Travail, formation et professionnalisation : enjeux et configurations sociales, cadres théoriques et échelles d'analyse



SOUÂD ZAOUANI-DENOUX Université Paul Valéry Montpellier 3

RICHARD WITTORSKI Université de Rouen Normandie 


Penser les relations entre travail, formation et professionnalisation passe probablement par l'examen de quelques caractéristiques des changements qui ont présidé à leur émergence que nous proposons d’appréhender dans un premier temps. Présenter, ensuite, les principales configurations des liens entre travail, formation, professionnalisation qui alimentent les débats actuels permet de les comprendre au regard des contextes de leur opérationnalisation. Estimer leur poids en tant que question vive renvoie à un certain nombre d’enjeux socioprofessionnels et scientifiques qui seront précisés. Les analyser, c’est entreprendre de répondre à trois questions : quels sont les principales théories ou les principaux concepts convoqués? Quels sont les approches méthodologiques, niveaux et cadres d’analyse adoptés pour examiner, expliquer et comprendre ces rapports selon les terrains investigués? Nous l'évoquerons dans un quatrième temps. Enfin, nous verrons qu’au-delà de cette diversité des cadres théoriques et de la multiplicité d'approches méthodologiques et les nombreux terrains investigués, quelques tendances fortes apparaissent s’agissant des résultats de recherche disponibles.

1. L'intérêt pour le travail, la formation et la professionnalisation

Les relations entre travail, formation et professionnalisation font l'objet depuis une vingtaine d'années d'une attention quasi permanente et consensuelle, tout à la fois au sein des univers professionnels et économiques ainsi que dans les sphères de l'éducation, de la formation, de l'apprentissage et du développement des compétences, sans oublier les milieux scientifiques et sociaux. Cet intérêt est la conséquence de plusieurs évolutions majeures parmi lesquelles les transformations historiques de la division du travail de formation qui s'est caractérisée par le basculement du « tout pratique » vers le « tout théorique » et ensuite, après la massification de la scolarisation, par l'introduction des périodes d'apprentissages en milieu professionnel (stage, alternance, système dual, etc.). Une deuxième évolution concerne l'institutionnalisation progressive de la formation à côté de la culture de l'enseignement suivie du développement de la culture de la professionnalisation (Barbier, 2005; Zaouani-Denoux, 2002). Les changements de la société, les mutations économiques et l'intellectualisation du travail avec le passage de prescriptions fermées vers des prescriptions ouvertes réclament des apprentissages plus opérationnels et fortement contextualisés et mettent au centre des débats les liens entre formation, professionnalisation et apprentissage professionnel. Le coup de projecteur porté sur les compétences et sur la nécessité de leur développement en accordant une importance à l’action professionnelle qui n’est plus réduite à une exécution de prescription, interroge également ces rapports. Au-delà de compétences d’action (savoir, savoir-faire), les individus sont invités à développer des compétences de gestion de l’action (Wittorski, 1997), et ceci ne peut être que le fait d'une contribution du travail, de la formation dans une visée de professionnalisation.

Flexibilité, autonomie, initiative, adaptabilité, employabilité, mobilité, transition, compétitivité sont des termes omniprésents dans les discours des acteurs des différentes sphères (éducatives, professionnelles, économiques, politiques, etc.) et traduisent de fortes attentes sociales en termes de compétences nouvelles et un intérêt grandissant pour l'« économie du savoir ». Disposer de professionnels compétents qui seront les acteurs majeurs autant que les principaux moteurs de cette économie du savoir et de la société dans laquelle elle s’inscrit réclame des apprentissages plus opérationnels, fortement contextualisés nécessitant des dynamiques qui articulent et associent travail, formation et professionnalisation. Découlent alors de ces exigences la mise en place de nouvelles manières d'agencer et d’organiser les apprentissages professionnels et systèmes de formation, visant le développement et/ou la transformation des compétences des opérateurs dans et par des environnements eux-mêmes en transformation (Astier, 2008). On assiste alors au développement de dispositifs professionnalisants qui tendent à articuler « l’acte de travail, l’acte de réflexion sur le travail et l’acte de formation » (Wittorski, 2011).

Ces évolutions et leurs conséquences confirment la centralité du travail (Zaouani-Denoux, 2014) dans toutes les composantes du système d'activité des sujets. Certains diront même, dans la vie sociale (Dejours, 2003). Cette centralité des activités de travail est particulièrement en phase avec l'actuelle focalisation sur les rapports entre professionnalisation, travail et formation. Comme nous venons de le voir ces rapports sont déterminés par de nombreuses transformations les impactant. De cela résulte l'existence de différentes configurations et multiples combinaisons de leur organisation que nous allons parcourir.

2. Les enjeux liés à l’étude des rapports entre travail, formation et professionnalisation

Mettre en objet les liens entre travail, formation et professionnalisation renvoie aussi à un certain nombre d’enjeux socio-professionnels et scientifiques.

2.1. Des enjeux socio-professionnels relatifs à la « fabrication de futurs professionnels » par la formation mais aussi par le travail

Il s’agit là de la production de professionnalités au sens d’expertises, de savoirs spécifiques à des domaines d’intervention particuliers. Elles passent souvent, mais pas seulement, par les systèmes d’éducation et de formation ou par les apprentissages dans les situations de travail.

