Point de vue d’adolescents concernant le phénomène d’intimidation liée au poids et les stratégies d’intervention potentiellement efficaces


ANNIE AIMÉ Université du Québec en Outaouais

CYNTHIA GAGNON Clinique Imavi

LINE LEBLANC Université du Québec en Outaouais

JOSÉE GAGNON, CAROLINE TRUDEAU et ROXANNE LÉONARD ÉquiLibre



Au Québec, selon la Loi sur l’instruction publique, RLRQ, c. I-13.3, art.13, l’intimidation en général est définie comme :

Tout comportement, parole, acte ou geste délibéré ou non à caractère répétitif, exprimé directement ou indirectement, y compris dans le cyberespace, dans un contexte caractérisé par l’inégalité des rapports de force entre les personnes concernées, ayant pour effet d’engendre des sentiments de détresse et de léser, blesser, opprimer ou ostraciser (LIP, article 13, paragraphe 1.1)

Selon cette définition, l’intimidation comporte quatre caractéristiques essentielles. D’abord, l’intimidation implique un caractère intentionnel d’une forme de manifestation agressive de type verbal ou comportemental envers autrui. Elle comporte ensuite un caractère répété. Puis, elle fait référence à un déséquilibre de pouvoir entre la personne qui intimide et celle qui est intimidée (Evans et al., 2014; Fontaine, 2009; Gouvernement du Québec, 2018; Olweus, 2013). Enfin, il existe des différences dans les émotions ressenties entre la personne qui subit et celle qui commet l’intimidation. Alors que celle qui la subit vit de la détresse, celle qui la commet peut ressentir du plaisir ou un certain pouvoir (Juvonen et Graham, 2014).

La conceptualisation de l’intimidation liée au poids reprend les mêmes éléments que la définition générale de l’intimidation, mais en ayant le poids pour cible spécifique. Dans son Guide de pratique à l’intention des enseignants et des intervenants scolaires des écoles primaires du Québec, l’Association pour la santé publique du Québec (ASPQ) suggère la définition suivante : « L’intimidation à l’égard du poids vise les personnes ayant un poids différent des standards jugés acceptables et normaux par la société (personnes dont le poids est jugé insuffisant ou présentant de l’embonpoint ou de l’obésité) » (ASPQ, 2020, p. 7). Tout comme les autres formes d’intimidation, elle peut se manifester de manière directe (en personne) ou indirecte (cyberintimidation via un ordinateur ou un téléphone) et être de type verbal, relationnel ou physique (Puhl et Luedicke, 2012; Puhl et al., 2013; Puhl et al., 2013).

Ampleur de la problématique

L’intimidation liée au poids s’applique le plus souvent à des personnes présentant de l’embonpoint ou de l’obésité et il s’agirait de l’une des formes d’intimidation les plus répandues chez les jeunes (Bucchianeri et al., 2013; Dansereau-Trahan et al., 2014; Eisenberg et al., 2006). Elle est significativement plus fréquemment rapportée que celle par rapport à l’orientation sexuelle, aux compétences scolaires, à l’ethnie, au handicap physique, à la religion et au faible revenu familial (Lessard et Lawrence, 2022; Puhl et al., 2011).

La norme de minceur à laquelle adhère une majorité de jeunes accentue le risque que ceux qui présentent de l’embonpoint ou de l’obésité subissent de l’intimidation, et ce, particulièrement en milieu scolaire (Puhl et King, 2013; Shetgiri et al., 2015; Van Geel et al., 2014). En effet, comparativement aux jeunes ayant un poids considéré comme étant « normal » ou encore comme un « poids santé », ceux présentant de l’obésité sont 60 % plus à risque d’être intimidés par rapport à leur poids (Waasdorp et al., 2018). De plus, ce type d’intimidation tend à se maintenir, voire à augmenter tout au long du parcours scolaire des jeunes, mais aussi à persister à l’âge adulte (Haines et al., 2013; Puhl et King, 2013).

Lampard et ses collègues (2014) ont constaté que l’intimidation par rapport au poids est associée chez les jeunes à une plus faible estime de soi, à plus d’insatisfaction corporelle et de comportements de restrictions alimentaires chez les filles, et à davantage de symptômes dépressifs chez les garçons. En ce sens, une méta-analyse, réalisée par Menzel et al. (2010) avec des articles publiés de 1991 à 2009, a répertorié plusieurs associations entre l’intimidation par rapport au poids et l’insatisfaction corporelle, la restriction alimentaire et les comportements boulimiques.

Manifestations de l’intimidation liée au poids

Dans une étude de 2011, des adolescents âgés de 14 à 18 ans ont rapporté que l’intimidation liée au poids en milieu scolaire peut prendre plusieurs formes et que les moqueries, les insultes et les taquineries mesquines dirigées envers les personnes présentant de l’embonpoint ou de l’obésité sont particulièrement observables à l’école (Puhl et al., 2011). Notons de plus que les périodes d’activité physique représentent des moments propices aux moqueries dirigées envers les élèves présentant de l’embonpoint ou de l’obésité. Toujours selon les adolescents, l’intimidation liée au poids peut aussi se manifester par de l’exclusion, du rejet, de l’ignorance intentionnelle, des moqueries à la cafétéria, des rumeurs, des menaces, des insultes, du harcèlement ou encore de l’agression physique (Puhl et Luedicke, 2012; Puhl et al. , 2011). Enfin, cette intimidation peut se produire indirectement via un téléphone ou un ordinateur (Puhl et Luedicke, 2012; Puhl, Luedicke et DePierre, 2013; Puhl et al., 2013).

