CONTRER L’INTIMIDATION SCOLAIRE : PORTRAIT DES PLANS D’ACTION PANCANADIENS


L’
intimidation entre pairs existe depuis longtemps en milieu scolaire. La reconnaissance croissante de l’intimidation en classe, exacerbée par les comptes rendus médiatiques des incidents tragiques qui s’y produisent parfois incitent les membres de la collectivité et les autorités éducatives mondiales à joindre leurs efforts à la recherche de solutions efficaces pour contrer ce phénomène (Campbell, Spears, Slee, Butler et Kift, 2012 ; Rigby, Smith et Pepler, 2004 ; Swearer, Espelage, Vaillancourt et Hymel, 2010). Une étude de l’Organisation mondiale de la santé sur les comportements de santé des jeunes d’âge scolaire dans le monde a divulgué que le Canada se classe au milieu d’une liste de 35 pays en ce qui a trait au niveau de l’existence d’actes d’intimidation dans les écoles (Craig et Harel, 2004). Inversement, il faut noter que certains chercheurs (Barnes et coll. 2012 ; Garbarino et Strahilevitz, 2004) ont remarqué une difficulté à élaborer un portrait exact de la prévalence des actes d’intimidation dans le système scolaire. Pour expliquer cette difficulté, Garbarino (2004) a avancé l’hypothèse que le peu de recherche statistique à ce propos peut être dû, entre autres, à la difficulté associée à l’autoévaluation. Ces données mettent en évidence que le phénomène d’intimidation est suffisamment présent à l’école pour devenir un obstacle et nuire à l’apprentissage des élèves. Il convient ici de réaffirmer que le constat de gravité des incidents d’intimidation dans les écoles et du climat d’insécurité que ces incidents engendrent ont donné lieu à la mise en œuvre de nombreux programmes de prévention de la violence à l’école (Centre national de prévention du crime [CNPC], 2006).

C’est ainsi que le Canada a élaboré une stratégie nationale de prévention du crime pour développer, partager et appliquer, en collaboration avec ses partenaires, les connaissances sur des questions prioritaires. Les programmes de lutte contre l’intimidation à l’école sont une des priorités choisies par le Centre national de prévention du crime (CNPC, 2006), qui relève de Sécurité publique Canada, dans son Plan stratégique pour 2002-2003 à 2005-2006. Dans cette perspective, le CNPC a financé des groupes locaux, provinciaux et nationaux pour les aider à mettre sur pied des plans d’action visant à prévenir l’intimidation en milieu scolaire. Depuis une quinzaine d’années, tous les paliers gouvernementaux appliquent des programmes de sensibilisation à l’intimidation. À l’appui de cette affirmation, notons, entre autres, la Loi pour des écoles tolérantes, entrée en vigueur en 2012 en Ontario, qui précise la marche à suivre pour traiter de l’intimidation en milieu scolaire (Assemblée legislative de l’Ontario, 2012). Soulignons également la nouvelle Stratégie gouvernementale de mobilisation de la société québécoise afin de lutter contre l’intimidation et la violence à l’école (2008-2011) (Gouvernement du Québec, 2016).

Plusieurs études ont mis en relief le fait que la collaboration entre l’État, les écoles (personnel enseignant, personnel de soutien et direction), les parents, les élèves et les agences communautaires sont un gage de succès des stratégies d’intervention et de prévention de l’intimidation (Barnes et coll., 2012 ; Beran, Hughes et Lupart, 2008 ; Olweus, 1993 ; Rigby, 2008). En effet, les conclusions de nombreuses recherches ont dévoilé que la mobilisation des milieux scolaires dans leur ensemble est un facteur de succès de premier plan dans la tentative de réduction de l’intimidation dans les écoles (Olweus, 1993 ; Swearer, Espelage et Napolitano, 2009). Cross et coll. (2011) ont corroboré l’importance de porter une attention particulière à l’étude des politiques guidant les interventions scolaires.

La présente recherche s’insère dans la foulée des démarches nécessaires visant à bien comprendre le phénomène de l’intimidation au Canada et ainsi de mettre en lumière l’état de la situation. Cette recherche a pour objectif de permettre une meilleure compréhension de l’ensemble des stratégies mises en place pour assurer la sécurité dans les écoles et contrer l’intimidation. Dans un premier temps, on explore les éléments constitutifs des plans d’action et politiques canadiennes visant à prévenir et à traiter l’intimidation en milieu scolaire, et ce, par la consultation des documents officiels élaborés par chacun des provinces et territoires. Dans un deuxième temps, on cherche à savoir dans quelle mesure celles-ci tiennent compte des éléments constitutifs en matière de conception, de mise en œuvre et d’évaluation des plans d’action de lutte contre l’intimidation en milieu scolaire, tels qu’identifiés par les spécialistes du Canada et d’ailleurs. Les résultats contribueront sans doute à soutenir et accompagner les efforts déjà mis en place pour prévenir et traiter de l’intimidation dans les écoles.

CADRE THÉORIQUE

Concept d’intimidation

Dans le but de définir le concept d’intimidation en milieu scolaire, il importe dans un premier temps de décrire les dimensions constituantes de ce phénomène en débutant par sa définition. Par la suite, les diverses formes d’intimidation suivies de leurs effets à court et à long terme autant chez les enfants victimes que chez les enfants intimidateurs sont décrites. Les éléments constitutifs de plans d’action de lutte contre l’intimidation sont également traités.