À cet endroit, on peut constater que les attentes sociales sont grandissantes pour l'ensemble des pays du globe, notamment depuis les accords de Lisbonne et Bologne en Europe et suite aux recommandations que promeuvent les organismes supranationaux (OCDE, UNESCO, FMI, Banque Mondiale, BIT, etc.) demandant notamment aux systèmes éducatifs et de formation de professionnaliser davantage leur offre de manière à préparer au mieux les individus aux métiers et professions nécessaires à la compétitivité économique.

Elles sont tout aussi pressantes via les différentes lois de la formation professionnelle continue en France avec l’introduction d’une orientation forte à la référentialisation et aux compétences pour organiser les dispositifs de professionnalisation des individus. Ici, les débats sont vifs concernant les places données respectivement aux situations de travail et aux situations de formation avec en arrière-plan des points de vue différents concernant à la fois la nature de l’expertise utile à développer chez un nouveau professionnel (compétences ou savoirs?) et les espaces légitimes de leur développement (situation de travail ou situation de formation?). Ces débats sont particulièrement marqués dans des travaux relevant des champs des sciences de l’éducation, de la formation des adultes, de la psychologie du travail et de l’ergonomie (notamment l'analyse du travail et l'analyse de l’activité). L’approche des apprentissages professionnels se diversifie et se complexifie avec la nécessité de prendre en compte le caractère apprenant de l’activité. L’enjeu de prise en compte des situations de travail et des situations de formation est donc ici de première importance.


2.2. Des enjeux relatifs à la conception des rapports entre travail, formation et apprentissage

Traditionnellement, l'acte de formation conçu comme un moment de production de savoirs et de capacités hors situation de travail est précisément dissocié de l'acte de travail. Les deux sphères de la formation et du travail étant séparées, le premier produit des savoirs et capacités dont on postule implicitement qu'ils sont transférables et transférés dans la seconde. Avec le développement de l'apprentissage en situation de travail et la référence graduellement de plus en plus forte à la professionnalisation, le schéma habituel est largement remis en cause.

On s'aperçoit par exemple que la formalisation orale ou écrite des pratiques assure une articulation étroite entre le champ du travail et celui de la formation. Ces dispositifs d'analyse des pratiques conduisent donc à concevoir les rapports entre formation et travail comme étant d’avantage synchrones et simultanés plutôt que successifs.

2.3. Des enjeux scientifiques liés à un effort de conversion de concepts d’abord sociaux en concepts scientifiques

Si le rapprochement entre travail et formation ainsi que la professionnalisation relève au préalable d’intentions sociales, dans quelles conditions peut-il devenir un enjeu et un objet scientifique? Selon nous, les enjeux théoriques de la professionnalisation semblent relever, d’une part, d’une meilleure compréhension des mécanismes de transformation des personnes dans l’action ou en situation de travail et des interactions entre sujet et action et d’autre part, d’une conceptualisation plus forte des notions utilisées dans les actions de professionnalisation ou visant des apprentissages professionnels. L’une des questions de recherche que pose la professionnalisation, entendue comme développement professionnel des individus, est effectivement celle de la compréhension des modalités concrètes d’apprentissage ou de transformation des personnes en cours d’action. Plus généralement, cette question renvoie à celle des rapports existants entre les sujets et leurs actions. Plusieurs travaux relèvent aujourd’hui de cet enjeu comme nous l’évoquerons en deuxième partie de ce texte 

Le deuxième enjeu théorique concerne, selon nous, la façon de penser les notions et les concepts utilisés dans les actions de formation, de travail et de professionnalisation. Il s’agit donc ici de repérer les débats théoriques concernant les notions, concepts caractérisant les effets de l’action (reconnus comme participant du développement professionnel des individus), à savoir les notions de « compétence, d’identité, de savoirs, d'apprentissages professionnels », pour l’essentiel. Ces mots désignent des réalités plus ou moins fuyantes à l’analyse et constituent d'abord des construits sociaux pour l’action et non des concepts scientifiques, ce qui a des incidences sur la manière de les étudier. A cet endroit, Barbier et Galatanu (2004) parlent d’« ambiguïté fonctionnelle » pour désigner « l’usage de notions floues ou polysémiques par des acteurs sociaux aux intérêts très divers » (p. 152). La sémantique accompagnant la formation et la professionnalisation est donc une « sémantique d’intervention sur l’activité humaine » (Barbier et Galatanu, 2004, p.152)1.

En raison de ces enjeux, étudier les liens entre travail, formation et professionnalisation renvoie donc à des débats qui peuvent être vifs entre les milieux du travail et les milieux de la formation et à des questions qui sont loin d’être anodines. Pour faire simple, qui a la main sur le développement des apprentissages professionnels? Est-ce d’abord du ressort de l’expérience produite au travail, dans l’ici et maintenant de la conduite de l’activité professionnelle? Ce qui a, par exemple, conduit le MEDEF2 à affirmer en 2000 que les compétences sont l’affaire de l’entreprise (Chatzis et al., 1995)? Ou est-ce d’abord de la responsabilité de la situation de formation organisée souvent dans un autre espace-temps que celui du travail en train de se faire? Ces questions sont loin d’être insignifiantes et poser ainsi, une réponse consensuelle pourrait être de dire que la responsabilité est partagée ou conjointe entre travail et formation. Pourtant, l’histoire récente des dispositions législatives à l’égard de la formation professionnelle continue, par exemple en France, montre que le débat n’est pas tranché.