Stratégies proposées

Devant la forte prévalence de l’intimidation liée au poids, ses nombreuses manifestations et les associations négatives qu’elle entretient avec différents indicateurs de santé mentale, il importe de s’intéresser aux moyens de la contrer. Au Québec, la loi 56 a donné lieu à l’élaboration de plusieurs stratégies et programmes ayant pour objectif de contrer l’intimidation dans les écoles. Ceux-ci mobilisent les directions et le personnel des milieux scolaires et sont instaurés au prix de nombreux efforts. Bien que plusieurs stratégies pour contrer l’intimidation aient été proposées, les résultats des programmes visant à réduire et éliminer l’intimidation demeurent assez modestes. Alors que certains chercheurs concluent à une réduction des taux d’intimidation allant de 20 % à 23 % et de victimisation allant de 17 % à 20 % (Ttofi et Farrington, 2011), d’autres affirment observer une stabilité des taux de prévalence et une absence de maintien des effets des programmes dans le temps (Barbero et al., 2012; Cross et al., 2011).

Comme en témoignent les résultats d’une étude conduite aux États-Unis, il semble d’autant plus difficile de contrer l’intimidation en lien avec le poids (Hatzenbuehler et al., 2017). Ainsi, les taux de prévalence de ce type d’intimidation demeurent supérieurs chez les jeunes présentant de l’embonpoint et de l’obésité, en comparaison avec les autres jeunes (Hatzenbuehler et al., 2017). Ces chercheurs concluent que les mesures législatives mises en place depuis 2011 n’ont pas permis de réduire la disparité au regard de l’intimidation liée au poids chez les jeunes présentant de l’obésité.

Malgré tout, la direction et le personnel scolaire doivent à la fois s’assurer que les élèves, notamment ceux qui présentent de l’embonpoint ou de l’obésité, ne se fassent pas intimider (Lessard et Lawrence, 2022). Dans certains cas, un malaise à intervenir face à l’intimidation par rapport au poids pourrait même être ressenti. Ce malaise peut d’ailleurs être renforcé par le fait que, contrairement à d’autres caractéristiques personnelles comme l’ethnie, le genre ou l’orientation sexuelle, le poids est généralement considéré comme modifiable et que les personnes présentant de l’embonpoint sont jugées responsables de leur surcharge pondérale (Escoto et al., 2012; Puhl et al., 2013). De manière conséquente, l’intimidation subie par les jeunes qui présentent de l’embonpoint ou de l’obésité peut paradoxalement être perçue comme une façon de les sensibiliser à l’importance de perdre du poids. Il ressort d’ailleurs à cet effet que les stratégies les plus souvent utilisées pour contrer l’intimidation par rapport au poids semblent plutôt axées sur des méthodes reposant principalement sur les jeunes eux-mêmes, comme chercher à modifier leur poids ou éviter des situations inconfortables telles que les cours d’éducation physique (Puhl et al., 2013).

Le point de vue des jeunes quant aux stratégies visant à contrer l’intimidation liée au poids

À ce jour, peu d’études ont porté sur le point de vue des jeunes en ce qui a trait à ce phénomène et aux stratégies considérées comme efficaces pour le contrer. Pourtant, afin d’assurer l’efficacité des stratégies auprès des jeunes, il importe de connaître leur opinion. Or, le point de vue des jeunes est souvent négligé au profit de l’exploration de celui des enseignants ou des parents (Lafortune, 2014). De plus, l’expérience socioscolaire des jeunes est rarement considérée, et ce, même s’ils sont les principaux acteurs de leur parcours et de leur histoire scolaires (Lafortune, 2014). À cet effet, les groupes focalisés s’avèrent pertinents pour explorer et connaître les perceptions des jeunes (Schelbe et al., 2015). Le recours à un groupe de pairs, partageant un intérêt ou des expériences similaires en lien avec l’intimidation par rapport au poids, peut d’ailleurs faire en sorte que les adolescents puissent être plus confortables et qu’ils puissent même trouver plus facile de s’engager dans les discussions. Ainsi, l’objectif de l’étude actuelle est de mieux comprendre le point de vue des jeunes en ce qui a trait à leurs perceptions de ce qu’est l’intimidation liée au poids et des manières de la contrer à l’école secondaire.