Caractéristiques de l’intimidation. Les caractéristiques spécifiques de l’intimidation font l’objet de débat auprès de la communauté scientifique. Selon une perspective psychoéducative, l’intimidation comporte des actes répétitifs, augmentant en agressivité, lesquels impliquent un rapport de force exercé envers une personne victime de l’acte (Haineault et Carrière, 2012). Pour sa part, Hébert (2011), expert en travail social, a élargi le sens de l’intimidation en affirmant que ce phénomène peut se produire entre élèves, entre élèves-enseignants et enseignants-élèves. Il considère que l’intimidation comporte des actions verbales ou psychologiques qui entrainent une perception d’infériorité chez la personne ciblée par ces actions. En ce qui a trait au domaine de l’éducation, certains auteurs perçoivent l’intimidation comme étant un comportement agressif sur un continuum progressif de comportements violents (Smith, Smith, Osborne et Samara, 2008 ; Swearer, Limber et Alley, 2009). Olweus (1993) a souligné que l’intimidation cible une victime en particulier et vise à la priver délibérément du contrôle qu’elle pense exercer sur la situation, ou à lui faire intentionnellement du mal. Pour sa part, Rigby (2008) considère l’intimidation dans un sens plus large, en précisant qu’il s’agit d’un abus de pouvoir au sein de relations interpersonnelles. D’autres chercheurs font une distinction entre l’intimidation et les autres formes de comportements violents en postulant que l’intimidation est un acte non provoqué, persistant, qui incorpore un déséquilibre de pouvoir quelconque entre l’individu qui commet l’acte d’intimidation et celui qui en est victime (Campbell et coll. 2012 ; Swearer, Limber et coll., 2009). Plusieurs auteurs (Coloroso, 2008 ; Rigby, 2008) ont souligné que le même comportement, lorsqu’il se manifeste de façon imprévue, ou en réaction à une situation, n’est pas considéré comme étant une forme d’intimidation. De plus, on attribue souvent un sens rapproché ou identique aux notions de harcèlement et d’intimidation. Or, maintes recherches théoriques et pragmatiques ont postulé que le harcèlement et l’intimidation représentent deux marques indépendantes sur un continuum de comportements violents (Swearer, Limber et coll., 2009).

Aux fins de cette recherche, retenons que l’intimidation comporte diverses situations se produisant dans une relation entre une personne dominante et un sujet ou un groupe moins dominant, pouvant être les suivantes : un déséquilibre dans le rapport de force (réel ou perçu) qui se manifeste par des actes agressifs, d’ordre physique ou psychologique (y compris verbal ou social) ; une interaction négative directe (affrontement) ou indirecte (commérage, exclusion) ; une mauvaise action faite dans l’intention de nuire ; les actions négatives se répètent et leur intensité ou leur durée confirme la domination exercée sur la victime.

Types d’intimidation. Il existe plusieurs types d’intimidation (CNPC, 2006 ; ministère de l’Éducation de l’Ontario [MÉO], 2009 ; Smith et coll., 2008) notamment : l’intimidation physique (frapper ou bousculer) ; l’intimidation verbale (insulter ou abaisser) ; intimidation dans les fréquentations amoureuses (commettre des actes physiques ou verbaux contre la victime) ; l’intimidation psychologique (injurier ou faire des commentaires négatifs) ; l’intimidation fondée sur l’appartenance ethnoculturelle (utiliser des propos malveillants au sujet de l’appartenance ethnoculturelle) ; l’intimidation à caractère sexuel (tenir des propos sarcastiques d’ordre sexuel, poser des gestes sexuels inappropriés, formuler des commentaires homophobes) ; intimidation sociale (exclure quelqu’un d’un groupe social, répandre des rumeurs à son propos) ; intimidation en raison de croyances religieuses (commettre intentionnellement des bévues d’ordre religieuses ou culturelles contre quelqu’un) ; l’intimidation en raison de statut économique (faire des propos négatifs au sujet de la situation financière de quelqu’un) ; et l’intimidation cybernétique (utilisation de technologie ou de médias sociaux pour intimider).

Les effets de l’intimidation. Selon plusieurs auteurs (Campbell et coll., 2012 ; Cross et coll., 2011 ; Rigby, 2008), l’intimidation ne commence ni ne finit à l’école. Ce comportement persiste en dehors de l’école, et ce, en raison d’un manque d’interventions appropriées. Les effets de l’intimidation peuvent se prolonger sur une longue période de temps, et ce, autant pour les intimidateurs que pour leurs victimes (Coloroso, 2008 ; Marini et Dane, 2008). De plus, on associe l’intimidation pendant l’enfance à un comportement antisocial dans le futur et à l’activité criminelle à l’adolescence et à l’âge adulte. On précise que les torts psychologiques causés autant aux victimes, qu’aux intimidateurs, qu’aux témoins de l’intimidation, peuvent durer jusqu’à l’âge adulte, et ce, sous forme de problèmes d’extériorisation, de tendance à l’agressivité et de dépression (Lake, 2004 ; Lynch, 2004 ; Rigby, 2003).