3. Différentes configurations de liens travail formation professionnalisation : de la séparation à l'intégration

Les déclinaisons de ces configurations varient selon les acteurs, les points de vue, les enjeux mais aussi les moments, les périodes, les régions et les cultures (Astier, 2009). Pour n'évoquer que celles qui alimentent les débats actuels, nous retrouvons quatre configurations.

3.1. Séparation du travail, de la formation et de la professionnalisation

Dans cette configuration, la formation et le travail sont conçus comme deux entités parfaitement étrangères l'une à l'autre, entre lesquelles nulle collaboration n'est possible ni souhaitable3. Pour autant, le travail n'est pas considéré comme n'ayant pas besoin de préparation mais la question de la professionnalisation comme celle de la qualification sont totalement ignorées. Le travail est envisagé comme ne pouvant poser que des problèmes prédéfinis pour lesquels les procédures constituent autant de réponses (Astier, 2009). Travailler consiste pour l'opérateur à s'ajuster à la situation. La formation réduite à « la simple mise au courant » Friedman (1964, p. 144) se charge de la construction et du développement des compétences spécifiques ou transversales qui permettent de traiter les situations. Le taylorisme constitue un exemple de cette configuration.

3.2. L'articulation travail, formation et la préparation au métier4

Dans cette conception, la formation est considérée comme une conséquence des exigences du travail. Elle a pour fonction d'assurer les apprentissages qui permettront aux nouveaux et aux novices de se doter des prérequis nécessaires pour développer leur agir, connaitre le métier et apprendre le travail. Le travail est le principal référent de la formation et de la préparation au métier. L'image que véhicule le métier de lui-même donne lieu à l’élaboration de dispositifs permettant l’acquisition et l’apprentissage des connaissances, des habilités, des façons de faire et des valeurs associées requises par son exercice. Le compagnonnage fournit une illustration de cette conception.

3.3. Travail, formation et professionnalisation : relation et distanciation

La prise en compte de plusieurs facteurs (exigences des apprentissages, santé et sécurité des apprenants, qualité de la formation, mobilités des salariés, etc.) conduit à l'émergence de cette conception qui sépare travail, formation et professionnalisation, tout en veillant à ce que chacune de ces entités se réfère à l’autre. Dans cette représentation, la formation professionnalisante nécessite des univers scientifiques et académiques qui concourent à un enseignement professionnel en relation avec le travail mais qui a lieu à distance du travail. Ces milieux « à part », sont des lieux du développement des savoirs et des techniques, didactisés afin d’en faciliter l’appropriation par les novices (Astier, 2009). L’apprentissage, l’alternance, le système dual et certains dispositifs de professionnalisation, pour ne citer que les plus connus constituent des configurations où les apprenants circulent entre univers de formation et univers de travail et illustrent la possibilité de concevoir la participation structurée de chacun des lieux selon sa logique, ses valeurs et son histoire. Ceci n’est pas sans renvoyer à l’histoire de la création des diplômes professionnels comme mise en place progressive de ces contextes pour apprendre écartés du travail ou aux travaux de Bank (2016) et plus particulièrement sa conception de la complémentarité. Cette orientation est au centre des débats vifs qui opposent les tenants des pédagogies intégratives ou de la continuité (Guile et Griffiths, 2003; Malglaive et Weber, 1983; Moore et Workman, 2011) et les partisans des pédagogies de la discontinuité (Bank, 2016; Charlot, 1995; Lerbet-Séréni et Violet, 1999; Tapia, 1994; Tynjälä, 2008; Zaouani-Denoux, 2020). On souligne juste que dans cette configuration une attention forte est accordée à la qualification et à la professionnalisation.

3.4. Travail, formation et professionnalisation : relation d’intégration

Cette configuration est très liée au succès de la notion de compétence et son installation, tant dans le champ de la formation que du travail et par conséquent à l’émergence de la notion de professionnalisation en complément de celles de travail et de formation. Ici la professionnalisation est perçue comme processus continu de production de compétences et de transformation des individus en lien avec les changements incessants de l'environnement social, économique et politique. L’intérêt pour la professionnalisation aura comme conséquences le développement des dispositifs articulés entre eux, combinant travail, formation et intention de professionnalisation qui s'inscrivent tous dans la problématique de la compétence et de son développement. La formation intégrée au travail ou la Formation en Situation de Travail (FEST) ou l’Action de Formation en Situation de Travail (AFEST) ou « Workplace Learning » sont autant de dispositifs qui opérationnalisent cette combinaison.

