L’histoire à l’école, deux pas en arrière ou un pas en avant? Nature de la pensée historienne et attitude didactique à adopter pour prendre en compte la diversité dans l’éducation citoyenne1

MARC-ANDRÉ ÉTHIER Université de Montréal

DAVID LEFRANÇOIS Université du Québec en Outaouais



Dans un article récent, Conrad et al. (2022) analysent l’effet, sur des étudiants étatsuniens en enseignement des disciplines des sciences humaines et sociales (dorénavant : SHS), des discussions spontanées qu’ont entre eux des élèves lorsqu’ils analysent collectivement des documents historiques en classe. Conrad et al. (2022) interprètent ce que les décisions mises en œuvre par deux novices, à l’occasion de leur formation pratique dans un contexte de diversités multiples, révèlent de leurs perceptions des buts de l’enseignement de leurs disciplines, des débats en classe sur des questions socialement vives et de leur rôle comme enseignants de SHS durant ces débats.

Des questions semblables occupent désormais une place souvent centrale dans la conscience des éducateurs, en raison des répercussions scolaires de l’éruption des dénonciations qui ont réchauffé le climat sociopolitique des dernières années et fissuré certaines représentations sociales de plusieurs acteurs de divers usages publics de l’histoire2. Les murmures de nombreux groupes marginalisés tout comme leurs cris naguère assourdis se sont parfois mués en rugissements de désidérata de justice sociale, telles les revendications de Black Lives Matter, Idle No More ou #MeToo, et ont remis sur le devant de la scène la contestation d’une interprétation dominante de l’histoire, aux États-Unis, au Canada et ailleurs. Alors que persistent tant d’injustices invétérées et intersectées, maints éducateurs se demandent comment les dominés peuvent se donner les moyens de s’émanciper et quelles contributions eux-mêmes (qu’ils s’identifient ou non comme opprimés) peuvent apporter aux luttes pour l’équité. Ce texte ne prétend pas répondre à ces questions brulantes ni faire le point sur les cadres sociaux de la mémoire, les types d’histoire (enseignée, profane, publique ou savante), la sociologie du curriculum ou la reproduction scolaire des inégalités sociales. Son ambition se limite à examiner tant la cohésion factice des pratiques sociales (de recherche) dans le champ disciplinaire de l’histoire que l’amalgame de celles-ci à des usages politiques et scolaires intéressés de l’histoire. Or, cette double confusion peut rendre coupables par association les démarches de recherche manifestées notamment par des historiens. Cela augmente le risque que les enseignants en SHS voulant aider leurs élèves à s’émanciper ne les fassent pas s’exercer à des pratiques dont ceux-ci pourraient pourtant se servir à cet effet. Nous espérons donc contribuer à nourrir la réflexion de ces enseignants sur leurs choix didactiques et les implications de ceux-ci pour la formation des citoyens des temps actuels et futurs.

Selon Ségal (1992), la pensée historienne (dorénavant : PH) consisterait en une activité par laquelle un sujet étudie (voire forme) un objet du passé (ou au moins en partie du passé) à partir des traces (de l’objet) qu’il repère ou convertit en sources (archives, artéfacts, écofacts, témoignages, etc.). Le sujet investit dans cette pratique complexe, interprétative et métacognitive ses habiletés intellectuelles, tout comme ses affects et représentations sociales, sciemment ou non. Il s’agit donc moins de démarches algorithmiques, de méthodes liées à une forme scolaire, de normes explicites, de procédures formelles ou de techniques précises que d’un rapport réflexif au savoir habituel dans un champ scientifique (Bourdieu, 1976) nommé « histoire ». Wertsch (1997) ajoute que cette pratique se fait par la médiation d’outils socioculturels avec lesquels interagit l’historien. Pour Holt (1995), penser historiquement, c’est certes mener, à partir de résidus du passé, cette enquête reposant sur la pensée critique, mais c’est d’abord poser des problèmes (eux-mêmes historiquement — donc culturellement, politiquement, socialement… — situés), y compris ceux touchant des questions aussi actuelles que le racisme. Wineburg (2018) décrit trois stratégies de problématisation des « textes » (écrits, iconographiques, monumentaux, sonores, etc.) qu’il associe à la PH et nomme des euristiques : indexer (qui dit quoi à qui et pourquoi, par exemple), contextualiser (que savoir pour situer ces messages — directs ou indirects, volontaires ou involontaires — dans leur époque et leur donner du sens) et corroborer (quelles sources et interprétations peuvent être croisées) (voir aussi Wineburg et Wilson, 2001). Suivant Lee (2005), Seixas et Morton (2013) décrivent plutôt différents concepts soutenant cette PH et aidant les élèves à examiner le passé de façon critique, qu’Osborne (2013) résume ainsi :

[Comprendre] comment les historiens effectuent des recherches sur l’histoire, puis l’écrivent; la nature des faits et arguments historiques; pourquoi certains arguments historiques sont plus satisfaisants que d’autres; quels critères permettent d’en juger; comment les historiens utilisent les données pour élaborer des récits et des interprétations historiques. (p. v)

Ces auteurs ont en commun de se baser sur des pratiques en histoire (mais cela aurait pu être en anthropologie, en sociologie, etc.) pour mettre de l’avant des concepts et stratégies qui alimentent une stratégie d’enquête. Or, des avis fort différents s’expriment depuis longtemps sur la PH et s’inscrivent, pour simplifier, en deux figures diamétralement opposées.

