne que les compétences se développent sur le terrain : « Ils apprennent aussi beaucoup sur le tas » (7e2.2). Une DG du Québec affirme que les voyages peuvent aussi aider : « les jeunes d’aujourd’hui, ils se donnent facilement la possibilité d’arrêter pour un an d’études et aller en voyage » (6a1.3). Finalement, un PrAss du Québec résume l’importance de ce contexte pour se créer un réseau : « il y a 10 ans, j’ai dû apprendre en socioconstructivisme, donc sur le tas ! Et, j’ai appris parce que j’ai réussi à me créer… un réseau qui m’a supportée » (6c1.3). Une DÉ5 d’une province de l’Est soutient que le bénévolat dans la communauté acadienne l’a beaucoup aidée : « J’ai été avec la fédération acadienne, le conseil jeunesse acadien… je pense que ça aide beaucoup pour connaître le milieu et savoir interagir avec les gens » (9f1.1). À la deuxième question, 23 % (7/30) des DÉ5 et 13 % (9/71) des Autres participants croient que le contexte informel 2 pourrait soutenir les nouvelles directions. Une DÉ5 du Québec mentionne : « la lecture, il faudrait lire tout le temps » (6f1.5). Une DÉ6+ de l’Ontario avance qu’« il y a une partie de cela qui s’apprend sur le terrain » (5e2.4). Une DG des provinces de l’Est suggère que : « c’est plutôt du temps de réflexion sur leur pratique qu’ils ont vraiment besoin, pour voir ce qui ne va pas, au lieu d’aller s’asseoir à l’université » (10a2.1).

La Figure 6 montre que peu de participants citent ce contexte pour les deux questions. Plus de DÉ5 des provinces de l’Ouest et les Autres participants de l’Ontario croient que le contexte informel 2 a davantage aidé les nouvelles directions à développer leurs compétences qu’il les soutiendra.

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Figure 6. Nombre de participants ayant répondu aux questions 1 (acquis) et 2 (soutien) selon leur fonction et leur lieu de travail pour le contexte informel 2

Contexte informel 3 : axé sur l’expérience antérieure. Près de 74 % des DÉ5 (20/27) considèrent que le contexte informel 3 les a aidées à acquérir leurs compétences et 52 % (34/66) des Autres participants suggèrent que ce contexte les a aussi aidées. Une DÉ6+ de l’Ontario témoigne, « souvent, ce sont des personnes qui sortent de la salle de classe, donc elles sont pratiquement plus au courant que les directions que ça fait quelques années qui sont en poste » (5e2.7). Une DÉ5 de l’Ontario indique : « Les jeunes directions qui arrivent ont vécu des expériences, soit qu’elles ont passé par le conseil scolaire, le ministère, des organisations provinciales… les gens sont plus ferrés en termes de pédagogie » (5f2.5). Une DÉ5 des provinces de l’Ouest résume : « Je pense que quelque part, c’est l’expérience de vie comme enseignant en milieu minoritaire qui met l’esprit en éveil » (3f2.3). Pour la deuxième question, aucun participant n’a fait référence au contexte informel 3.

La Figure 7 montre que plusieurs participants de toutes les provinces croient que le contexte informel 3 a aidé les DÉ5 à développer leurs compétences.

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Figure 7. Nombre de participants ayant répondu aux questions 1 (acquis) et 2 (soutien) selon leur fonction, leur lieu de travail pour le contexte informel 3

ANALYSE ET CONCLUSION

Le Tableau 2 expose, par ordre décroissant, les trois contextes les plus mentionnés qui ont aidé et qui soutiendraient les nouvelles directions à développer leurs compétences selon les deux groupes de participants.

Selon le Tableau 2, pour la première question, les contextes informel 3 et formel constituent deux des trois contextes les plus cités par les nouvelles directions d’école les ayant aidés à développer leurs compétences. Plusieurs participants des deux groupes et de toutes les provinces considèrent que les années d’expérience en éducation (contexte informel 3) ont permis aux nouvelles directions de développer leurs compétences pour occuper un poste de direction. Ces résultats renforcent un des critères d’embauche exigé dans toutes les provinces : un nombre d’années requis comme enseignant avant d’occuper un poste de gestion d’école. Pour le contexte formel, plusieurs participants des deux groupes et de toutes les provinces le nomment comme un contexte ayant aidé les nouvelles directions à développer leurs compétences. Nos résultats corroborent en partie ceux de l’étude de Cattonar et coll. (2007) qui démontrent que 90 % des directions ont perçu comme étant utile à la formation antérieure et que celle-ci, en début de carrière, contribue à l’augmentation de leur sentiment de compétence. Pour la deuxième question, comparativement aux Autres participants, les DÉ5 ne citent pas le contexte formel parmi les trois premiers contextes pouvant les soutenir. Ce contexte arrive en quatrième position avec 40 %. D’ailleurs, IsaBelle et coll. (2008) indiquent que ce contexte est le moins apprécié par les nouvelles directions pour développer leurs compétences. Toutefois, au Québec, plusieurs Autres participants le citent ; or, neuf Autres participants sur 18 sont des professeurs d’université.