A travers cette présentation non exhaustive des différentes configurations qui ont émergé à des moments différents sans que nous ne puissions les cantonner ni à des moments ni à des étapes, nous voyons bien qu'il existe plusieurs configurations des relations entre travail, formation et professionnalisation vecteurs d'innovation dans la situation contemporaine (Astier, 2009). Elles constituent une base à laquelle se réfèrent les acteurs de la formation et les gestionnaires des ressources humaines pour élaborer divers dispositifs mixtes agencés de manière novatrice selon les besoins identifiés et les objectifs poursuivis. Le choix de telle ou telle conception dépend des contextes de leur mobilisation et de leur recours mais aussi des enjeux en présence.

4. Diversité des cadres théoriques pour étudier les rapports entre travail, formation et professionnalisation5

Nous pouvons repérer plusieurs « traditions » de travaux s’intéressant à l’étude des rapports entre travail, formation et professionnalisation. Ces « traditions » étant souvent elles-mêmes plurielles concernent pour l’essentiel, dans le champ de l’éducation, de la formation professionnelle, technique et des adultes la façon dont l’activité déployée à l’occasion du travail (à son poste de travail) et de la formation (en tant que novice) conduit, indépendamment ou de façon liée à la production d’apprentissages contribuant au développement des personnes engagées dans cette activité.

4.1. Des travaux sur l’apprentissage-développement dans / depuis l’exercice du travail, de l’activité 

Un premier ensemble de travaux s’intéresse à la façon dont l’activité d’un sujet est le support d’apprentissages voire de développement professionnel. Comme le dit Champy-Remoussenard (2005) : « le fait que l’activité occasionne sans cesse des apprentissages et produise des savoirs nouveaux est une donnée majeure pour ceux qui travaillent dans la perspective de la formation et de la professionnalisation des acteurs » (p. 37). On distingue souvent intuitivement plusieurs façons d’apprendre : par l’action (en faisant), ou par l’acquisition / construction de connaissances. Cela renvoie pour partie à la distinction entre les apprentissages formels et informels. Six thèses semblent particulièrement présentes dans les travaux actuels :

  1. L’apprentissage-développement se réalise par une incorporation croissante des compétences nécessaires à l’action et par leur hiérarchisation.

S’agissant des apprentissages développés dans les situations de travail, une des conceptions dominantes de l’analyse du travail consiste à dire que l’on apprend d’abord des « compétences incorporées » soit par imprégnation, soit par l’action, soit de façon contrôlée (Leplat, 2001). Les compétences incorporées permettent l’acquisition de compétences plus larges car elles « fournissent aux activités de niveau supérieur, réglées sur les connaissances, des unités d’action rapidement disponibles » (Leplat, 2001, p.102). Pour des activités complexes, le processus d’acquisition conduit à des activités automatiques. Il a été décrit par Anderson (1982 qui distingue plusieurs étapes : « à mesure que l’action progresse, l’activité est réorganisée et les compétences de plus en plus incorporées à l’action, ce qui entraîne, entre autres, l’allègement déjà mentionné de la charge de travail »  (cité par Leplat, 2001, p.104) Ainsi, le développement professionnel reposerait sur une incorporation croissante des compétences nécessaires à l’action, au bénéfice d’une sélection et d’une hiérarchisation progressive de ces mêmes compétences.

  1. L’apprentissage-développement passe par la construction de l’expérience.

Selon Dubet (2000), nous sommes « sommés », dans nos sociétés modernes, de recourir à l’expérience. Le passage à 

l’expérience est corrélatif d’un phénomène d’exposition des individus engendré par un mouvement général de désinstitutionalisation […] l’affaiblissement des institutions place les individus devant des épreuves nouvelles. Le sens de leur action et de leur expérience ne leur est pas donné par les institutions, il doit être construit par les individus eux-mêmes. (Dubet, 2000, p. 78)

L’expérience est donc l’affaire du sujet, qui se débat avec des situations singulières se présentant à lui. L’expérience est à la fois un acquis et un mode d’acquisition. Elle relève de deux registres : le faire et le connaître. A cet endroit, il existe un débat entre ceux qui pensent que les pratiques très incorporées sont constitutives de l’expérience au même titre que les pratiques dont les individus sont capables de « prendre conscience » (position affirmée par le courant de l’apprentissage expérientiel, par exemple). Ce débat renvoie à la différence entre la conscience pratique et la conscience discursive introduite par Giddens, différence proche des travaux de Ricoeur (1977).6 Plusieurs conceptions sont identifiables dans les travaux portant sur la construction de l’expérience (Schwartz et Echternacht (2009) et la renormalisation; Mezirow (2000) et l’apprentissage transformateur; Dewey (1967) et la production d’expérience par l’enquête). Elles ont pour point commun de considérer l’expérience comme une construction subjective à partir des actions réalisées par l’individu.

  1. L’apprentissage-développement par soi, les autres et les choses.

Les courants de l’apprentissage informel distinguent, pour leur part, plusieurs sources et modalités d’apprentissage. Galvani (1999) indique que l’autoformation relève plus précisément de trois courants distincts : d’une part, l’approche pédagogico-médiatique de l’autoformation; d’autre part, l’approche socio-pédagogique (Dumazière, 2008) où l’autoformation apparaît comme un fait social massif; enfin, l’approche bio-cognitive (Pineau, 2012) dans laquelle il s’agit d’explorer la formation de soi, comprendre et mettre en œuvre un processus de mise en forme de soi. Pour Pineau, nous apprenons par le contact avec nous-mêmes, avec les autres et avec notre environnement matériel, mais, selon Carré et al. (1997), ces apprentissages ne sont pas automatiques, ils dépendent du sentiment d’efficacité, des capacités d’autorégulation et du sentiment d’autodirection. Pour Bourgeois (2006), ils sont aussi tributaires du sentiment de pouvoir y réussir et de la croyance en son utilité pour réaliser des buts actuels ou futurs poursuivis par la personne.