Ainsi, Cutrara affirme que la PH (sans incriminer directement un modèle savant ou scolaire spécifique) réduit l’espace disponible pour «développer le respect et l’ouverture à la vérité» (2018, p. 251, trad. libre), qu’elle a été conçue pour « éluder les questions politiques délicates » (2020, p. 58, trad. libre) et qu’elle «impose une grammaire de la colonisation» (2018, p. 253, trad. libre). Par ailleurs, Smith (2021/1999) ajoute qu’un ensemble d’idées inhérentes à la modernité occidentale et corrélées à des croyances impérialistes à propos de l’Autre, vu comme « primitif, simple et émotif » (p. 34, trad. libre), caractérisent le discours historique. Tout se passe comme si historiens et didacticiens appliquaient et promouvaient ce type d’histoire, son axiologie, son épistémologie, son ontologie et ses produits historiographiques racistes.

Inversement, pour Laville (1988) ou Ségal (1990), eu égard à l’accent que met la PH sur la problématisation, le débat ou les perspectives multiples et contradictoires, initier les élèves à la PH est une manière prometteuse de les intéresser au monde d’aujourd’hui et à sa complexité aussi bien que de développer leur pensée critique, c’est-à-dire une pensée s’interrogeant sur ses assises ou conséquences, comme sur celles des autres discours, et acceptant la révision au besoin (Gagnon et al., 2018). En somme, pour eux, si l’histoire devait nuire à la formation d’esprits autonomes et critiques, elle n'aurait d’histoire que le nom et ne devrait pas être enseignée.

Ces deux tendances générales trouvent des réponses antagoniques à trois questions sur la PH : (1) promeut-elle davantage la compréhension des questions du passé ou du présent; (2) accorde-t-elle plus d’importance à la pertinence pour la qualification ou à la signifiance pour les élèves; (3) favorise-t-elle plus l’énonciation et l’intégration aux structures sociales ou leur dénonciation (Conrad et al., 2022)? L’importance de cet ensemble de questions transcende les frontières des entités politiques, comme le Canada, les États-Unis ou le Québec, issues d’une conquête coloniale; elle revêt même un caractère universel, dans la mesure où ces trois questions portent moins sur de mauvaises applications que sur la nature de la PH. En effet, la PH serait partout condamnable s’il s’avère que l’eurocentrisme — ou pire : le racisme — est consubstantiel à l’épistémologie de la PH et « fixe les règles pour consigner par écrit du récit statique et exclusif émanantdu pouvoir » (Cutrara, 2018, p. 266, trad. libre) ou que l’approche disciplinaire (donc l’enseignement centré sur le développement de la PH) met nécessairement l’accent « sur le passé plutôt que le présent, le contenu académique plutôt que la pertinence perçue par les élèves et la critique plutôt que la participation » (Conrad et al., 2022, p. 2, trad. libre). Les réponses à ces questions pourraient aider chacun à déterminer, selon ses propres positions institutionnelles, politiques ou sociales, s’il est approprié d’enseigner la PH aux élèves.

Cet article explore ces trois questions. Pour ce faire, la première section pose tout d’abord la thèse — souvent émise — de l’opposition entre, d’une part, la PH et, d’autre part, l’accueil de la diversité des modes de connaissance et la formation de la pensée critique. Elle les reprend, sans juger tout de suite de leur exactitude : audit alteram partem. La deuxième section esquisse l’image que la pratique d’historiens classiques trace de leur épistémologie de l’histoire et ce que cela implique pour la PH. La dernière section dégage de recherches récentes en didactique des SHS des conditions qu’il s’agirait de réunir pour qu’une approche disciplinaire respecte les divers discours de vérité qui coexistent, tout en favorisant l’autonomie intellectuelle des élèves et leur agentivité (au sens où les agents font l’histoire par leurs actions intentionnelles, non pas « […] arbitrairement, dans les conditions choisies par eux, mais dans des conditions directement données et héritées du passé » [Marx, 1997/1852, p. 13]).

LA PENSÉE HISTORIENNE COMME OBSTACLE À LA DIVERSITÉ ET À LA JUSTICE SOCIALE

Nombreux sont les chercheurs ayant attesté, décortiqué, illustré et récusé différents travers de l’histoire, comme sa fausse neutralité ou son particularisme déguisé en universalisme : de Simiand (1960/1903) ou Bloch et Febvre (1929) jusqu’à Noiriel (1996) et Prost (1996) ou Subramanyan (2002), Ferro (1985), Ginzburg (2010/2006) et Zancarini-Fournel (2016), en passant par Marrou (1975/1954), Carr (1996/1961), Thompson (1966), Wachtel (1967), De Certeau (2011/1974), Thompson (2005/1975) et surtout Chesneaux (1976), les critiques disciplinaires de l’histoire savante sont disparates, nourries, récurrentes… et séculaires. Nous ne les récapitulerons pas, nous concentrant davantage sur les trois objections portées notamment par les courants décoloniaux, qui les réactualisent à leur manière et que nous avons énumérées. Du reste, le nombre des variantes de ces trois propositions surpasse déjà ce dont nous pouvons traiter ici. Nous avons donc résolu, par souci de brièveté et de clarté, de présenter les caractéristiques communes de chacune de ces trois catégories, telles que Cutrara (2020) et Smith (2021/1999) les exposent, tout en étant conscients que réduire les modalités caléidoscopiques d’une même objection à leurs caractéristiques communes les plus simples nous expose au risque de faire abstraction des contradictions, de la complexité et des nuances.