Les enfants intimidateurs. Selon plusieurs auteurs, lorsqu’un enfant intimide les autres, il est susceptible de souffrir de problèmes psychologiques incluant les troubles de conduite, une tendance à l’agressivité et des symptômes occasionnels de dépression (Artz et Nicholson, 2002 ; Harris, Petrie et Willoughby, 2002). Ces comportements d’intimidation peuvent persister tout au long de la vie en l’absence d’intervention appropriée (Rigby, Smith et Pepler, 2004). En effet, abandonné à lui-même, l’enfant qui démontre un comportement intimidateur en bas âge montrera probablement ce même genre de comportement pouvant mener au harcèlement sexuel, à la délinquance, et aux activités liées au phénomène de gangs ou à la violence dans les relations amoureuses (Coloroso, 2008 ; Lake, 2004). Devenus adultes, ces comportements peuvent se transformer en harcèlement en milieu de travail ou en violence à l’endroit d’un conjoint, d’un enfant ou d’une personne âgée (Lutgen-Sandvik, Tracy et Alberts, 2007 ; Rigby, 2003).

Les enfants victimisés. Le caractère répétitif de l’intimidation fait en sorte que les effets deviennent très traumatisants et durables pour la victime. Selon les auteurs consultés (Campbell et coll., 2012 ; Coloroso, 2008 ; Merrell, Gueldner, Ross et Isava, 2008 ; Rigby, 2008 ; Swearer et coll., 2010) les enfants victimisés ont éprouvé de la dépression, de l’anxiété, de la perte d’estime de soi. À l’occasion, on constate parfois l’apparition de comportements agressifs. Mentionnons également : les maux de tête, les maux d’estomac, l’absentéisme à l’école et, dans des cas extrêmes, le suicide. Lorsque non traités, ces effets peuvent, à l’âge adulte, se transformer en détresse permanente, notamment en sentiments de culpabilité, de peur ou en problèmes d’intériorisation comme la dépression (Campbell et coll., 2012 ; Coloroso, 2008 ; Haynie et coll., 2001 ; Smith, 2000).

Les critères d’analyse de plans d’action de lutte contre l’intimidation

Plusieurs éléments peuvent influencer l’efficacité des politiques contre l’intimidation. Un consensus semble se dégager dans les écrits à l’effet qu’une politique idéale devrait tracer les grandes lignes des rôles et des responsabilités de chacun, indiquer aux élèves et aux membres du personnel la marche à suivre pour rendre compte d’un incident d’intimidation, prescrire un code de conduite pour les élèves, indiquer la procédure d’intervention, exposer les conséquences de l’intimidation et préciser certaines conséquences formatrices qui pourraient s’adapter selon les particularités de chaque incident (Cross et coll., 2011 ; Daniel et Bondy, 2008 ; Marini et Dane, 2008 ; Merrell, Gueldner, Ross et Isava, 2008 ; Smith et coll., 2008). Les conséquences formatrices permettent en effet aux auteurs d’actes d’intimidation d’apprendre à interagir de façon plus positive avec autrui et de réparer le tort causé à leurs victimes.

Selon certains auteurs, la mise en œuvre réussie d’une politique globale visant l’école dans son ensemble a exigé du leadership de la part du directeur et le soutien des enseignants, des élèves et des parents (Coloroso, 2008 ; Marini et Dane, 2008 ; Olweus, 1993). L’élaboration d’une telle politique se fait généralement en quatre étapes ; la première consiste à évaluer les besoins de l’école, chose que l’on peut faire en analysant le climat scolaire ou en utilisant des sondages anonymes (MÉO, 2009). La deuxième concerne l’élaboration d’une politique de concert avec les principaux intervenants. La troisième représente la mise en œuvre de la politique dans l’école. La dernière, enfin, évalue l’efficacité de la politique appliquée (Pellegrini, 2002 ; Swearer, Espelage et coll., 2009). Le cycle doit se répéter chaque fois que de nouvelles problématiques sont identifiées.

QUESTIONS DE RECHERCHE

L’objectif de la présente recherche est de répondre aux questions suivantes :

1. Quelle est la nature des plans d’action canadiens visant à prévenir et à traiter l’intimidation en milieu scolaire ?

2. Dans quelle mesure ces politiques officielles tiennent-elles compte des éléments constitutifs en matière de conception, de mise en œuvre et d’évaluation de plans d’action de lutte contre l’intimidation en milieu scolaire, tels qu’identifiés par les spécialistes du Canada et d’ailleurs ?

Méthodologie

Le recours à la méthode de recherche exploratoire s’est avéré la démarche la plus appropriée pour déterminer les éléments constitutifs des plans d’action canadiens visant à contrer l’intimidation dans le milieu scolaire. Rappelons ici que cette méthode d’investigation ne se fonde pas sur des hypothèses, mais implique une démarche consistant à étudier une question dans le but d’en explorer les diverses composantes permettant de mieux définir le phénomène étudié. La recherche exploratoire fournit essentiellement des données d’ordre qualitatif. Une caractéristique de ce type de recherche est de permettre, entre autres, de recueillir des réactions premières sur une façon de faire, par exemple. De plus, la recherche exploratoire donne des résultats d’ordre qualitatif et indicatif à partir d’un petit nombre de répondants (Colbert, 2005).