MÉTHODOLOGIE

Participants et procédures

Les participants ont été recrutés parmi les élèves d’une polyvalente de la région de Laval qui présente un indice de défavorisation de 8 sur 10, 10 étant la valeur maximale. Une éducatrice spécialisée de l’école, qui avait préalablement indiqué son intérêt à s’investir dans un projet permettant de mieux comprendre le phénomène de l’intimidation par rapport au poids, s’est rendue dans toutes les classes de 3e, 4e et 5e secondaire afin d’informer les élèves du projet. Lors de ces visites, elle a remis une lettre d’information à tous les élèves présents pour les inviter à partager leur opinion dans le cadre d’une rencontre de groupe incluant un maximum de dix élèves. Les jeunes intéressés pouvaient signer la lettre d’information et la déposer, en toute confidentialité, au bureau de l’éducatrice. Au départ, 55 élèves, âgés de 14 à 17 ans ont indiqué leur intérêt à participer. Chacun d’eux a reçu un formulaire de consentement à signer dans lequel l’étude et les conditions liées à leur participation étaient présentées. Ils ont également reçu une lettre d’information à remettre à leurs parents. Dans celle-ci, les parents étaient informés de la possibilité de communiquer avec l’équipe de recherche pour recevoir plus d’information, pour poser des questions ou pour refuser que leur jeune participe. Aucun parent n’a communiqué avec l’équipe à cet effet.

Pour faire partie de l’échantillon final, les jeunes devaient répondre à trois critères, soit (1) avoir été récemment témoin d’intimidation en lien avec le poids à l’école; (2) être disponible lors de la journée sélectionnée et à l’heure prévue; et (3) confirmer leur intérêt à participer en remettant un formulaire de consentement à la participation signé à l’éducatrice spécialisée dans un délai d’une semaine après l’avoir reçu. L’échantillon final est composé des 19 adolescents qui répondaient aux trois critères de participation, y compris la remise de leur formulaire de consentement signé dans le délai demandé. Ainsi, 36 des jeunes initialement intéressés à participer et ayant reçu un formulaire de consentement ont choisi de ne pas participer sans avoir à fournir de raison. La moyenne d’âge des 19 adolescents participants était de 14,84. Plus précisément, l’échantillon final comprend trois garçons et 16 filles, répartis en deux groupes de discussion en fonction de leur niveau scolaire : un groupe d’élèves de 3e secondaire (n = 10) et un autre d’élèves de 4e et 5e secondaires (n = 9).

Les deux groupes de discussion ont pris place au même moment, chacun étant animé par l’une des autrices (AA et LL) et ayant une durée de 60 minutes. Puisque les rencontres avaient lieu sur l’heure du dîner, un repas était servi aux participants. Aucune autre compensation ne leur a été offerte. L’animation des groupes de discussion reposait sur une grille d’entrevue, préalablement mise au point par l’équipe de recherche et comprenant des questions portant sur les trois thèmes suivants : (1) les similitudes et les différences entre l’intimidation en lien avec le poids et l’intimidation en lien avec d’autres caractéristiques; (2) les raisons soutenant le fait de subir ou de commettre de l’intimidation en lien avec le poids; et (3) les stratégies jugées efficaces et moins efficaces pour éliminer l’intimidation en lien avec le poids à l’école. Le choix des thèmes a reposé sur une analyse de la littérature portant sur les situations d’intimidation en lien avec le poids. Afin de mettre les jeunes à l’aise, les animatrices ont d’abord pris le temps de rappeler les objectifs de l’étude, de définir l’intimidation avec les élèves participants et de leur rappeler les règles de confidentialité liées à leur participation. À tout moment, et de manière à favoriser un approfondissement des idées apportées par les jeunes, des questions spontanées et appropriées au contexte de l’entrevue étaient permises.


Analyses

Une analyse du contenu en trois étapes a été réalisée (Moreau et al., 2004). La première étape était centrée sur la collecte d’informations et consistait principalement à transcrire le contenu des enregistrements sous forme de verbatims et à les intégrer dans le logiciel Dedoose version 8.0.35 (Dedoose, 2018). La seconde étape visait à faire l’analyse des contenus. Cette analyse a été réalisée par deux des autrices (CG et LL). Lors de cette étape, les transcriptions de paroles provenant des verbatims ont été découpées, classées, comparées et confrontées, tout en restant centrées sur les questions clés. Cette étape a permis d’identifier des thèmes et des sous-thèmes, d’en éliminer des « hors sujet » et de détecter les idées nouvelles et inattendues. Enfin, la troisième étape impliquait la synthèse et l’interprétation des résultats. Elle a été réalisée par trois des autrices (AA, CG et LL), de manière consensuelle et en tenant compte de l’objectif de l’étude.

RÉSULTATS

Les entrevues de groupes focalisés ont permis de faire émerger des informations et opinions concernant trois thèmes couverts par les 12 questions incluses dans la grille d’entrevue. Le premier thème porte sur les différences entre l’intimidation liée au poids et l’intimidation en général. Le second relève les motifs qui expliquent pourquoi l’intimidation liée au poids est présente à l’école. Le troisième aborde la question de l’efficacité des stratégies utilisées face à l’intimidation liée au poids.


1. Différences entre l’intimidation liée au poids et l’intimidation en général

Au regard des différences entre l’intimidation liée au poids et l’intimidation en général, deux sous-thèmes ont émergé du discours des adolescents : (1) les particularités de l’intimidation liée au poids et (2) la manière dont l’intimidation liée au poids est vécue.