Tout d’abord, la PH survaloriserait la compréhension du passé, qu’elle présente comme neutre, aux dépens des questions d’aujourd’hui. Or, la science n’étant pas autonome ni politiquement impartiale dans ses choix thématiques, ses corpus ni ses méthodes, la prétention d’objectivité d’un enseignement disciplinaire basé sur l’analyse des sources primaires écrites conforterait le néolibéralisme et le racisme en feignant de dépolitiser le curriculum, voire saperait la conscientisation des opprimés et leur volonté de participer aux réformes pour la justice sociale (Cutrara, 2020). Cependant, quel enseignant d’histoire peut encore croire que le Canada a un passé noble (Wallace-Casey, 2022), alors que les personnes dont l’espérance de vie est la plus courte (10 à 15 ans de moins que la moyenne), les conditions économiques les plus précaires, le taux de suicide le plus élevé, entre autres indicateurs, font souvent partie des Premières Nations (Sawchuk, 2020) et que ces inégalités sociales contemporaines s’expliquent par des actes politiques anciens (et récents), comme l’esclavage, la dépossession des territoires, la création des réserves et pensionnats, entre autres héritages coloniaux (Beaulieu, 1997; Coulthard, 2021; Delâge, 1985; Delâge et Warren, 2017; King, 2017/2012)?

Ensuite, toujours selon Cutrara (2020), la PH se centrerait sur la pertinence du contenu curriculaire et du magistral. Cela se ferait aux dépens du développement des élèves et de ce qui a un sens pour eux. La PH se focaliserait en outre sur des modes de connaissance occidentaux. Cela aurait pour effet de dévaloriser d’autres types de savoirs et de sources, ceux de la tradition orale, du folklore, des mythes, en particulier en regard des critères de validité de celles-ci, de leurs méthodes et de leur portée (Conrad et al., 2022; Smith, 1999/2021)3.

Enfin, la PH favoriserait l’adhésion à une vision télique de l’histoire (souvent centrée sur la trajectoire linéaire, monofactorielle et univoque d’un progrès, lui-même souvent d’abord défini par rapport à la technologie actuelle [Seixas, 2000]), ainsi qu’aux valeurs coloniales et à l’intégration des élèves aux structures sociales qui portent celles-ci, les opprimés étant amenés à se définir selon des critères accessoires et arbitraires qui les opposeraient faussement les uns aux autres et identifieraient (erronément) certains d’entre eux à leurs oppresseurs communs.

La profusion hétéroclite d’historiens qui récusent l’histoire-bataille et la « grande histoire » au bénéfice d’histoires par, pour et sur les « autres » (notamment Bouchard, 1996; Boudon, 2016, 2017; Brunet, 1966; Finley, 1984; Foner, 1941; Genovese, 1989/1961; Hobsbawm, 1959; James, 1983/1938; Monteil, 1840; Perrot, 1957; Singaravélou et al., 2020; Trudel, 1960; Yellen, 1936; Zemon Davies, 1979/1965; Zinn, 1964) conteste depuis longtemps cette contradiction putative entre la pensée critique et la PH.

Leur récusation des discours narratifs promotionnels (et de leurs usages et effets idéologiques) androcentrés, eurocentrés, etc., repose sur des observations empiriques que de nombreuses recherches en éducation (complétant les analyses initiales comme celles de Dewey [2001/1927], Freire [1974] ou Giroux [1978]) ont étayées à propos d’activités que les programmes d’études s’abusent souvent à prendre pour de l’histoire. De façon stable depuis plus de 50 ans, ces recherches internationales concèdent que, dès le 19e siècle, des buts nuisibles au développement de la pensée critique et des contingences pratiques ont présidé à l’institution d’un enseignement de l’histoire aux finalités identitaires et patrimoniales exogènes (et incompatibles) à la PH (Chervel, 1988; Citron, 1987; Lefrançois, Éthier et Demers, 2009; Thiesse, 2001/1999; Snyders, 1965), que ces finalités perdurent dans les programmes d’études (Audigier, 1995; Moreau, 2006), qu’elles reposent sur des pratiques d’enseignement tributaires du récit magistral (Boutonnet, 2017; Cuban, 2020; Demers, 2019; Fallace, 2022; Levstik, 2008) confortées ou contraintes par des représentations sociales communes à de nombreux enseignants (comme l’incapacité imaginaire des élèves à enquêter) (Arias-Ferrer et Egea-Vivancos, 2019; Demers et Éthier, 2013; Lanoix, 2019; Lanoix et Moisan, 2022; Moisan, 2019; Moreau, 2017) et par des manuels (Amalvi, 1984; Baquès, 2007; Carbonell, 1978; Choppin, 1980; Carrasco et Miralles Martínez, 2016; Dalongeville, 2001; Éthier, 2000; Éthier et al., 2013; Lefrançois et al., 2010; Vincent et Arcand, 1979) ou des examens uniformes mettant l’accent sur la rétention des connaissances (Déry, 2019; VanSledright, 2014).