Plus largement, les situations quotidiennes sont propices, selon ces travaux, à l’autoformation : bricoler, jardiner, etc. L’art du bricolage et de la débrouillardise renvoie, pour les auteurs, à la métis qui est une forme d’intelligence pratique, visant l’efficacité; elle produit de multiples savoirs utiles à la vie : tour de main de l’artisan, ingéniosité, art de se saisir de l’occasion, de l’opportunité (kaïros).

  1. L’apprentissage-développement se réalise à la faveur d’une co-détermination et d’une co-transformation activité-acteur(s).

Les thèses évoquées ici ont pour point commun de considérer que l’étude du couple acteur et situation est essentielle pour comprendre les mécanismes de développement des personnes.

Selon les thèses constructiviste et socioconstructiviste, l’apprentissage est conçu comme une co-construction et une co-transformation du sujet et de son environnement : « l’agent, l’activité et le monde se constituent chacun réciproquement » (Lave et Wenger, 1993, p. 35).

La thèse de la didactique professionnelle, pour sa part, conçoit le développement professionnel comme étant un processus d’élaboration de schèmes, d’invariants opératoires, de concepts organisateurs de l’action (Pastré s’inspirant de Vergnaud et le prolongeant). Selon cette thèse, un opérateur construit des invariants opératoires dans sa confrontation aux situations professionnelles. Pastré (1999) prend le cas des ingénieurs de centrales nucléaires qui apprennent en formation un « modèle épistémique » de l’installation et qui, une fois en conduite de centrale, en voient l’insuffisance et doivent développer un « modèle pragmatique ». Pastré (1999)  propose la notion de concept pragmatique, « des concepts que les opérateurs mobilisent dans l’action notamment pour faire un diagnostic de régime de fonctionnement de leur machine »7 (p. 152). Ces concepts pragmatiques sont appris dans les échanges et en situation. Cet auteur développe également la notion de structure conceptuelle de la situation, elle correspond à « l’ensemble des éléments conceptuels, qu’il s’agisse de concepts scientifiques ou de concepts pragmatiques, qui permettent de faire un diagnostic de régime de fonctionnement du système » (Pastré, 1999, p. 24).

Selon les thèses de l’ergonomie cognitive et de l’anthropologie / sociologie cognitive (par exemple, les travaux de Theureau (2000), le développement professionnel passe aussi par les communications produites dans l’activité qui ont un statut d'opérations et une fonction de coordination interindividuelle (les situations d’échanges d’informations dans des équipes de travail, par exemple, dans une équipe de pilotage d’un avion). Pour leur part, Woods et Roth (1988a) parlent de « système cognitif joint » qui permet de retracer le mouvement de l'information et ainsi de décrire les processus cognitifs à l'œuvre en situation d'interaction. Cette notion est également proche de celle de « cognition sociale distribuée » introduite par Hutchins (1988) en anthropologie cognitive.

  1. L’apprentissage-développement en devenant un praticien réflexif.

Le modèle du praticien réflexif semble de plus en plus omniprésent dès lors que l’on s’intéresse au développement professionnel des individus. Selon ce modèle, professionnaliser un individu, c’est faire en sorte qu’il prenne de la distance par rapport à son action.

Nous constatons que le recours à l’activité réflexive par des individus à propos de leurs pratiques professionnelles est grandissant. Ces dispositifs reposent souvent sur l’intention de transformer le sujet en un « praticien réfléchi » (en référence aux travaux d’Argyris et Schön, 1989), capable de développer un regard sur ses pratiques en vue de s’adapter plus rapidement à des contextes de travail qui changent. De ce point de vue, c’est probablement dans la « flexibilisation » des personnes en accompagnement de la flexibilité du travail que réside l’enjeu de ces dispositifs.

Ainsi, dans des champs très divers tels que le travail social, l’éducation, l’industrie, des dispositifs d’analyse de pratiques apparaissent. Leur ingénierie repose souvent sur l’engagement d’un travail de réflexion rétrospective par rapport à l’action et parfois même anticipatrice (il s’agit alors, pour les participants, de proposer de nouvelles pratiques satisfaisant de nouveaux critères de travail). La formalisation orale (groupe d’analyse de pratiques) ou écrite (écriture sur la pratique) correspond à la production d’énoncés parfois appelés des savoirs d’action.

Dans un contexte de formation et dans un but de professionnalisation, l’écriture sur/pour l’activité mise en œuvre est également sous-tendue par le paradigme de la réflexivité. Il en va ainsi des mémoires professionnels, des portfolios dans les formations par alternance et du recours aux histoires de vie en formation.