1.1 Particularités de l’intimidation liée au poids

Selon les adolescents, deux éléments caractérisent l’intimidation liée au poids. En effet, ce type d’intimidation se distingue par (1) son caractère subtil et (2) le fait qu’on s’en prend à l’essence même de la personne, à qui elle est, plutôt qu’à ce qu’elle fait et aux actions qu’elle pose.

En ce qui a trait au caractère subtil de l’intimidation liée au poids, les adolescents mentionnent qu’elle s’exprime et se vit d’une manière détournée. Selon ces derniers, elle serait en effet perpétrée de manière indirecte. Elle serait difficile à observer directement, mais chacun saurait qu’elle existe et elle pourrait être perçue à travers les rumeurs qui sont propagées.

C’est toujours comme très subtil. […] c’est pas ouvert. En fait là hum on est en train de parler comme ça et là comme quelqu’un passe juste un commentaire […] c’est sûr que j’en ai déjà vu mais la plupart des fois où j’ai vu des situations avec le poids et tout c’était vraiment comme très subtil. (Répondante 1 – fille – 3e secondaire).

Ben moi je pense que oui c’est subtil […] Par exemple, un groupe de gars sont en train de parler, parler blablabla puis y’a une fille qui passe. Ils vont être comme : « Ah cette fille-là est tellement sèche nanana » mais tellement fort que la fille va entendre. Faque ça c’est, tu t’adresses pas à la personne mais tu fais exprès pour que la personne entende. (Répondante 2 –– fille –3e secondaire)

Nous les filles, on est comme, au lieu de parler direct envers la personne on va vers d’autres personnes. On va tout de suite vers une autre personne puis l’autre personne va commencer à parler vers l’autre personne, puis ça va faire comme un genre de rumeur. (Répondante 18 – fille – 4e secondaire)

Les adolescents mentionnent également que ce type d’intimidation est dirigé vers l’essence même de la personne plutôt que vers les actions qu’elle pose.

Ben moi je pense qu’il y a une différence quelque part parce que quand tu intimides quelqu’un sur son poids c’est comme si tu vas aller chercher la personne qu’elle est alors que quand tu intimides quelqu’un, on va dire, je sais pas, la personne a fait quelque chose, on va dire que la personne a joue au basket mais elle est comme pourrie puis tu vas la niaiser là-dessus. Tu vas comme la chercher là-dessus tu sais comme c’est quelque chose que tu peux changer un peu. (Répondante 5 – fille – 3e secondaire)


1.2 Manière dont l’intimidation liée au poids affecte les adolescents

En ce qui a trait à la manière dont l’intimidation liée au poids affecte les adolescents, deux notions ressortent : (1) ce type d’intimidation aurait un effet profond sur la personne et (2) il engendrerait des conséquences psychologiques.

Pour parler des effets potentiels profonds de l’intimidation liée au poids, l’une des adolescentes dit : « ton poids, ce que tu es, la personne que tu es, tu te réveilles le matin, c’est ce que tu vois, c’est plus profond je trouve » (Répondante 5 – fille – 3e secondaire). Non seulement ce type d’intimidation affecterait l’estime de soi de la personne, mais il viendrait aussi exacerber des préoccupations déjà présentes dans une période critique du développement.

Ben c’est ça, je crois que c’est pire […] à notre âge comme je pense qu’on se préoccupe genre vraiment beaucoup de notre apparence. […] y’a notre puberté qui vient, notre corps change puis tout et je crois que ça peut vraiment atteindre quelqu’un parce que comme tout le monde s’en soucie. Y’a pas personne qui va dire « ah je m’en fous de mon apparence ». C’est sûr que tout le monde prend le temps de se regarder avant de sortir alors je pense que c’est quelque chose qui nous interroge vraiment plus. (Répondante 8 – fille – 3e secondaire)

Selon les adolescents, ce type d’intimidation pourrait engendrer des conséquences importantes. À cet effet, une adolescente affirme : « On peut intervenir aussi auprès des victimes parce que ça peut rester dans leur tête, parce que ça peut faire des séquelles » (Répondante 2 – fille – 3e secondaire). Certaines conséquences psychologiques ont également été mentionnées, notamment en ce qui a trait à l’image corporelle, l’estime de soi et la santé mentale.

C’est juste qu’à un moment donné ça peut devenir maladif. Quand tu te réveilles, tu te dis que la personne que tu es, genre personne l’aime. Ça peut devenir maladif, tu vas essayer de te changer, de tout faire pour changer. Dès fois, genre, ça va vraiment avoir un impact plus profond sur ta vie, puis mentalement aussi. (Répondante 7 – fille – 3e secondaire)


2. Motifs derrière l’intimidation liée au poids

Le discours des adolescents fait ressortir cinq motifs qui permettraient d’expliquer la présence d’intimidation liée au poids : (1) la facilité et la vulnérabilité; (2) les normes sociales et développementales; (3) la puissance et le besoin de se sentir supérieur; (4) le manque de confiance; et (5) la résignation.