À la lumière des questions de recherche, le premier stade de cette étude a consisté à repérer et à passer en revue les politiques officielles de prévention de l’intimidation à l’école dans les provinces et territoires du Canada. Le deuxième stade fut d’analyser dans le détail le contenu de ces politiques dans une perspective pancanadienne, selon les critères les plus communément admis par la recherche en prévention et en intervention auprès de l’intimidation.

Procédure

Au Canada, l’éducation est de juridiction provinciale. La gestion de ce secteur repose entre les mains d’autorités gouvernementales aux noms divers selon la province ou le territoire : conseil scolaire, commission scolaire, division scolaire, autorité scolaire, etc. Dans cette étude, par souci de constance, nous utilisons le terme « conseil scolaire ».

Dans une certaine mesure, chaque province et territoire du Canada possède une politique de lutte contre l’intimidation. Ces politiques furent repérées en consultant pendant l’année scolaire 2008-2009 les sites Internet des ministères de l’Éducation des provinces et des territoires. Cette opération a permis d’extraire le contenu de la politique gouvernementale officielle portant sur la prévention et l’intervention de l’intimidation, y compris les documents à l’appui, des provinces et des territoires, dont la liste complète se retrouve en annexe de cet article. Seul le territoire du Nunavut fut exclu, faute de documentation suffisante pour permettre une analyse rigoureuse et fondée de l’approche territoriale préconisée en matière d’intimidation. Tous les documents provinciaux et territoriaux recueillis ont été analysés afin de mesurer leur niveau de concordance de contenu avec les éléments constitutifs de l’intervention et de la prévention de l’intimidation dans les écoles du Canada. Soulignons que la spécificité du contenu des politiques et plans d’action pour chaque province et territoire canadiens a été publiée antérieurement (Beaudoin et Roberge, 2013).

Instrumentation

En combinant une grille d’analyse de contenu (Smith et coll., 2008) avec l’examen des résultats de recherches antérieures dans le domaine de la prévention de l’intimidation en milieu scolaire (au Canada et ailleurs), un instrument de mesure capable de faire ressortir les différents éléments constitutifs des politiques de lutte contre l’intimidation dans les écoles a été créé.

Cette première démarche a permis d’élaborer une grille d’analyse de contenu de 36 items répartis selon quatre sections. La section A regroupe 12 items concernant la définition des comportements intimidateurs ; la section B, 11 items traitant du signalement et des réactions aux incidents d’intimidation ; la section C, 5 items liés à la documentation des cas d’intimidation, à la communication et à l’évaluation de la politique ; et la section D, 8 items relevant des stratégies de prévention de l’intimidation.

Certaines modifications furent apportées à la grille afin de la rendre plus pertinente au contexte canadien. En premier lieu, dans la section A, l’item concernant le vol de matériel fut rejeté, car ce phénomène relève plutôt de l’extorsion que de l’intimidation au Canada. Deux items furent également ajoutés, à savoir le 11e, qui suggère l’intimidation pour cause de handicap physique ou mental et le 12e qui mentionne l’intimidation en raison des croyances religieuses. Ces items renvoient à des dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés, un document légal énumérant les droits civils et politiques des citoyens canadiens. Il est apparu essentiel d’ajouter ces deux items à la grille d’analyse pour bien rendre compte de la réalité canadienne. La section B n’a subi aucun changement. En ce qui a trait à la section C, un item exigeant que les termes « intimidation » ou « harcèlement entre élèves » figurent dans le titre de la politique fut ajouté, car l’examen minutieux des politiques officielles a révélé plusieurs cas de politique au titre ambigu et portant à confusion quant à la nature et la fonction du document. Dans la section D, deux items furent ajoutés, à savoir le 7e, qui demande que la politique comprenne une formation pour contrer l’intimidation destinée aux parents et aux autres adultes qui interagissent avec les élèves, et le 8e qui concerne une formation destinée aux élèves. Tous ces items furent insérés pour refléter le mieux possible les résultats des recherches menées au Canada sur les politiques antiintimidation et suggérant l’importance de former à la fois les individus impliqués dans les incidents d’intimidation et les intervenants (Beran et coll., 2008 ; Daniel et Bondy, 2008).

Qualités métriques de l’instrument d’analyse

Fiabilité de l’instrument. Les chercheuses ont analysé séparément, c’est-à-dire chacune de leur côté, les politiques canadiennes contre l’intimidation en milieu scolaire. Le coefficient Kappa de Cohen, qui traduit un niveau d’accord élevé lorsque sa valeur est proche de 1 : κ = (PA  PH) / (1  PH) a servi à déterminer le degré d’accord entre les juges. Au terme des analyses individuelles de tous les documents à l’aide de la grille présentée ci-dessus, chaque élément sur lequel il y avait désaccord a été discuté. Les 36 éléments des quatre sections furent classés de la même manière par les deux chercheuses, ce qui traduit un degré d’accord de 100 %, ou un Kappa de 1.