4.2. Des travaux sur la professionnalisation 

Le concept de professionnalisation fait l’objet d’une élaboration théorique d’abord en sociologie, anglo-saxonne en premier lieu puis européenne, s’intéressant à la « fabrication des professions ». A gros traits, dans les pays anglo-saxons, une sociologie des professions s’est peu à peu constituée à partir de la fin du 19e siècle dans l’intention de rendre compte (parfois en prenant position) de la façon dont des groupes d’individus partageant les mêmes activités s’organisaient dans des contextes de marché libre pour obtenir une place reconnue et acquérir une autorisation d’exercer. Un débat fort traverse alors ce champ entre les fonctionnalistes (Parsons) et les interactionnistes (Hugues); les premiers militant pour une certaine définition « idéal-typique » de la profession et les seconds insistant sur l’idée qu’une profession est d’abord à saisir dans une dynamique de construction sociale mue par des enjeux de reconnaissance.

Dans les pays dans lesquels la place de l’état et d’une régulation centrale des activités est traditionnellement beaucoup plus forte (pays du vieux continent pour l’essentiel), les enjeux collectifs ne sont pas les mêmes et les dynamiques de mise en reconnaissance des activités professionnelles ne mobilisent pas les mêmes logiques. Des travaux se déploient alors en Europe, d’une part en réaction avec les approches anglo-saxonnes jugées peu valides pour caractériser un certain nombre d’activités professionnelles ne relevant pas de professions libérales (voir notamment les travaux de Bourdoncle (1991) s’agissant des activités enseignantes) et, d’autre part, des recherches en continuité avec des approches interactionnistes s’intéressant aux dynamiques internes et externes des groupes professionnels (Dubar, 2011) puis Demazière (2008), par exemple.

Le champ de la sociologie du travail a également mis en avant, notamment en France et en Belgique, de nombreux travaux critiques sur la progression et l’utilisation du lexique de la professionnalisation par les entreprises (les mots compétence, performance, autonomie, responsabilité, etc.) en lien avec des questions d’organisation, de prescription et d’évaluation du travail. Stroobants (1993), Dugué (1994) et d’autres insistent ainsi sur l’idée que la professionnalisation rejoint, par ailleurs, un appel grandissant aux compétences au service des nouvelles normes de travail. Selon Dugué (1994) les enjeux consistent à faire admettre la flexibilité. Pour Stroobants (1993), l’adaptabilité permanente génère une individualisation de l’évaluation qui conduit, selon Linhart (2009), à resserrer le contrôle. De ce point de vue, la professionnalisation est perçue comme étant au service d’une nouvelle mobilisation des salariés dans des contextes de travail plus flexibles, faisant davantage appel aux ressources subjectives des personnes.

Le champ de la formation, enfin, s’est plus récemment emparé du mot, du fait de son introduction massive, depuis la fin des années 1990, dans les discours et les textes internationaux, européens et nationaux régissant la formation professionnelle. Les travaux qui y sont menés concernent pour l’essentiel l’analyse des tendances d’évolution conjointe du travail et de la formation et le repérage des logiques nouvelles d’articulation travail-formation à l’œuvre dans les démarches de formation dites professionnalisantes. Ainsi, des conceptualisations sont proposées pour « lire » les dispositifs de travail et de formation proposés à des fins d’apprentissage-développement des personnes. Par exemple une grille d’analyse des voies de la professionnalisation combine situation de travail et situation de formation, mettant en évidence plusieurs « figures » (Wittorski, 2016) : l’apprentissage depuis la conduite de son activité « en train de se faire » (figure de la formation sur le tas), l’apprentissage par aller-retour entre conduite de l’activité et ressources puisées dans l’environnement susceptibles d’orienter cette activité (figure de l’alternance travail-formation, de l'apprentissage en situation de travail et du système dual), l’apprentissage par le développement d’une analyse rétrospective ou anticipatrice à propos de l’activité réalisée (figure de l’analyse de pratiques), l’apprentissage par la réalisation d’un « pas de côté » à l’aide d’un tiers (figure de l’accompagnement); l’apprentissage par incorporation de savoirs nouveaux (figure de la formation magistrale).

5. Échelles d'analyse et démarches méthodologiques mobilisées pour l'intelligibilité des liens entre travail, formation et professionnalisation

Au regard des différents travaux et recherches sur le sujet, la lecture du travail, de la formation et de leurs liens avec la professionnalisation, semble s'inscrire dans une posture à la fois explicative et compréhensive. Les approches mobilisées sont souvent adossées à des cadres théoriques permettant d’appréhender les contextes organisationnels, les situations professionnelles dans leur complexité et de saisir le détail de l'activité du sujet (Barbier et Durand, 2003). Cela n'est pas sans susciter une réflexion sur le statut de la production de connaissance tout autant dans le champ des activités scientifiques que dans celui des activités professionnelles (Wittorski, 2007; Zaouani-Denoux et Mazalon, 2018). L'intelligibilité des rapports qu'entretiennent ces trois concepts renvoie à plusieurs dimensions, dynamiques et considérations. L'échelle d'analyse choisie (macro, meso, micro)8, l'objet d'étude (facteurs, variables, processus, etc.) retenu ainsi que sa temporalité (courte, moyenne, longitudinale), la visée de recherche (compréhensive ou explicative), le cadre théorique et l'espace du réel désigné pour produire des savoirs, influencent les choix méthodologiques du chercheur. Différents travaux portant sur ces rapports recourent à de nombreuses techniques et méthodes pour comprendre et expliquer ce qui se joue dans les rapports entre apprendre, travailler et se professionnaliser. De leur côté les recherches sur les dispositifs qui articulent travail et formation dans une visée de professionnalisation, formation en alternance, système dual, formation intégrée au travail (Barbier et al., 1996; Clenet, 1998; Olry, 2000; Veillard, 2009; Zaouani-Denoux, 2006) ou sur les processus de professionnalisation et du développement des compétences (Bourdoncle, 1991; Jonnaert, 2011; Wittorski, 2007;) ont adopté différents niveaux d'analyse. Ils ont investigué différents terrains9 et font appel à des approches quantitatives à l'aide de grandes enquêtes par questionnaire10, à des approches qualitatives à l'aide d'entretiens, d'observations in situ, de monographies ou d'études de documents sur des temporalités courtes, moyennes ou longues et parfois au sein d'un terrain précis11.