D’abord, les extraits des entrevues réalisées avec les adolescents suggèrent la possibilité que les jeunes présentant un poids différent de la norme représentent des cibles plus faciles pour l’intimidation. En fait, selon les adolescents, la faiblesse, voire la vulnérabilité, pourrait expliquer le fait d’être victime d’intimidation liée au poids.

Normalement les personnes qui ont genre plus de poids que les autres sont comme à vrai dire plus solitaires. Elles sont comme plus faciles à atteindre […]. Faque c’est plus facile pour les intimidateurs on va dire de s’en prendre à eux. (Répondant 4 – garçon – 3e secondaire)

Afin d’expliquer l’intimidation liée au poids, les adolescents ont également souligné la présence de normes sociales véhiculant les standards de beauté attendus. Dans le même sens, les adolescents font ressortir que l’intimidation en lien avec le poids pourrait constituer une forme de comportement valorisé et accepté socialement. Les normes développementales sont aussi nommées par les adolescents comme éléments de réponse aux motifs qui expliquent l’intimidation liée au poids.

Moi je pense que c’est, c’est parce qu’ils suivent pas les standards de beauté à la mode comme les standards de la société, d’Hollywood parce que la mode c’est les filles avec des gros seins, des grosses fesses. Si t’as pas de fesses, t’es maigre, si t’es trop gros, c’est comme tu suis pas les standards alors ça, ça peut être une raison qui va pousser les gens à t’intimider. (Répondante 3 – fille – 3e secondaire)

Comme elle dit c’est genre devenu un peu quelque chose à la mode maintenant genre quand tu vois une personne qui est un peu plus corpulente genre ouais tu vas, c’est comme automatiquement, tu vas dire qu’elle est différente, puis genre qu’elle est plus faible comme qu’elle a en quelque sorte pas sa place. Donc là genre les gens c’est devenu comme une habitude et pourtant même s’ils disent rien mais comme dans leur fond de cœur tu vois qui te font sentir genre que t’es pas à ta place. C’est comme une sorte de mode. (Répondante 3 – fille – 3e secondaire)

La puissance et le besoin de se sentir supérieur représenteraient un autre motif permettant d’expliquer l’intimidation en lien avec le poids. Par exemple, une adolescente dit : « ils se croient supérieurs aux autres » (Répondante 2 – fille – 3e secondaire) et une autre soutient « qu’ils ont de quoi à prouver à certaines personnes » (Répondante 17 – fille – 5e secondaire).

Le manque de confiance chez les jeunes qui commettent de l’intimidation en lien avec le poids a aussi été mentionné par les adolescents interrogés. Selon ces derniers, ce type d’intimidation pourrait être effectué dans le but de se protéger afin de ne pas être intimidé à son tour. Il pourrait aussi se manifester à la suite d’insatisfactions corporelles ou d’une insécurité.

Comme si tu es chum avec quelqu’un, le monde vont te suivre puis, tu sais ils vont pas s’en prendre à toi. Vu que tu vas intimider une autre personne, ils vont s’en prendre à elle, toi tu vas être protégé là-dedans. (Répondante 9 – fille – 3e secondaire)

Les intimidateurs […] c’est des gens qui n’ont pas confiance en eux puis toute. Faque dans le fond y vont attaquer ceux qui sont genre plus faibles comme on peut dire. Faque ils savent que cette personne-là est pas bien dans sa peau, faque ils font exprès de l’intimider. (Répondante 19 – fille – 5e secondaire)

Pour certains, la recherche du motif est teintée d’une forme de résignation et d’impuissance devant le phénomène de l’intimidation. Comme si l’intimidation constituait un comportement répondant à un besoin humain et étant par conséquent difficile à expliquer et à contrer.

Je crois que ça va toujours être là peu importe, c’est à vie, c’est la réalité. Peut-être que oui y’a des gens qui vont arrêter, mais je crois toujours qu’il va avoir des gens qui vont continuer à le faire parce que c’est comme nécessaire à leur vie on dirait. (Répondante 19 – fille – 5e secondaire)


3. Stratégies pour contrer l’intimidation liée au poids

À travers leur discours, les adolescents ont fait ressortir six stratégies qu’ils considèrent efficaces pour contrer l’intimidation liée au poids. Dans un premier temps, il serait important selon eux d’impliquer les adultes.

Y’a un élève qui se faisait intimider dans la classe puis qu’est-ce qu’on avait fait, c’est qu’on avait, le professeur avait surement porter plainte, puis on avait fait venir un intervenant. On avait fait sortir l’élève intimidé puis on avait parlé tout le groupe ensemble, puis on s’était fait ramasser là. Ce groupe là on s’est fait ramasser par l’intervenant pour dire vous voyez ce qu’il a fait, ben nanana. (Répondant 6 – garçon – 3e secondaire)

Le fait d’impliquer les pairs dans les interventions serait aussi considéré comme étant efficace.