La cohérence interne. L’évaluation de l’homogénéité ou cohérence interne de la grille d’analyse utilisée a été réalisée en calculant le coefficient alpha de Cronbach ou, en présence d’items dichotomiques (présence ou absence), celui de Kunder-Richardson. En validant la grille, Smith et coll. (2008) avaient calculé un coefficient de ,76 pour l’instrument dans sa totalité. Le coefficient de Cronbach était de ,69 à la première section, « Définition de comportements intimidateurs » ; ,64 pour la seconde section, « Signalement et réactions aux incidents d’intimidation » ; ,68 pour la troisième section, « Documentation d’intimidation, communication et évaluation de la politique » et ,32 pour la quatrième section, « Stratégies de prévention de l’intimidation ».

RÉSULTATS

Le calcul du degré de concordance entre les politiques et plans d’action élaborés et les éléments constitutifs représentés par les 36 items de la grille d’analyse de contenu ont fourni les données permettant de déterminer les forces et les limites de ces politiques. Cette démarche consistait à attribuer la note 1 chaque fois que la politique mentionnait un des 36 items de la grille. Lorsqu’un item de la grille ne figurait pas dans la politique, la note 0 fut inscrite. En calculant le nombre de fois qu’apparaissait chacun des items, les chercheuses ont ainsi tenté de déterminer le degré de concordance globale de chaque politique, et ce, pour chaque section.

Présentation des résultats de l’ensemble des plans d’action et politiques canadiens

Les tableaux 1-4 indiquent la moyenne de chacune des quatre sections (A, B, C, D) pour le contenu de l’ensemble des plans d’action canadiens et le pourcentage de mention de chacun des 36 items dans les plans d’action des provinces et des territoires canadiens. Il importe de souligner que, selon le cadre d’interprétation de Smith et coll. (2008), il est considéré qu’un item avait une forte concordance s’il figurait dans plus de 95 % des politiques, une concordance moyenne s’il figurait dans 50 à 94 % des politiques et une faible concordance s’il figurait dans moins de 50 % des politiques.

Présentation des résultats de l’ensemble des politiques et plans d’action canadiens pour la catégorie A : définition de comportements intimidateurs. Le degré de concordance de contenu propice à contrer l’intimidation scolaire retrouvé dans les politiques gouvernementales étudiées révèle des taux élevés d’éléments constitutifs (voir le Tableau 1). En effet, 11 provinces ou territoires (91,7 %) définissent l’intimidation en spécifiant en quoi elle se distingue d’autres formes de comportements agressifs. De plus, il est à noter que tous les plans d’action (100 %) mentionnent l’intimidation physique, verbale, sociale et sexuelle. L’intimidation raciale, fondée sur l’appartenance ethnoculturelle, figure dans les plans d’action de 11 provinces et territoires (91,7 %), tandis que l’intimidation cybernétique et l’intimidation reliée aux croyances religieuses sont mentionnées par 10 provinces et territoires (83,3 %). Par la suite, l’homophobie et l’intimidation reliée aux handicaps mentaux ou physiques apparaissent chez neuf provinces et territoires (75 %). Enfin, l’item le moins fréquemment mentionné est l’intimidation possible entre le personnel enseignant et les élèves ou vice versa, dont sept provinces et territoires font mention (58,3 %).

Tableau 1. Degré de concordance entre les politiques et plans d’action élaborés et les éléments constitutifs représentés par section A (définition de comportements intimidateurs) de la grille d’analyse de contenu

Catégorie / Critère

Nombre de politiques qui mentionnent l’item (= 12)

Moyenne

%

Moyenne

Écart-type

10,5

(1,6)

,88

(,13)

87,5

(13,1)