Tableau 2. Les trois contextes de formation les plus cités à la première et à la deuxième question selon les deux groupes de participants

Questions

DÉ5

Autres participants

1ère question
Acquis

informel 3 (74 %)

formel (64 %)

informel 1- RH (56 %)

informel 3 (52 %)

formel (56 %)

non formel 1 -RH/DS  (39 %)

2e question
Soutien

non formel 1- RH/DS (83 %)

non formel 1-RH/DS  (76 %)

informel 1- RH (50 %)

formel (56 %)

non formel 2- FOR/ORG (43 %)

informel 1-RH (47 %)

Même si le contexte informel 1 axé sur les relations humaines représente l'un des trois contextes le plus mentionné par les DÉ5 comme les ayant aidés à acquérir leurs compétences, il demeure qu’aucune DÉ5 du Manitoba et de l’Ontario ne l’a cité. Ce même contexte est aussi suggéré par les deux groupes comme l’un des trois contextes qui soutiendront les nouvelles directions. Sachant qu’il n’existe pas de programmes de formation universitaires francophones en administration scolaire dans deux regroupements (les provinces de l’Ouest et de l’Est), nous comprenons pourquoi des DÉ5 avouent développer leurs compétences en échangeant avec d’autres directions, les enseignants, des parents et amis. Dans plusieurs provinces, les DÉ5 mentionnent l’importance de discuter avec les parents et les gens de la communauté pour développer des compétences adaptées au contexte. Nos résultats expliquent en partie ceux de IsaBelle et coll. (2008) qui montrent que le contexte informel 1 est le plus apprécié par les directions de toutes les provinces à l’exception de celles des provinces de l’Est, pour développer leurs compétences.

Le contexte non-formel 1 — RH/DS, axé sur les relations humaines organisées par le district scolaire, constitue le contexte le plus mentionné par les DÉ5 et les Autres participants pour soutenir les nouvelles directions à développer leurs compétences. Si certaines DÉ5 se sentent très choyées d’avoir bénéficié de rencontres avec leur DG-DGA, elles sont plus nombreuses à croire que ce contexte les soutiendra pour développer leurs compétences. Toutes les DÉ5 des provinces de l’Ouest et de l’Ontario et tous les Autres participants des provinces de l’Est, du Manitoba et du Nouveau-Brunswick ont mentionné ce contexte. Ce contexte regroupe les activités personnalisées et organisées par le district scolaire, telles que le mentorat-coaching, les CAP, les échanges avec la direction générale, la surintendance et le conseiller pédagogique. Ils sont nombreux à croire que le district scolaire joue un rôle important dans la planification d’activités axées sur l’échange entre les nouvelles directions et des personnes ressources et dans l’organisation d’activités de groupe. Nos résultats tendent à corroborer ceux de Cattonar et coll. (2007) qui indiquent qu’une forte majorité des directions mentionnent avoir bénéficié de mesures de soutien et d’accompagnement reliées aux relations humaines telles que l’aide de leurs supérieurs, etc. Bref, les résultats suggèrent que les activités personnalisées axées sur les relations humaines réalisées par les districts scolaires semblent constituer des formules gagnantes pour développer les compétences des nouvelles directions plus que les formations préparées par les districts scolaires. Ce qui corrobore les écrits de Darling-Hammond et coll. (2007) concernant l’importance d’un mentorat offert par des professionnels et des directions chevronnées.

Le contexte non formel 2 — FOR/ORG constitue aussi pour les DÉ5 un des trois contextes pouvant soutenir leur compétence. Les DÉ5 soulignent l’apport de leur association professionnelle. D’ailleurs, plus de DÉ5 de toutes les provinces (sauf du Manitoba et du Nouveau-Brunswick) considèrent que les formations des organismes peuvent les soutenir dans le futur plus qu’elles ne l’ont fait jusqu’à présent.

Comme toutes recherches, la nôtre comporte des limites. Le nombre restreint de participants selon les fonctions par province nous a obligées de former des regroupements. De plus, les professeurs d’université, les DG des districts scolaires et les présidents des associations professionnelles avaient tendance à préconiser leur milieu de travail comme contexte de formation. Finalement, étant donné le contexte spécifique de chacune des provinces quant aux exigences pour occuper un poste de gestionnaire, une étude plus exhaustive pourrait être menée dans chacune d’elles afin d’opérationnaliser des programmes de formation qui siéent aux besoins locaux et à la culture locale (Walker et coll., 2013). Pour former les leaders scolaires, nous devons nous arrêter aux programmes de formation (Bush, 2013) et à la façon de renforcer la collaboration entre les différents organismes de formation, car nos résultats confirment l’importance de tous les contextes de formation pour favoriser le développement des compétences des nouvelles directions, ce qui corrobore les écrits de Werquin (2010).

Notes

  1. 1. Nous remercions le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) du Canada pour son appui financier.

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