Quand les adultes parlent à certains adolescents […] ils vont dire ok oui on comprend mais ça ne veut pas dire qu’ils ne vont pas recommencer. Mais si les personnes […] que tu côtoies genre tes camarades, genre tes amis, peut-être que quand ils te parlent, peut-être que là y sont dans la même catégorie d’âge peut-être que là y’aura plus d’impact sur toi. (Répondante 10 – fille – 3e secondaire)

Ils mentionnent également de favoriser les activités en milieu scolaire qui permettent aux jeunes de se connaître et de se mélanger.

J’ai eu comme un flash. Comme en travail d’équipe, on se place tout le temps avec nos amis et tout mais comme je pense que si mettons on devait travailler avec une personne mettons qu’on connaît pas […] ça va nous apprendre, ça va nous permettre d’apprendre, d’apprendre à connaître une nouvelle personne là. En fin de compte, quand on va être habitués de travailler avec une nouvelle personne comme quand mettons on va les voir dans les corridors, ah cette personne-là est vraiment gentille, ah celui-là il est vraiment drôle. (Répondante 5 –fille – 3e secondaire)

Les adolescents interrogés ont aussi fait ressortir l’importance d’opter pour des activités qui permettent de conscientiser et de sensibiliser au phénomène de l’intimidation liée au poids.

Je me dis que peut-être que si […] y’avait un genre de sortie par groupe, classe ou je ne sais pas, les emmener dans un endroit comme dans un endroit où y peuvent vraiment voir la réalité d’être intimidé. […] tu passes genre une journée ou quelques heures à l’hôpital. L’hôpital, où tu vois y’a des gens qui ne peuvent plus bouger. Tu les emmènes et tu fais comprendre que genre y’a des gens qui ont essayé de se suicider. Genre tu les emmènes puis tu leur fais comprendre tu vois, si tu continues à intimider, vois-tu c’est que ces jeunes-là [..] ce qui vont faire c’est qui vont faire des tentatives de suicide […] C’est comme une manière de leur faire comme prendre un choc. C’est comme si tu continues voilà ce que la personne va être. (Répondante 7 – fille – 3e secondaire)

Selon les adolescents, il serait par ailleurs pertinent de limiter les occasions où la personne se sent seule.

Ben moi de mon côté ce que j’ai vu qui fonctionnait c’est que faut que t’ailles voir la victime, faut pas que tu la laisses toute seule parce que là c’est sûr que si elle a pu d’amis ça peut amener à des grosses affaires, ça peut amener au suicide […]. Ben moi c’est ça, en tant que témoin, puis en tant que témoin avec mes autres amis, […] on a quasiment attaqué l’intimidatrice parce que ça ne se fait pas. (Répondante 11 – fille ­– 4e secondaire)

Les jeunes répondants indiquent aussi que le fait de prendre des risques en tentant de s’affirmer en tant que témoin serait une stratégie efficace.


C’est vrai que les témoins peuvent s’affirmer soit à un adulte mais même à l’intimidateur. Que les témoins puissent affirmer le fait que l’intimidateur qu’est-ce qui fait que ça ne se fait pas, que la personne devrait soutenir la victime […] parce que si tu fais rien puis tu te dis ah c’est pas de mes affaires, ça reste. Moi personnellement je trouve ça un peu plus blessant […] parce que si tu vois que le monde pourrait t’aider, que le monde voit que t’as des problèmes que t’as besoin d’aide mais qu’ils ne réagissent pas, ça fait juste empirer. (Répondant 15 – garçon – 4
e secondaire)

Le discours des adolescents suggère que les sanctions et la surveillance de la part des intervenants scolaires ne seraient toutefois pas des stratégies efficaces pour contrer l’intimidation liée au poids.

Non, non, ajouter des surveillants pour l’intimidation personnellement je trouve que ça aide pas vraiment parce que au contraire, y’a quelqu’un qui veut arrêter l’intimidation ça pousse encore à le faire. Honnêtement, quand mes parents me disent de pas faire quelque chose, j’ai le goût de le faire encore plus. Ça va pas changer comme de mettre plus que cinq surveillants par exemple dans quatre coins de la pièce. Ça va rien changer. (Répondante 11 – fille ­– 4e secondaire)

Ben moi j’ai déjà vu une situation où on enlevait l’élève de la classe, l’intimidateur, on l’enlevait de la classe et le mettait dans une autre puis ça marche pas. (Répondant 6 – garçon – 3e secondaire)


DISCUSSION

L’étude actuelle visait, à travers une analyse qualitative du discours d’adolescents âgés de 14 à 17 ans, à explorer leur point de vue concernant l’intimidation liée au poids. Les résultats montrent que les jeunes perçoivent l’intimidation liée au poids comme un phénomène subtil et néfaste. Selon les adolescents interrogés, il semble également que cette forme d’intimidation pourrait s’expliquer par un rapport de force, selon lequel une victime, considérée comme une proie facile, se voit intimidée pour répondre à des besoins de supériorité ou un manque de confiance de la part de celui ou de ceux qui commettent de l’intimidation. L’intimidation liée au poids pourrait par ailleurs être motivée par la notion d’acceptabilité collective au regard d’attitudes péjoratives et de comportements culpabilisants face à l’embonpoint et à l’obésité. Il semble que ces attitudes et comportements soient en quelque sorte encouragés par les normes sociales associées à la minceur et aux standards de beauté. Or, selon le discours de certains adolescents, ces normes seraient difficiles à changer et un certain sentiment d’impuissance quant à l’élimination de l’intimidation en lien avec les poids pourrait s’observer.