1. La politique définit l’intimidation.

11

,92

91,7

2. La définition précise que l’intimidation se distingue d’autres formes de comportements agressifs.

11

,92

91,7

3. La définition mentionne l’intimidation physique (frapper, donner des coups de pied, etc.).

12

1

100

4. La définition mentionne l’intimidation verbale directe (menaces, injures, taquineries méchantes, etc.).

12

1

100

5. La définition mentionne l’intimidation sociale (rumeurs, exclusion sociale, etc.).

12

1

100

6. La définition mentionne l’intimidation cybernétique (par courriel, par texto, etc.).

10

,83

83,3

7. La définition mentionne l’intimidation homophobe.

9

,75

75

8. La définition mentionne l’intimidation raciale (ou le harcèlement).

11

,92

91,7

9. La définition mentionne l’intimidation sexuelle (ou le harcèlement).

12

1

100

10. La définition mentionne l’intimidation possible entre enseignant(e) -élève, ou vice versa.

7

,58

58,3

11. La définition mentionne l’intimidation reliée aux handicaps mentaux ou physiques.

9

,75

75,0

12. La définition mentionne l’intimidation reliée aux croyances religieuses.

10

,83

83,3

Présentation des résultats de l’ensemble des politiques et plans d’action canadiens pour la catégorie B : signalement et réaction aux incidents d’intimidation. Cette catégorie présente le plus haut degré de concordance entre les plans d’action élaborés par les territoires et provinces et les éléments constitutifs représentés par les items de la grille d’analyse (voir le Tableaux 2). À l’évidence, tous les plans d’action (100 %) indiquent la manière avec laquelle le personnel enseignant devrait réagir à un rapport d’intimidation. Elles mentionnent clairement la responsabilité des autres employés s’ils savent qu’il y a de l’intimidation. Les politiques précisent aussi que les conséquences d’un acte d’intimidation peuvent varier. Elles discutent également d’un plan d’action si un comportement d’intimidation persiste. De plus, elles mentionnent la façon d’appuyer la victime et suggèrent des moyens d’aider les intimidateurs à changer leur comportement. En outre, 11 plans d’action (91,7 %) indiquent la façon avec laquelle devrait réagir une victime d’intimidation et mentionnent si, quand et comment les parents en seront informés. Dix provinces et territoires (83 %) indiquent spécifiquement les responsabilités des parents s’ils savent que des actes d’intimidation ont cours. En dernier lieu, neuf provinces et territoires (75 %) font clairement état des responsabilités incombant aux autres élèves (observateurs neutres) en cas d’intimidation et stipulent qu’un suivi doit être fait pour vérifier si les mesures prises ont été efficaces (processus de médiation).

Tableau 2. Degré de concordance entre les politiques et plans d’action élaborés et les éléments constitutifs représentés par section B (Signalement et réaction aux incidents d’intimidation) de la grille d’analyse de contenu

Catégorie / Critère

Nombre de politiques qui mentionnent l’item (n = 12)

Moyenne

%

Moyenne

Écart-type

11,1

(1,2)

,92

(,10)

92,4

(10,2)

1. La politique indique comment devrait réagir un(e) victime d’intimidation (p. ex., le signaler à un(e) enseignant(e) (l’item doit être clairement associé aux élèves victimes d’intimidation).

11

,92

91,7

2. La politique indique comment le personnel enseignant devrait réagir à un rapport d’intimidation (l’item doit spécifiquement mentionner « intimidation » et être plus précis que « réagir immédiatement »).

12

1

100

3. La politique mentionne clairement la responsabilité des autres employés (aides-enseignant(e)s, surveillants du diner, etc.) s’ils savent que de l’intimidation a cours (l’item doit dire plus que simplement « tout le personnel »).

12

1

100

4. La politique mentionne spécifiquement les responsabilités des parents s’ils savent que de l’intimidation a cours ; cela comprend aussi le fait de savoir que leur enfant a un défi de comportement ou intimide les autres.

10

,83

83,3

5. La politique mentionne clairement les responsabilités des autres élèves (p. ex., les observateurs neutres) s’ils savent que de l’intimidation a cours.

9

,75

75

6. La politique indique si les conséquences d’un acte d’intimidation peuvent varier (p. ex., une variation selon le type ou la gravité de la situation, un processus de médiation).

12

1

100

7. La politique mentionne un suivi pour vérifier si les mesures prises en conséquence ont été efficaces (processus de médiation).

9

,75

75

8. La politique discute d’un plan d’action si un comportement d’intimidation persiste (processus de médiation).

12

1

100

9. La politique suggère comment appuyer la victime (au-delà de « nous appuierons la victime », processus de médiation).

12

1

100

10. La politique suggère des moyens autres que la coercition pour aider les intimidateurs à changer leur comportement (au-delà de « nous appuierons… », processus de médiation).

12

1

100

11. La politique mentionne si, quand et comment les parents seront informés (« Les parents seront informés… » est acceptable si on se réfère clairement à l’intimidation).

11

,92

91,7

Présentation des résultats de l’ensemble des politiques et plans d’action canadiens pour la catégorie C : documentation d’intimidation, communication et évaluation de la démarche. Cette catégorie offre un fort degré de concordance entre les politiques gouvernementales et les éléments constitutifs pour contrer l’intimidation en milieu scolaire (voir le Tableau 3). En premier lieu, tous les plans d’action (100 %) indiquent que les incidents d’intimidation seront documentés et prévoient faire l’objet de mises à jour et de révisions périodiques. Onze politiques (91,7 %) indiquent la personne responsable de la mise à jour du système de documentation et 10 provinces et territoires (83 %) démontrent comment les données ou les résultats de sondages serviront à évaluer l’efficacité des interventions. En dernier lieu, neuf provinces et territoires (75 %) mentionnent les mots « intimidation » ou « harcèlement » dans le titre de la politique ou du plan d’action.

Tableau 3. Degré de concordance entre les politiques et plans d’action élaborés et les éléments constitutifs représentés par section C (Documentation portant sur l’intimidation, la communication et l’évaluation de la politique) de la grille d’analyse de contenu

Catégorie / Critère

Nombre de politiques qui mentionnent l’item (= 12)

Moyenne

%

Moyenne

Écart-type

10,8

(1,3)

,90

(,11)

90,0

(10,9)

1. La politique indique que les incidents d’intimidation seront documentés.

12

1

100

2. La politique indique qui sera responsable de mettre à jour le système de documentation.

11

,92

91,7

3. La politique démontre la façon d’utiliser les données ou les résultats de sondages afin de déterminer si les interventions sont efficaces.