Déjà en 1984, Laville concluait d’une synthèse des écrits savants en éducation que l’étude de l’idéologie des manuels d’histoire était déjà alors l’un des champs de recherche les plus moissonnés depuis les vingt précédentes années et qu’elle montrait bien que l’école sert à légitimer et perpétuer les rapports sociaux, ce que signalaient également d’innombrables recherches sur les idéologies dans les manuels menées dès les années 1960 (et même avant, par exemple : Sévigny, 1956) dans de nombreux autres pays. Tout en regrettant la place congrue réservée à l’époque aux recherches sur les pratiques de prescription, de construction, de diffusion, de réception ou d’assimilation du savoir de ces ouvrages et leur itinéraire accidenté qui relève de la transposition didactique (Chevallard, 1985), il donnait l’exemple d’une bibliographie étatsunienne de quelque 500 titres (à ce moment-là) sur la question dont les trois quarts étaient consacrés à l’image que les manuels véhiculent de certains groupes ou à l’absence de divers mémoires, phénomènes et thèmes. Laville notait aussi que ces recherches, dans les nombreuses sociétés étudiées, indiquent que les manuels d’histoire privilégient « la version de l’équipe [sociale] gagnante » locale contemporaine — celle dont il faut respecter l’ordre social et à laquelle il faut s’identifier, quelle qu’elle soit (il peut s’agir des colonisateurs, des hommes, des patrons, etc., un attribut n’en excluant pas toujours un autre) — et que la structure des manuels scolaires demande à leurs lecteurs qu’ils adoptent une posture de consommation et de croyance (d’un récit), et non de problématisation ou de production (d’un récit ou d’autre chose). La recherche a continué de le confirmer, et ce, dans toujours plus de pays, à propos de groupes toujours plus variés, comme l’indiquent Choppin (2008) et les centaines d’entrées ajoutées depuis dans la base étatsunienne de données ERIC, entre autres (Gómez-Carrasco et al., 2022).

D’après Apple (1993), dans la suite de ses analyses des années 1970-1980 (et un peu à la manière de Bourdieu et Passeron [1964], Bowles et Gintis [1976] ou Beaudelot et Establet [1971]), ce que les curriculums considèrent être du savoir légitime est toujours sociopolitique, les prescriptions des curriculums étatsuniens masquant la diversité (d’ethnies, de genres, etc., dont les découpages sont contingents et socialement déterminés, et non naturels, quoique souvent essentialisés) et ne se préoccupant de celle-ci que pour l’intégrer à la culture hégémonique. En somme, les contenus plus inclusifs perpétuent l’assimilation des valeurs des classes dominantes. L’enseignement apologétique du récit national dans les cours d’histoire en témoigne. On demande aux élèves d’assimiler des connaissances déclaratives sur les grands évènements politiques et de croire qu’un noyau de personnes, surtout des hommes, pourvoit aux transformations politiques, économiques et sociales, même si on intègre à ce noyau de nouveaux personnages pour refléter la diversification de l’élite. Certaines représentations sociales enseignantes et les pratiques qui en procèdent (comme donner préséance, sur la conduite d’un débat pertinent, au cumul d’une masse de notions descriptives et simples vues comme préalables [Lanoix et Moisan, 2022; Tutiaux-Guillon, 2015]) favorisent des finalités normatives, patrimoniales et culturelles exacerbant la détraction des personnes marginalisées (Demers, 2019). Reisman et al. (2020) notent en outre que des enseignants étatsuniens évitent de traiter d’enjeux raciaux en salle de classe pour prévenir les conflits. D’autres représentations et pratiques, telle l’application mécanique des démarches associées à la PH, limiteraient la démarche critique à ses aspects locaux et techniques ou stériliseraient les débats et rehausseraient peu le niveau de réflectivité (Doussot et Vézier, 2015; Elmersjö et Zanazanian, 2022; Jay, 2021; Moisan, 2017; Seixas, 2000).

En somme, selon Cutrara (2020) et plusieurs autres, l’école (1) confine ses enseignants dans une cage normative n’accordant de la valeur qu’à un mode de pensée qui écarte les sources pertinentes (orales, entre autres), (2) entérine des connaissances ciblées à des fins patrimoniales et (3) occulte les controverses, notamment celles portant sur les causes systémiques des injustices. Cependant, en raison de la diversité des démarches d’enquête en histoire transposables en classe, tous n’en concluent pas que la PH soit congénitalement porteuse de ces tares.

CE QU’EST L’HISTOIRE SAVANTE ET COMMENT ELLE SERT — SANS ÊTRE SERVILE — LA JUSTICE SOCIALE : QUELQUES ÉCHANTILLONS



Alors que l’histoire des vainqueurs ne voit qu’un seul côté, le sien, celle des vaincus doit, pour comprendre ce qui s’est passé, prendre en compte les deux côtés. (Hartog, 2000, p. 6)

Si les curriculums sont eurocentrés parce que les historiens le sont nécessairement dans leurs processus comme dans les conclusions, aucune autre transposition critique ou émancipatrice de la PH ne se peut. Cette négation de l’intérêt de penser la transposition nous parait infondée, comme nous nous emploierons à l’expliquer ici.

À l’inverse de l’hypothèse qu’avance Smith (2021/1999), la plupart des historiens ne prétendent en effet plus depuis longtemps que les faits parlent d’eux-mêmes ou ne demandent qu’à être cueillis et mis en ordre. Ils ne croient pas non plus que les archives et les autres écrits sont les seules sources d’information, que leur travail se réduit à l’évocation d’un passé mort ni que l’abjection d’hier légitime l’abjection d’aujourd’hui. Ils soutiennent même que leur pratique génère l’objet historique et les sources, que leurs questionnements dépendent de leur système de valeurs et de leur inscription dans leur temps. En outre, ils considèrent que l’étude du passé ne peut séparer celui-ci du présent et qu’elle sert la compréhension des questions actuelles, tout comme l’observation des règles de rigueur qu’elle se donne pour produire du savoir n’empêche ni d’analyser des questions politiques en suivant ces règles, ni de tirer de ce savoir ses propres conclusions et, par suite, de s’opposer à des rapports sociaux injustes, par exemple, ni non plus d’avoir ses propres biais. Enfin, si plusieurs d’entre eux ont durablement communié à l’autel idéologique de la discrimination, de l’exploitation ou de l’oppression, plus rares sont aujourd’hui ceux qui défendent de telles idées dans leurs écrits savants : eux aussi sont les enfants de leur temps, en l’occurrence celui des luttes antiimpérialistes, féministes, etc. (Symétriquement, cela n’a pas empêché et n’empêche toujours pas des historiens de soutenir un « camp adverse » ni les « belligérants » de produire des plaidoyers pro domo.)