La perspective des jeunes interrogés lorsqu’il est question d’expliquer en leurs mots ce qu’est l’intimidation en lien avec le poids évoque plusieurs des éléments reconnus pour définir l’intimidation en général. En effet, leur discours fait état du caractère répétitif et fréquent des comportements d’intimidation en lien avec le poids. Ils identifient par ailleurs un déséquilibre de pouvoir, une certaine intentionnalité du comportement d’intimidation et une détresse observable chez la personne qui subit l’intimidation en lien avec le poids. Conséquemment, il semble que la perception des jeunes face à cette forme d’intimidation concorde avec la définition et les caractéristiques de l’intimidation en général (Evans et al., 2014; Fontaine, 2009; Gouvernement du Québec, 2018; Olweus, 2013). À ce titre, il semble donc que l’intimidation liée au poids puisse être perçue comme aussi importante que toute autre forme d’intimidation.

Bien qu’il semble difficile pour les jeunes d’établir précisément en quoi l’intimidation liée au poids diffère des autres types d’intimidation, ils semblent croire qu’elle ait des effets profonds sur les individus qui la subissent de même que sur leur estime d’eux-mêmes. Les adolescents mentionnent qu’il est blessant d’être visé en raison de son poids, que ce soit directement ou indirectement. Certains jeunes semblent d’ailleurs conscients des séquelles que cette forme d’intimidation peut avoir. À ce registre, les études disponibles présentent des résultats de plus en plus nombreux et clairs à savoir que ses conséquences sont importantes. En effet, sur le plan des séquelles possibles, notons que l’intimidation liée au poids a été associée à des difficultés sociales, telles que le rejet et l’isolement social (Puhl et King, 2013), des difficultés psychologiques, soit des symptômes dépressifs et anxieux, une faible estime de soi et des insatisfactions corporelles (Eisenberg et al., 2006; Lunde et al., 2006; Puhl et King, 2013; Puhl et Luedicke, 2012), et des difficultés scolaires, dont une moindre performance et de l’absentéisme (Caird et al., 2011; Krukowski et al., 2009). L’intimidation par rapport au poids peut même être reliée à une diminution de la pratique sportive (Puhl et King, 2013) et à une prise de poids additionnelle chez les enfants en état d’obésité qui en sont victimes (Shetgiri et al., 2015).

L’analyse du discours des participants effectuée pour la présente étude révèle la présence d’un contexte social au sein duquel il importe d’avoir un poids jugé normal ou santé, ce qui peut avoir pour effet d’encourager les comportements d’intimidation en lien avec le poids. Tel que souligné par plusieurs auteurs, un tel contexte social se crée à partir de normes et de biais négatifs à l’égard de l’obésité qui peuvent justifier et perpétuer des comportements d’intimidation inacceptables (Espelage, 2014; Gray et al., 2011; Puhl et King, 2013). En milieu scolaire et tout particulièrement au cours de l’adolescence, la pression environnementale et sociale concernant l’idée qu’un poids santé doive être atteint et maintenu par tous peut s’avérer particulièrement préjudiciable pour les élèves dont le poids se situe dans les catégories d’embonpoint et d’obésité. Non seulement cette pression peut accentuer le risque d’internalisation des idéaux de beauté promus par les médias et les préoccupations en lien avec le poids et la silhouette (Rodgers, 2016; Voelker et al., 2015), mais elle peut également entretenir les fausses croyances présumant que les personnes qui présentent de l’obésité manquent de volonté, qu’elles n’ont pas la motivation nécessaire pour contrôler leur poids et qu’elles sont à blâmer pour leur excès de poids (Rodgers, 2016; Tomiyama et al., 2015).

La présente étude visait aussi à recueillir les opinions des jeunes quant aux manières de contrer l’intimidation liée au poids à l’école secondaire. Dans l’ensemble, les stratégies d’intervention jugées efficaces et suggérées par les jeunes incluent la notion d’aller chercher de l’aide en impliquant des adultes et des pairs, de savoir s’entourer et de pouvoir parler de ce qui est vécu ou observé. En revanche, les adolescents interrogés ne croient pas tellement en l’efficacité de stratégies d’intervention axées sur les sanctions ou une surveillance accrue. Pris dans leur ensemble, ces résultats soutiennent l’idée que l’implication active du personnel de l’école, des parents et des élèves soit nécessaire afin d’enrayer l’intimidation en lien avec le poids (Aimé et al., 2017). Toutefois, l’implication d’autrui serait plus appréciée par les adolescents lorsqu’elle est soutenante plutôt que punitive. Ceci corrobore les résultats d’une étude de Puhl et ses collègues (2013) stipulant que les adolescents qui subissent de l’intimidation en lien avec le poids désirent être soutenus émotionnellement et socialement. Ceux-ci ont besoin de se sentir entourés et d’apprendre des façons de faire face aux situations d’intimidation qu’ils rencontrent, de manière à prévenir les conséquences négatives qu’elles peuvent avoir (Aimé et al., 2017). En ce sens, des stratégies d’intervention axée sur l’inclusion et l’aide au dévoilement ressortent comme particulièrement souhaitables (Puhl et al., 2013). Par ailleurs, puisque l’adolescence implique un grand besoin d’appartenir à un groupe de personnes qui nous ressemble (Leary et Baumeister, 2017), l’intervention auprès des adolescents pourrait être mieux reçue si elle reconnaissait leur besoin de se différencier des adultes et si elle impliquait du soutien en provenance de pairs. En effet, ceux-ci ont le potentiel d’agir comme des modèles positifs en dénonçant l’intimidation liée au poids.