10

,83

83,3

4. La politique prévoit la mise à jour et la révision périodique des politiques.

12

1

100

5. Les expressions « intimidation », « taxage » ou « harcèlement élève-élève » figurent dans l’intitulé de la politique.

9

,75

75

 

Présentation des résultats de l’ensemble des politiques et plans d’action canadiens pour la catégorie D : stratégies de prévention de l’intimidation. Le plus faible degré de concordance entre les plans d’action et les éléments constitutifs inclus dans la grille d’analyse se retrouve dans cette catégorie (voir le Tableau 4). Dans un premier temps, soulignons que toutes les politiques (100 %) mentionnent l’encouragement et la valorisation de comportements positifs, l’amélioration du climat scolaire, ou la création d’un climat scolaire sécuritaire. On observe également que 10 provinces et territoires (83 %) font état de facteurs de diversité. Ces facteurs comprennent entre autres des individus ne parlant pas français ou anglais, les élèves ayant des besoins spéciaux, etc. Ces politiques mentionnent également une formation destinée aux élèves pour contrer l’intimidation. De plus, neuf provinces et territoires (75 %) discutent de questions générales d’appui de la part des pairs, des conseils à donner aux parents par rapport à l’intimidation, du rôle préventif des activités sur la cour d’école ou des supervisions à l’heure du diner. On mentionne également l’intimidation en allant vers ou en retournant de l’école et soit hors du contexte scolaire. Par ailleurs, sept provinces et territoires (58,3 %) comptent une formation pour contrer l’intimidation destinée aux parents et tuteurs, aux employés et aux autres adultes qui interagissent avec les élèves.

Tableau 4. Degré de concordance entre les politiques et plans d’action élaborés et les éléments constitutifs représentés par section D (Stratégies de prévention de l’intimidation) de la grille d’analyse de contenu

Catégorie / Critère

Nombre de politiques qui mentionnent l’item (= 12)

Moyenne

%

Moyenne

Écart-type

9,4

(1,4)

,78

(,12)

78,1

(11,7)

1. La politique mentionne l’encouragement ou la valorisation des comportements positifs, l’amélioration du climat scolaire ou la création d’un climat scolaire sécuritaire.

12

1

100

2. La politique discute de questions générales d’appui de la part des pairs (en allant plus loin qu’à l’item B5).

9

,75

75

3. La politique discute de conseils aux parents par rapport à l’intimidation (en allant plus loin qu’à l’item B4).

9

,75

75

4. La politique mentionne le rôle préventif des activités sur la cour d’école ou des superviseurs à l’heure du diner.

9

,75

75

5. La politique mentionne des facteurs de diversité (individus ne parlant pas le français ou l’anglais, élèves ayant des besoins spéciaux, etc.)

10

,83

83,3

6. La politique mentionne l’intimidation en venant vers ou en retournant de l’école, ou hors du contexte scolaire.

9

,75

75

7. La politique compte une formation contre l’intimidation à l’intention des parents ou tuteurs, des employés et des autres adultes qui interagissent avec les élèves.

7

,58

58,3

8. La politique compte une formation contre l’intimidation à l’intention des élèves.

10

,83

83,3

 

DISCUSSION ET CONCLUSION

L’analyse descriptive des données issues de cette enquête a permis de poser un certain nombre de constats autant en ce qui a trait à la nature des politiques et plans d’action canadiennes qu’au degré d’adéquation aux éléments constitutifs représentés dans la grille d’analyse de contenu utilisée.

En se référant à la nature des politiques et plans d’action, les résultats de la première démarche a mis en évidence que les propositions dans ce domaine sont variées. En effet, il peut s’agir d’une politique officielle se présentant sous forme d’article d’une loi sur l’éducation, établie par l’autorité gouvernementale d’une province ou d’un territoire, imposée à toutes les instances scolaires de sa juridiction. Dans certaines provinces et certains territoires, il s’agit non pas d’une politique, mais d’un plan provincial global, ou d’un guide, proposé par le ministère ou le département d’une province ou d’un territoire, à l’ensemble des conseils scolaires et des écoles de sa juridiction. On propose alors aux écoles ou aux conseils scolaires de formuler un énoncé qui définit un terrain d’entente pour le personnel, les parents et les élèves, et qui transmet une vision unifiée d’une école exempte d’intimidation. Cet énoncé propose les grandes lignes de l’engagement, de l’école ou du conseil scolaire, relativement à la prévention de l’intimidation, grandes lignes qui peuvent être incorporées ou non dans un énoncé de mission d’école existant, un code de conduite ou un plan de comportement. On parle alors de plans d’action ayant le sens d’une proposition, d’une suggestion et non d’une politique ou d’une loi.

Pour ce qui est de la deuxième étape de la recherche qui a consisté à faire ressortir la concordance de ces politiques avec les éléments constitutifs en matière de conception, de mise en œuvre et d’évaluation de plans d’action de lutte contre l’intimidation, les documents analysés à cette étape démontrent que ce degré de concordance varie d’une catégorie à l’autre, et ce, en regard des 36 items de la grille d’analyse de contenu. En effet, les taux de concordance des politiques sont plus élevés dans la catégorie B, liée au signalement et à la réaction aux incidents d’intimidation, qui sont mentionnés dans 92 % des politiques. Également, la catégorie C, liée à la documentation d’intimidation, communication et évaluation des politiques, est mentionnée dans 90 % des politiques. Ceci suggère qu’une importance significative est accordée à la réaction et aux démarches de suivi lorsque l’intimidation se produit et met en évidence un souci marqué de bien réagir pour que cesse l’intimidation dans l’immédiat.