Partant du principe que « l’analyse de sa propre action » peut permettre une prise de conscience de l’acteur, comme affirmé par Pastré (2011), un grand nombre de chercheurs se référant aux théories de l'activité accordent une primauté au recueil des propos de l’acteur à partir des traces de son activité. Cette orientation permet selon ces courants d’accéder à et de saisir ce qui spontanément se donne à voir de l’action mais également la part imperceptible de l’activité et de récupérer des données précieuses pour comprendre, analyser et accéder à l'action productive et constructive du professionnel ou du novice. Le chercheur peut ainsi appréhender les buts et les intentions poursuivis, les choix retenus, les stratégies déployées pour les atteindre, les ressources organisationnelles, les savoirs mobilisés, le rôle des collectifs professionnels, la gestion des inédits rencontrés et les apprentissages réalisés.

Dans leur revue de littérature nationale et internationale basée sur l'analyse de 255 articles, Gaudin et Chaliès (2015) constatent que la démarche méthodologique adoptée majoritairement par les chercheurs de ce courant combine souvent observation en situation réelle, enregistrement vidéo au moyen d'une ou plusieurs caméras, l'organisation de séances de confrontation simple ou croisée aux traces de l'activité : selon l'orientation du cours d’action (Theureau, 2010) et le recueil des verbatim de la confrontation aux traces vidéo de l’activité. Le choix d'utiliser l’auto-confrontation a une double finalité. Il s'agit à la fois de recueillir des données à visée de recherche et d'aménager des espace / temps propices à la formation des acteurs (Olry et Vidal-Gomel, 2011; Yvon et Durand, 2012) en supportant ses questionnements et ses interactions avec les situations. D'autres chercheurs privilégient l’analyse clinique des pratiques professionnelles (Blanchard-Laville, 2011) ou les entretiens d'explicitation (Faingold, 2011a; Vermersch,1994, 2003).

De leur côté, les chercheurs anglo-saxons (Billet, 1994, 2003, 2008; Eraut, 2004; Fuller et Unwin, 2003; Guile et Griffiths, 2003; Wenger, 2005) du courant de l'apprentissage en situation de travail dit « Workplace Learning » en s'intéressant à l'interaction entre facteurs organisationnels et caractéristiques des individus (Billett, 2001) ont investigué différents terrains de formation, d'apprentissage en situation de travail ou en cours d'emploi au sein de nombreux secteurs professionnels : industrie, artisanat, secteur médical, etc. Leurs approches méthodologiques combinent des grandes enquêtes par questionnaire, de l'observation, des entretiens et s'inscrivent dans des temporalités longues ou moyennes.

En conclusion, au-delà de la polyphonie apparente, des idées-forces se dégagent

De l’ensemble des pratiques et des recherches dans ces champs se dégagent de nombreuses configurations de liens entre travail formation et émergent des conceptions et des définitions de la professionnalisation fort différentes en ce qu’elles ne concernent pas les mêmes objets ni les mêmes finalités, voire en ce qu’elles installent des controverses.

La conception même des liens entre travail et formation fait l’objet de points de vue différents dans les travaux qui existent, citons ici par exemple les débats entre la didactique professionnelle, la clinique de l’activité, l’ergologie, les courants interdisciplinaires de l’action située ou celui de l'apprentissage sur la place du travail. Ces débats reposent souvent sur des conceptualisations différentes des liens entre activité, travail et apprentissage. Sur le plan théorique, la notion de professionnalisation parait également plurivoque selon qu’elle concerne la reconnaissance sociale d’une profession, les nouvelles attentes adressées aux individus par les milieux du travail, le rehaussement de la qualité d’une formation, ou le développement professionnel d’un individu.

Les débats conceptuels sont souvent sous-tendus par des questions sociales qui conduisent à des prises de position contrastées dans les communautés de recherche concernées : quelle est la place et l’intérêt des dispositifs professionnalisants mobilisant des situations de travail et/ou des situations de formation? Accompagner les changements organisationnels? Mieux répondre aux besoins économiques? Entretenir des compétences ou en développer de nouvelles? Apporter une première socialisation professionnelle ou une qualification? Quels sont les effets de ces dispositifs sur la professionnalisation des apprenants et sur leurs apprentissages professionnels?