Ainsi, pour Moniot (1974), les historiens fabriquent l’histoire et le font à leur image, ne serait-ce que parce qu’ils posent leurs questions, manient leurs concepts et méthodes. Ils ne détiennent pas le monopole et ne sont pas les canaux de la transmission directe de l’information sur le passé, qu’ils ressusciteraient de façon neutre et tel qu’il était (comme l’espéraient les héritiers historicistes de Ranke ou positivistes de Comte [White, 1986]), mais des auteurs à la cécité et la vue affectées par les postures, structures et conjonctures (culturelles, économiques, politiques, sociales…) historiques et actuelles :

Il y avait l’Europe, et c’était toute l’histoire. En amont et à distance, quelques «grandes civilisations», que leurs textes, leurs ruines, parfois leurs liens de parenté, d’échanges ou d’héritage avec l’Antiquité classique, notre mère, ou l’ampleur des masses humaines qu’elles opposèrent aux pouvoirs et au regard européens, faisaient admettre aux marges de l’empire de Clio, aux bons soins d’un orientalisme féru de philologie et d’archéologie monumentale, et voué, souvent, à l’ostension des «invariants» spirituels. Le reste : des peuplades sans histoire, comme en tombaient d’accord l’homme de la rue, les manuels et l’Université.

On a nous a changé tout cela. Depuis dix à quinze ans, par exemple, l’Afrique noire entre en force dans le champ des historiens. Qu’est-ce qui a rendu cela possible?

[…] La lutte anticoloniale a retourné les «arguments» qui légitimaient la sujétion. (Moniot, 1974, p. 149, 151)

Plusieurs critiques adressées, par des essayistes ou tribuns, à l’historiographie savante et scolaire prennent le contrepied des critiques énoncées par l’approche décoloniale et la vouent aux gémonies. Elles soutiennent que le développement de la PH à l’école se détache (à tort) de la pertinence scolaire et promeut la compréhension des questions du présent au lieu de celles du passé; que la production historiographique savante et sa transposition scolaire méprisent l’histoire politique nationale et prétendent qu’elle embrigade inexorablement, n’ont de considération que pour des histoires accessoires, partisanes et spécifiques (des Autochtones et francophones au Canada; des Bretons en France; des femmes, immigrants, noirs et ouvriers partout, etc.; culturelle, sociale, etc.); qu’elles sont antipatriotiques, éclectiques, postmodernes et relativistes; qu’elles empêchent la nation (celle de l’énonciateur) d’accomplir sa destinée (démocratique, pacifiste, etc.) manifeste, voire qu’elles entrainent le déclin de la civilisation (Cheney, 1994; Granatstein, 1998; Zemmour, 2010). Il n’y a donc pas d’unanimité dans les usages (sociaux) de l’histoire, mais des tensions qui reflètent les rapports sociaux contradictoires d’aujourd’hui.

D’autres, plus circonspects et paisibles, déplorent néanmoins l’effritement de l’histoire (savante, en l’espèce) des grands évènements et personnages politiques ou des thèmes liés à la nation :

L’offre de cours des départements d’histoire québécois néglige les grands événements de notre histoire nationale. Nos départements francophones ne disposent d’aucun spécialiste de la guerre de la Conquête [de la Nouvelle-France par l’Angleterre, 1754-1763], des Rébellions de 1837 ou de l’histoire constitutionnelle du Québec. Le financement fédéral de la recherche en histoire […] n’incite guère les chercheurs québécois à consacrer leurs recherches à l’histoire politique et nationale du Québec. Les thèmes de recherche sur lesquels travaillent actuellement les historiens universitaires spécialisés sur le Québec montrent un intérêt marqué pour l’histoire sociale et culturelle. […] 575 mémoires de maîtrise et 141 thèses de doctorat en histoire ont été produits depuis 1995 dans nos départements francophones. Après avoir analysé les titres de ces recherches, nous pouvons affirmer que 22 % des mémoires et des thèses d’histoire réalisés depuis 1995 portaient sur un personnage ou un événement marquant de notre histoire nationale. Si l’on donne à l’histoire nationale un sens large, qui englobe les grands événements et personnages, mais ne s’y réduit pas, on constate que 35 % des mémoires et 33 % des thèses traitaient de la question nationale (Bédard, 2011, p. 5).

