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Éditorial

Un consensus semble se dégager sur l’utilité de développer et de renforcer les relations entre travail, formation et professionnalisation. Cet intérêt va dans le sens des recommandations internationales et nationales très présentes depuis la fin des années 1990 se mettant largement au service d’une efficacité plus grande de la formation et du travail. Il se traduit par la mise en place dans plusieurs pays de dispositifs combinant travail, formation et dessein de professionnalisation, ayant comme finalité de favoriser et d'optimiser les apprentissages professionnels, le développement des compétences, des sujets et des organisations. L'instauration et le renforcement de dispositifs qui recourent à l'apprentissage en situation de travail comme le Workplace Learning en Australie et dans certains pays d’Europe du Nord, l'alternance et le système dual dans les différents pays de l'union européenne, l'enseignement coopératif en Amérique du Nord ou la mise en place du contrat de professionnalisation et l'institutionnalisation de la Formation En Situation de Travail (FEST) en France sont là pour confirmer cette tendance de fond.


L'objet principal de ce numéro de la Revue des sciences de l’éducation de McGill et la première intention des articles qui le composent est précisément d'éclairer les rapports entre travail, formation et professionnalisation. Un symposium qui s’est tenu en juillet 2019 à l’Université de Toulouse Jean Jaurès dans le cadre du colloque Réseau Éducation et Formation (REF) est à l’origine de ce projet.


Ce numéro thématique vise la confrontation des différents travaux récents dans ces champs. Dans cette perspective, il se propose de faire appel à des textes pouvant contribuer aux débats qui ont cours actuellement, de mettre en évidence la variété des terrains, des cadres théoriques et conceptuels mobilisés par les chercheurs y œuvrant et d’interroger les aspects méthodologiques des recherches réalisées.


Les questions suivantes sont ainsi au cœur des contributions :

Un premier texte de Souad Zaouani-Denoux et Richard Wittorski étudie le fait que ces rapports renvoient à un certain nombre d’enjeux socioprofessionnels et scientifiques. Les analyser revient à entreprendre de répondre à trois questions : quels sont les principaux concepts convoqués, quelles sont les principales théories développées ? Quels sont les approches méthodologiques, niveaux et cadres d’analyse adoptés pour examiner, expliquer et comprendre ces rapports selon les terrains investigués ?


Dans son texte, Isabelle Celeri pose ensuite l’hypothèse que l’entretien de recherche peut avoir des effets de développement professionnel pour des stagiaires alternants en révélant des processus au cœur de l’articulation formation — travail — professionnalisation. Thibault Coppe, Simon Enthoven, Virginie März et Isabel Raemdonck présentent une réflexion théorique sur l’articulation entre travail, formation et professionnalisation en proposant un cas d’étude pour lequel le lien entre ces trois thématiques est particulièrement ténu, à savoir le cas des enseignants de deuxième carrière. L'article de Maria Grullon, Carine Nassif-Gouin, Nathalie Trépanier, Marie Thériault, Francisco Loiola présente une réflexion sur la formation professionnalisante en contexte universitaire selon une approche énactive de la cognition. Corinne Hahn et Christophe Vignon offrent les résultats d’une recherche qui, en maillant sciences de gestion et sciences d l’éducation, a permis d’élaborer un dispositif de professionnalisation destiné à des apprentis en master de management. Samira Mahlaoui et Jean-Paul Cadet montrent l’intérêt d’une approche de la professionnalisation en termes d’activité, en pointant sa variété d’application et sa centration sur l’expérience et l’autonomie des sujets, via le croisement de deux études. Solveig Fernagu avance le cadre des capabilités pour appréhender les démarches, modalités, pratiques, dispositifs ou situations de professionnalisation, et interroger la mise en capacité à (se) professionnaliser.


La contribution de Marion Paggetti montre, quant à elle, comment l'analyse d'une forme d’enquête peut participer à l'intelligibilité des rapports entre travail, formation et professionnalisation du métier. Elzbieta Sanojca et Emmanuel Triby proposent que le moment clé de la construction de sa professionnalité se replie davantage dans l’intime des sujets agissant. Leurs résultats pointent un usage plus social de l’intime qui conduit à expliciter la part professionnelle de l’individuation. Marie-Eve Skelling Desmeules invite à mieux comprendre les expériences multiples de professionnalisation dans le domaine des arts du cirque à la lumière de la théorie de l’activité. Joris Thievenaz montre que la théorie psycho-philosophique de l’expérience de John Dewey constitue une approche heuristique pour comprendre les rapports entre travail et formation du sujet par et dans l’activité. Enfin, Marilou Bélisle et ses collègues s’intéressent aux conceptions des enseignants à propos de la professionnalisation des enseignants suivant des formations dans le champ de la santé.


SOUAD ZAOUANI-DENOUX ET RICHARD WITTORSKI