Sur un autre plan, ces dispositifs peuvent-ils, sans risque de confusion, répondre à la fois aux attentes organisationnelles et aux dynamiques de transformation voire aspirations d’émancipation des personnes?

L’intelligibilité des liens entre ces trois notions reste par ailleurs dans la plupart des cas influencée par le paradigme de référence des chercheur(e)s (Geay, 1999). Au-delà de cette pluralité, un consensus semble se dégager. La mobilisation ou le recours aux situations de travail en formation (alternance travail / formation, système dual, action de formation sur la place du travail, AFEST) sont perçus par plusieurs chercheurs (Billett, 2009; Cornathon-Roche, 1999; Olry et Masson, 2012; Wittorski, 2007; Zaouani-Denoux, 2002, etc.), par les pouvoirs publics et par les acteurs de la formation et du travail comme une voie d'accès à la professionnalisation.

La professionnalisation, dans son lien avec le travail et la formation, définie comme processus de construction de compétences mais aussi de connaissances, et savoirs reconnus comme faisant partie de la profession choisie (Wittorski, 2007), fait l’objet de recommandations internationales et nationales très présentes depuis la fin des années 1990.

À un niveau formel, les analyses montrent que les objectifs de professionnalisation visés par les dispositifs combinant travail et formation mettent spécifiquement en avant :


NOTES



  1. Selon Barbier, ces notions sont marquées « axiologiquement » (valeurs), elles sont investies d’intérêts d’acteurs, « elles fonctionnent en réseau et en interaction, une notion en appelant une autre » (opus cité, p. 38). « Utilisées directement et dans leur usage courant, ces notions peuvent donc difficilement servir comme concepts interprétatifs dans le cadre d’une recherche en intelligibilité », « du fait de leur ambiguïté fonctionnelle, de leur contenu axiologique et de leur caractère mobilisateur pour l’action » (opus cité, p. 39).

  2. MEDEF est le Mouvement des entreprises de France. Le MEDEF est une organisation patronale fondée en 1998, représentant des chefs d'entreprises français.

  3. Théories de la complémentarité (Theorie der Komplementarität der Bildung) développée par Jongebloed (1998) vont dans ce sens.

  4. On parle plus de préparation au métier que de professionnalisation. L'usage relativement récent du vocable professionnalisation émerge à la suite de la substitution de la notion de compétence à celle de qualification et comme conséquence d'un certain nombre de changements et d'attentes sur lesquels ne nous reviendrons pas ici.

  5. Cette partie est largement inspirée d’une précédente publication et en reprend quelques extraits en les prolongeant : Wittorski (2007).

  6. Ricoeur différencie l’identité idem (l’expérience est une somme, un répertoire de souvenirs, de connaissances : dans un passé clos) et l’identité ipse (l’expérience est une élaboration, une activité, qui reprend chaque action nouvelle pour transformer les ressources antérieurement construites, l’expérience est dans le présent de l’énonciation et de l’évocation, et ne se manifeste que dans sa transformation et sa mobilisation éventuelle pour une action future).

  7. Le concept de bourrage est pris comme exemple. « Un concept pragmatique est défini par une relation de signification qui comporte deux étages : il y a d’abord une relation entre un signifiant observable et un signifié de nature conceptuelle, deuxièmement il y a une relation de référence entre l’ensemble signifiant / signifié et la situation dans son ensemble » (Pastré, 1999, p. 19).

  8. Macro correspond à la politique de la division du travail de formation ou à la démarche socio-historique, méso correspond au niveau institutionnel, des dispositifs et organisations et micro concerne les acteurs en situation d'action.

  9. Il en va ainsi du programme réalisé sur plusieurs années au sein de six grandes entreprises par le pôle de recherche (CRF-CNAM) sur les nouvelles formes de formation par et dans les situations de travail, impliquant un collectif de chercheurs et de praticiens appartenant à différentes institutions (Barbier et al., 1996). On peut aussi mentionner l’important travail accompli par les chercheurs du laboratoire Trigone dans le cadre d’un projet de recherche-action mené pendant une dizaine d'années au sein de la région Nord Pas-de-Calais (Beauvais et al., 2007).

  10. Les travaux de Bank (2016) à l'échelle de la Saxe en Allemagne qui a mobilisé pendant plusieurs années des enquêtes de grande envergure auprès de l'ensemble des partenaires agissant dans le système dual y compris les apprenants.

  11. Le travail mené par Perret, Perret-Clermont et leurs collaborateurs dans une école technique du jura suisse relève de ce type de démarche méthodologique. Ces chercheurs se sont intéressés aussi bien : aux évolutions du contexte professionnel et des référentiels de formation à l’échelon national; à la façon dont la politique et l’organisation de l’établissement ont changé en interaction avec son environnement institutionnel et professionnel; aux pratiques des professeurs, mais aussi aux différents facteurs organisationnels locaux; aux interactions; aux motivations. Les auteurs utilisent la métaphore du « forage en un terrain précis » pour qualifier leur travail qui permet de « saisir toute l’épaisseur des questions qui s’y posent » (Perret et Perret-Clermont, 2001).



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