Pour nombre de ces critiques (anciennes et récentes), comme l’ont montré Blanc, Chéry et Naudin (2016), Petitclerc (2016), Le Glaunec (2020) ou Zimmerman (2022), l’histoire (savante et scolaire) pècherait par prosélytisme « diversitaire » (Bock-Côté, 2021), entre autres. Les polémiques publiques d’historiens sur l’actualité ne sont ni exceptionnelles ni neuves ou régionales, comme en témoigne la pluralité des opinions des Newton Gingrich, Pierre Nora et Gioacchino Volpe ou des Micheline Dumont et Pierre Vidal-Naquet, et elles peuvent faire preuve de sérieux tout en étant engagées. Ainsi, à l’automne 1957, lorsqu’il apprend la disparition et le décès de Maurice Audin, un militant anticolonialiste arrêté par les militaires français pendant la bataille d’Alger, l’historien Vidal-Naquet entreprend une enquête circonstanciée sur cet évènement. Le classiciste rend compte de son travail dans un ouvrage paru en 1958. Il y analyse, pièces à l’appui, les conditions d’arrestation et de détention d’Audin. En bon historien, il rapporte sobrement et rigoureusement les faits pertinents le plus fidèlement possible, croise les témoignages et montre que la thèse officielle « contient un nombre inacceptable d’invraisemblances et de contradictions » (Vidal-Naquet, 1989/1958, p. 103). Entre 1980 et 1987, ce même historien intervient encore dans la cité, cette fois contre l’imposture « révisionniste », qui tente de réhabiliter le fascisme en niant que le régime nazi et ses complices aient voulu perpétrer un génocide, que des chambres à gaz aient existé ou que près de six-millions de Juifs d’Europe aient été tués entre 1939 et 1945. Malgré les brimades qu’il subit alors, Vidal-Naquet (2005/1987) publie cinq articles (dont « Un Eichmann de papier ») et les réunit dans Les assassins de la mémoire; il y décortique avec précision ce mensonge et ses mécanismes, et l’infirme. Il ne s’agit pas du seul historien engagé, tant s’en faut : ils abondent même, en commençant par Lorenzo Valla! Nul besoin de multiplier, donc, les exemples d’usages de la PH pour critiquer la fabulation, la fiction, la forgerie, la fraude… Dans chaque cas, ce n’est pas l’histoire qui s’engage de façon normative, mais des historiens singuliers qui multiplient les mises en garde contre les biais d’attribution ou de confirmation, par exemple, qu’ils décrivent ou non leurs pratiques comme de la PH.

En somme, bien que l’histoire savante décrite par Battiste (2000), Conrad et al. (2022), Cutrara (2018, 2020), Smith (2021/1999) ou Tyson (1998) existe, comme nous l’avons rappelé plus haut, et que l’itinéraire de l’histoire savante soit complexe et contradictoire, la PH exercée par certains historiens ne ressemble guère à cette image d’Épinal inversée, car l’histoire (scolaire et savante) est fluide et plurielle. Du reste, maints historiens reconnaissent sans peine que cette pluralité sociale et temporelle dément l’axiome d’un progrès de la pensée et de la critique. La diversité des hésitations, contextes, intérêts, déterminismes et libertés marquent l’histoire de l’histoire, dont les frontières sont contingentes et poreuses (notamment avec d’autres champs du savoir, comme l’annonçait le sous-titre du tome 2 de Faire l’histoire). Les trois attributs dénoncés par Cutrara et d’autres ne caractérisent donc pas la PH, qu’elle soit définie par Seixas (2000) ou par Wineburg (2001).

DÉFENSE ET ILLUSTRATION DE LA PENSÉE HISTORIENNE TRANSPOSÉE

L’effet — favorable sur le développement de la pensée critique des élèves ou sur leur ouverture d’esprit, entre autres — de l’examen en classe de controverses, débats historiographiques, questions socialement vives ou d’activités de critiques de sources, par exemple, a été analysé par d’innombrables auteurs (Barton et Ho, 2021; Callahan et al., 2015; Ellis et Vincent, 2020; Freedman, 2020; Gronostay, 2016; Hess, 2009; Hess et McAvoy, 2009; Jahr et al., 2016; Kuhn et Crowell, 2011; McCully, 2006; McGregor, 2017; Metro, 2020; Ormond, 2011; Panissal et al., 2016; Parker, 2010; Reinhardt, 2016; Reisman et al., 2020; Tupper, 2014; Waterson, 2009; Yeager Washington et Humphries, 2011).

Il en ressort notamment que prendre en compte la diversité dans l’éducation citoyenne et développer la pensée critique ne sont pas une mince affaire. Il faut confronter des représentations bien enracinées : plusieurs élèves et enseignants attribuent à l’ignorance ou à l’infériorité intellectuelle les comportements et mœurs anciens différents des leurs ou qu’ils ne s’expliquent pas ou voient les individus comme les seuls agents et les groupes comme des bénéficiaires passifs ou encore ne voient que les rapports individuels, pas les rapports économiques ou sociaux (Arias-Ferrer et Egea-Vivancos, 2019; Ashby et Lee, 2001; Barton, 1997; Barton et Levstik, 2004; Dalongeville, 2001). Dans ce contexte, les idées sur la transposition didactique de la PH mises de l’avant depuis 30 ans par Peter Seixas (et d’autres avant, avec, en parallèle de ou après lui, comme Dalongeville, 2001) nous paraissent devoir être prises au sérieux, et non caricaturées ou critiquées de façon superficielle, afin de les rejeter au prétexte qu’elles porteraient une attention insuffisante à la nature interprétative de l’histoire ou aux interrelations dynamiques entre le passé, le présent et le futur.