De plus, lorsque les jeunes qui subissent ou observent de l’intimidation en lien avec le poids se tournent vers un adulte de confiance, il est crucial que cet adulte soit réceptif et en mesure de les aider (Puhl et al., 2013). Ce même adulte doit non seulement savoir comment intervenir, mais il doit également connaître les conséquences possibles de l’intimidation par rapport au poids. Ainsi, l’adulte qui reçoit les confidences de jeunes victimes ou témoins doit être adéquatement formé et avoir conscience de ses propres biais ou préjugés face à l’embonpoint et l’obésité, de manière à ce que son intervention ne soit pas affectée par ceux-ci (Aimé et al., 2017). Il se doit de mettre en place les interventions nécessaires et attendues, d’appliquer les règles et, lorsque possible, d’adapter les enseignements ou les activités qu’il offre pour qu’ils présentent les personnes dont la silhouette est plus large d’une manière plus positive et non péjorative (Gray et al., 2009), voire absente de discrimination et de préjugés.

Les résultats de la présente étude permettent de comprendre l’intimidation en lien avec le poids et les manières de la contrer selon le point de vue des principaux intéressés, soit les jeunes eux-mêmes. Malgré la pertinence de ces résultats, ils doivent être considérés à la lumière de certaines limites. Tout d’abord, notons que l’échantillon à l’étude est très spécifique. Il correspond à des jeunes de 14 à 17 ans, fréquentant une même polyvalente à Laval dont l’indice de défavorisation est de 8 sur 10 (10 étant le score le plus élevé de défavorisation) et s’étant portés volontaires pour participer à l’étude. Les réponses fournies par ces jeunes participants ne peuvent donc pas être généralisées à l’ensemble des adolescents. Deuxièmement, il importe de mentionner que l’échantillon ne compte que trois garçons. Leurs réponses suggèrent des similitudes avec celles des filles, quoique certaines différences puissent être possibles. Il semble important de s’assurer que tant les garçons que les filles puissent exprimer leurs opinions et recommandations lorsqu’il est question de prévenir et contrer ce type d’intimidation. De cette façon, il devient possible de mieux sensibiliser les adolescents, et ce, peu importe le genre auquel ils s’identifient. Enfin, dans le cadre de la présente recherche, les réponses des jeunes n’ont pas pu être croisées avec celles d’intervenants ou d’enseignants travaillant en milieu scolaire. Or, ces derniers pourraient avoir des points de vue différents, tenant compte des réalités et ressources dont ils disposent dans leur milieu. Partant de ces limites, il semble souhaitable que des recherches futures s’intéressent aux potentielles similitudes et différences de points de vue entre les adolescents, leurs enseignants et leurs parents, et ce, dans plusieurs écoles aux indices de défavorisation variés. Ce faisant, une attention particulière pourrait être accordée à une plus grande représentativité de l’opinion des jeunes qui s’identifient au genre masculin.

En conclusion, il convient de rappeler que les adolescents sont fréquemment témoins d’intimidation en lien avec le poids à l’école et que ce type d’intimidation peut causer une détresse psychologique et sociale tant chez ceux qui l’observent que chez ceux qui la subissent. C’est pourquoi l’opinion des jeunes mérite d’être considérée lorsque vient le temps d’intervenir ou de proposer des activités de sensibilisation ayant le potentiel de contrer ce type d’intimidation. Pour les jeunes, il semble que ce qui importe, ce n'est pas tant le moyen utilisé pour les sensibiliser, mais plutôt les personnes qui interviennent et la façon dont l’intervention est conduite. L’intimidation, souvent perçue comme un problème relationnel, nécessite, selon les répondants, des solutions qui sont elles aussi relationnelles. Ainsi, il apparaît particulièrement important d’impliquer des adultes significatifs et les pairs dans les interventions appliquées, de même que d’offrir de l’écoute et du soutien émotionnel aux jeunes qui rapportent de l’intimidation en lien avec le poids. Par ailleurs, des interventions préventives, visant à démystifier les préjugés négatifs qui prévalent face aux personnes présentant de l’embonpoint et de l’obésité et à réévaluer l’impression que le poids est aisément contrôlable ou modifiable s’avèrent essentielles.



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