À la lumière de cette deuxième étape, tout semble indiquer que les éléments constitutifs liés à la catégorie D (Stratégies de prévention de l’intimidation) présentent le plus faible degré d’adéquation aux éléments constitutifs. Soulignons plus particulièrement les items en regard : du développement de façons de faire, de la part des paires, pour appuyer la victime, allant plus loin que l’observation neutre ; de traiter, dans ces programmes, de conseils pour les parents par rapport à l’intimidation allant plus loin que de savoir que leur enfant a un défi de comportement ou intimide les autres élèves ; de préciser le rôle préventif d’activités dans la cour d’école ou des supervisions à l’heure du diner ; d’examiner, dans un tel programme, de différents aspects de l’intimidation en venant vers ou en retournant de l’école, soit en dehors du contexte scolaire et plus particulièrement, le besoin d’y inclure une formation contre l’intimidation à l’intention des parents ou tuteurs, des employés et des autres adultes qui interagissent avec les élèves.

Par conséquent, il convient de souligner qu’une attention particulière accrue en ce qui a trait au développement et à la mise en œuvre de stratégies de prévention de l’intimidation serait un atout important à la création et au maintien d’un climat de bienveillance dans l’école. Bien qu’on soit porté à croire que les plans d’action de développement et d’implantation de politiques de lutte contre l’intimidation font diminuer les taux d’intimidation entre pairs dans les écoles, Woods et Wolke (2003) ont rapporté pourtant une faible corrélation entre la qualité d’une politique et le taux réel d’intimidation ayant cours dans les milieux scolaires étudiés. Pour leur part, Glover, Cartwright, Gough et Johnson (1998) ont découvert que la présence d’une politique de prévention de l’intimidation avait des contrecoups sur le climat scolaire. À l’appui, plusieurs auteurs (Barnes et coll., 2012 ; Daniel et Bondy, 2008 ; Martinez, 2009 ; Swearer, Limber et coll., 2009) ont souligné qu’il n’est pas suffisant d’élaborer une politique d’intervention et de prévention de l’intimidation bien articulée. Afin d’être efficace, une politique doit être accompagnée d’un partenariat entre parents et membres de la communauté et d’une évaluation et d’un suivi de l’efficacité des plans d’action découlant de la politique. On ne peut donc faire autrement que constater que le fait d’élaborer une politique visant à contrer l’intimidation n’entraine pas automatiquement une diminution des taux d’intimidation dans les écoles.

Comme limite de la recherche, précisons que l’analyse effectuée dans cette étude porte sur les politiques et plans d’action développés au niveau provincial laissant aux conseils scolaires la flexibilité de les adapter pour convenir à leur milieu respectif. De ce fait, il serait pertinent de se pencher davantage sur les éléments qui contribuent à l’émergence et au maintien du phénomène de l’intimidation ou, à l’opposé, à la réduction de celui-ci en examinant les liens entre environnement scolaire et intimidation.

De plus, une analyse des actions entreprises par les instances scolaires de chaque province et territoire éclairerait davantage sur le type de stratégies de prévention de l’intimidation et d’intervention lorsque se produisent des actes d’intimidation. De plus, une étude d’impact des plans d’action permettant de traiter et de prévenir l’intimidation démontrerait vraisemblablement si la qualité d’une politique réduit les taux d’intimidation dans les écoles. Il s’impose de mener des recherches supplémentaires en considérant les politiques de façon pragmatique pour vérifier si la présence d’une politique a comme corolaire l’amélioration du climat scolaire. Ces questions seront traitées dans une recherche ultérieure.

Les constatations présentées dans cette étude témoignent de la détermination des ministères de l’Éducation des provinces et des territoires canadiens à soutenir et accompagner les réseaux scolaires dans leurs efforts pour prévenir et traiter l’intimidation à l’école. On ne peut toutefois pas prétendre qu’elles sont représentatives de ce qui se passe dans les écoles à travers le Canada. En effet, la mise en œuvre des mesures concernant la sécurité des élèves ainsi que la prévention et le traitement de la violence et de l’intimidation à l’école relèvent des conseils scolaires et des écoles. Ce sont eux qui déterminent les actions appropriées selon la réalité et les besoins de leurs milieux. C’est là une limite de cette recherche.

L’intervention pour contrer la violence doit comprendre à la fois des actions de promotion de la santé, de prévention, d’intervention situationnelle et de réadaptation (Desbiens, Lanaris et Massé, 2005 ; Haineault et Carrière, 2012 ; Hébert, 2011). C’est donc un ensemble d’interventions bien coordonnées qui permettra d’aider à la résolution de ce problème, et l’éducation à la santé en fait partie.

S’attaquer à l’intimidation à l’école nécessite une démarche globale, structurée et inscrite dans un continuum d’actions et d’interventions en prévention et en traitement des incidents d’intimidation. La prochaine phase de cette recherche apportera un éclairage supplémentaire en étendant le processus d’analyse de contenu des plans d’action de prévention et de traitement de l’intimidation à tous les conseils scolaires.

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