Poser aux élèves des questions suscitant la réflexion est un élément intégral de notre approche de l’enseignement de l’histoire. Des questions efficaces devraient les pousser à se pencher sur le passé de façon plus active. Les questions d’enquête exigent davantage que retenir des informations ou chercher des solutions. Elles demandent qu’on se débatte avec les faits, qu’on pèse les différentes options et qu’on fasse des interprétations. Donc, nous posons de grandes questions qui demandent des réponses et proposons des problèmes pertinents à résoudre. Ces questions, intégrées dans le déroulement de la leçon, peuvent, selon les cas, alimenter des discussions, des analyses ou même des leçons entières. Dans le processus, nous guidons les élèves, mais sans éliminer la nécessité d’employer leur créativité ou de débattre. Comme les concepts de la pensée historique, une approche basée sur l’enquête prend pour modèle les questions posées par Brook sur les origines de la mondialisation ou celles soulevées par Carlson au sujet de l’identité des Premières Nations, et les ramène à une échelle adaptée à un niveau accessible aux élèves. (Seixas et Morton, 2013, p. 9)

Les travaux de Seixas (2017) et d’autres mettent donc en relief plusieurs contraintes, limites et obstacles didactiques au développement de l’autonomie intellectuelle et de la pensée critique des élèves comme de leur agentivité en acte et de la tolérance qui seraient les corolaires de ce développement et du respect des divers discours de vérité qui coexistent. Parmi ces limites, outre celles déjà citées, comme la réification de la méthode ou son effet superficiel et transitoire, sur le rapport au savoir des élèves (Demers et Éthier, 2013; Doussot, 2018a, 2018b; Gómez Carrasco et Miralles Martinez, 2016; Jay, 2021; Maddox et Saye, 2017; Moisan, 2017), notons le manque d’outils ou l’impression qu’ont des enseignants d’être incompétents ou imposteurs (Beghin et al., 2020; Brunet et al., 2019; Scott et Gani, 2018).

Cependant, les différentes «écoles» de recherche sur la PH, en Allemagne, au Canada, aux États-Unis, au Royaume-Uni (selon le classement de Seixas, 2017) ou aux Pays-Bas ayant testé des enseignements qui mettaient la PH en leur centre montrent aussi qu’un enseignement basé sur la problématisation, le débat de preuves et d’autres éléments d’un enseignement disciplinaire peut être signifiant pour les élèves et développer leur agentivité, leur autonomie intellectuelle, leur pensée critique, leur tolérance ou leur réflexivité.

Par exemple, les travaux récents de Bickford et Clabough (2020), Colley (2019), Hughes (2022), Reisman (2012), Schocker (2021), Varga et al. (2019) ou Wissinger et al. (2021) pointent tous en direction d’un usage des documents en histoire comme interprétations ou preuves à critiquer et peser à partir d’une question politique actuelle qui nécessite une mobilisation authentique de la PH.

QUE FAIRE POUR ENSEIGNER DANS UN MONDE EN RUINES : REMPLACER UNE HISTOIRE NARRATIVE EN FAILLITE PAR UNE AUTRE OU LUTTER POUR L’ESSOR D’UNE HISTOIRE CRITIQUE?

Le clin d’œil que cet intertitre fait à Febvre (1920) s’explique par ces mots : « L’histoire qui sert, c’est une histoire serve. […] La vérité, nous ne l’amenons point, captive, dans nos bagages. Nous la cherchons » (p. 4).

Au Québec (Boutonnet, 2017; Cardin, 2021), les programmes actuels d’études de l’histoire gardent la marque des curriculums créés aux 19e ou 20e siècles en Amérique et en Europe pour enseigner aux citoyens « leur » identité nationale et valider en général l’ordre économique, social et politique du moment, au profit inavoué des élites locales qui sélectionnaient du passé ce qui leur convenait, pour découper des communautés imaginées à leur ressemblance et leur fabriquer un passé spécifique laudatif (Anderson, 1996; Thiesse, 2001/1999). Les enseignants d’histoire ne peuvent ignorer ni ce penchant de l’histoire scolaire, ni les démentis que l’histoire savante oppose au roman national, ni l’existence de nombreux choix didactiques pouvant appuyer le développement de la pensée critique des élèves et la prise en compte de la diversité des mémoires comme des méthodes, ni les capacités des élèves de réaliser ces apprentissages et de les utiliser hors de la classe pour clarifier leurs idées et intérêts, voire pour opposer la force des arguments aux arguments de la force culturelle, économique, politique ou sociale. Certes, l’arme de la critique ne peut suppléer la critique des armes, dirions-nous en paraphrasant Marx (1975/1843), mais une idée se répandant dans une population devient une puissance matérielle.

Comment, dans ces circonstances, prendre en compte les évolutions sociales liées à la pluralité des identités culturelles, des registres de connaissances et des normes épistémologiques… tout en évitant Charybde et Scylla, l’effacement des luttes des opprimés et l’instrumentalisation de l’histoire? Il faudrait développer l’agentivité, l’autonomie intellectuelle et la pensée critique. Chacun sait sans doute que cette solution simple en apparence ne l’est pas du tout : la recherche montre même qu’elle est en fait très difficile à mettre en pratique et n’a rien d’une panacée. En effet, un objet du passé — surtout s’il est toujours porteur de débats socialement vifs — à partir de traces peut être étudié de multiples manières, hélas pas toutes complexes, interprétatives… L’emploi mécanique de la PH farde d’une réflexivité creuse et usurpée des procédures vidées de leur sens, tel un Procuste préparant un lit sur lequel coucher les débats, les sources, les interprétations qui sont faciles à utiliser ou qui confortent le (nouveau) récit qu’on veut imposer...

La fausse simplicité de cette solution a toutefois le mérite de rappeler que les attaques contre la PH visent la mauvaise cible : il faut mettre de l’avant une histoire comme matière à penser (PH), et non comme matière à panser (narratif), quel que soit ce prêt à penser. Passer de l’historiographie au curriculum ou de la pratique savante à la pratique scolaire, comme s’il y avait identité entre les deux, en faisant l’économie de la complexité historiographique (ses débats, problèmes, rapports au savoir) conduit à un faux dilemme (l’impasse ou la mémorisation de la «bonne» interprétation) plutôt qu’à travailler la transposition des conditions (épistémiques, sociopolitiques, etc.) et moyens (concepts, euristiques, etc.) qui permettent aux opprimés (et aux autres) d’engager et de mener rigoureusement et sereinement leurs débats historiographiques.

Les diverses pistes de solution mises à l’épreuve par des chercheurs fournissent quand même des indications dont on peut et doit tenir compte, car elles ont des effets heureux sur les élèves, comme le montraient déjà en 1993 Pontecorvo et Girardet (Lefrançois et Éthier, 2008).

Néanmoins, il faut encore se demander si, au-delà des cas anecdotiques ou épisodiques, la forme scolaire est compatible avec le développement de l’autonomie et de la pensée critique plutôt qu’avec la reproduction des relations sociales. Comme le rappelait encore tout récemment l’historien et journaliste Nadeau (2022),

[l’]école n’abolit pas les inégalités. Au contraire, elle les reconduit. Quand bien même chacun irait à la même école, avec les mêmes professeurs, les distinctions des divers groupes sociaux seraient encore là, sous le grand chapiteau de la société de consommation. Un enfant, selon le capital culturel et économique dont il dispose à la maison, ne se trouve pas dans une situation d’égalité du seul fait qu’il a les mêmes professeurs et la même école que les autres. Pour connaître une école plus juste, il faut d’abord réformer la société (p. A3).

Si cette situation sociale ne dispense pas les éducateurs de tenter de faire partie de la solution plutôt que du problème, la situation scolaire n’autorise pas non plus les citoyens qui s’identifient aux exploités et aux opprimés à renoncer aux changements politiques qui s’attaquent à la racine du problème : pour se libérer du colonialisme, du racisme, du sexisme, il ne suffit sans doute pas d’informer les bénéficiaires de ces pratiques de leur nocivité plus générale. Il se pourrait qu’il faille que ceux qui vivent ces injustices débattent des causes et moyens pour extirper les racines sociales communes actuelles de ces maux spécifiques, tout en s’opposant avec constance à chacun de ceux-ci, s’unissent au-delà de leurs différences apparentes… et agissent (en tout cas, nous ne connaissons pas d’exemples d’éradications d’injustices ayant procédé autrement). Si ces racines communes plongent dans un système social qui crée une école à sa ressemblance, qui récupère, produit et reproduit au quotidien diverses formes de relations sociales — d’oppression, d’exploitation, d’atomisation, de compétition et d’aliénation de milliards de femmes et d’hommes —, anciennes ou nouvelles, créées et divinisées par les humains, alors la pensée critique et la tolérance ne devraient pas être de trop.

NOTES

  1. Pour Peter Seixas (1947-2022), à sa mémoire. (Ce texte de 2022 a bénéficié de nombreuses correspondances et discussions avec certains proches collègues [Armand, Brunet, Cardin, Cariou, Doussot, Dupuis-Déri, Fink, Lanoix, Le Glaunec, Moreau, Moisan, Zanazanian]. Nous les en remercions, même si le résultat les laissera vraisemblablement sur leur appétit…)

  2. Au Canada, la découverte de centaines de sépultures non marquées d’enfants métis, inuits et des Premières Nations a exacerbé en 2020 la commotion médiatique qui s’enflait depuis au moins 20 ans et rendu impossible d’ignorer par exemple que, nonobstant l’ingénuité de certains acteurs, 150000 enfants ont été retirés de leurs foyers et hébergés contre leur gré dans des pensionnats (gérés comme des prisons par des églises – catholique, anglicane, presbytérienne et unie – aux ordres du gouvernement du Canada, entre 1867 et 2000), dans le but avoué d’anéantir leurs cultures. Les enfants ne pouvaient parler leur langue maternelle, étaient soumis à la malnutrition, aux maladies, au travail forcé, aux abus physiques et sexuels (Commission de vérité et réconciliation du Canada, 2016). Depuis lors, le cas des filles autochtones disparues et assassinées, un rapport sur les pratiques de stérilisations forcées et la mort de Joyce Echaquan des suites de mauvais traitements dans un hôpital ont montré que la discrimination systémique était encore une partie du quotidien de plusieurs personnes et que le racisme tuait toujours (Dussaut, 2022).

  3. Cette affirmation homogénéisante à propos de l’historiographie « occidentale » est contestable. Il n’est, pour s’en convaincre, qu’à rappeler que non seulement l’apparat critique n’a pas toujours existé (Grafton, 1998), mais que des auteurs présentés comme des fondateurs de cette tradition, tels Hérodote et Thucydide, préféraient le directement vu et entendu, se défiant de l’écrit… Ou encore que Hegel raillait l’historien prétendant avoir une attitude purement réceptive. Réitérons cependant que cette section ne commente pas les opinions émises par Cutrara (2020) ou Smith (2021/1999) et que la suivante reviendra sur le témoignage que les pratiques et productions de ces historiens apportent tant de leur propre critique des discours positivistes aussi dénoncés par Cutrara ou Smith que de leur volonté de générer des interprétations vérifiables du monde social pour le rendre intelligible et de débattre de celles-ci, à défaut de dénoter un consensus d’historiens sur les évolutions historiographiques (Loriga et Revel, 2022). Ajoutons que l’histoire n’a pas toujours été enseignée comme telle; encore au 20e siècle, elle venait en appoint pour aider à comprendre les textes latins à lire et à traduire. Enfin, rappelons l’illusion scolastique (soulignée par Bourdieu) qui amène un agent à croire intemporelles et universelles ses catégories et pratiques, comme si par exemple Spartacus ou les Zanj l’avaient attendu pour agir, critiquer, douter, penser.

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