Les trajectoires professionnelles des nouveaux enseignants québécois : à l’intersection de deux régimes-temps?

PASCALE BOURGEOIS Université du Québec à Montréal

MAURICE TARDIF Université de Montréal



Depuis une quinzaine d’années, le Québec, comme d’autres régions du monde, fait face à une pénurie d’enseignants qualifiés et à un taux élevé de décrochage professionnel. Selon diverses études, de 25 % à 50 % des enseignants quitteraient la profession au cours des cinq premières années (Karsenti et al., 2013; Jeanson, 2014; Létourneau, 2014; Tardif et al., 2021). La situation est préoccupante pour plusieurs raisons. D’abord, le roulement élevé de personnel entraîne des conséquences importantes : coûts financiers et humains liés à la formation, perte d’expertise, difficultés propres à l’insertion professionnelle des enseignants, etc. (Jeanson, 2014). Ensuite, la pénurie de personnel qualifié et le décrochage professionnel nuisent à la qualité de l’enseignement et aux apprentissages des élèves, puisqu’un temps d’adaptation est nécessaire aux nouveaux enseignants pour développer et maîtriser leurs compétences professionnelles (DeAngelis et al., 2013; Leroux et Mukamurera, 2013; Synar et Maiden, 2012). Enfin, la précarité du travail enseignant se répercute sur la qualité des relations éducatives et sur la cohésion de l’équipe-école, pourtant déterminantes pour instaurer et maintenir un climat favorable à la persévérance scolaire (Karsenti et al., 2013; Tardif et al., 2021).

Au cours des dernières décennies, ces préoccupations ont fait l’objet d’une abondante documentation internationale (OCDE, 2005, 2013, 2018). Au Québec, la recherche a pu identifier plusieurs facteurs pouvant nuire à l’attrait de la profession et à la rétention des professionnels de l’enseignement comme le choc de la réalité, qui renvoie à l’écart entre la formation initiale, les attentes et la réalité du milieu (Cattonar, 2008; Jeanson, 2014; Mukamurera et al., 2008; Tardif et al., 2021), ou encore la précarité et les conditions d’insertion professionnelle souvent difficiles (Mukamurera et al., 2008; Tardif et al., 2021).

La dimension temporelle du métier, notamment celle de l’engagement dans et envers la profession, demeure l’un des points aveugles de la recherche francophone sur la profession enseignante (Rayou et Véran, 2017)1. Pourtant, selon ces mêmes auteurs, la perte d’attractivité de l’enseignement, la pénurie d’enseignants qualifiés et un haut taux d’attrition pourraient, en partie, « participer de modalités contemporaines d’engagement qui ne sont plus ‘pour la vie’ » et esquisser « un nouveau paysage dans le rapport au métier, aux élèves, à leurs familles et à l’institution » (p. 45). Dans un contexte de mondialisation marqué par la mobilité nationale et internationale (Karsenti et al., 2008), et par la triple accélération sociale qui caractérise la modernité tardive (Rosa, 2013), le changement professionnel semble non seulement valorisé, mais tend à devenir la norme chez plusieurs catégories de travailleurs, alors que les carrières uniques, longues et linéaires se raréfient et sont moins valorisées (Buchanan, 2010; Johnson et Birkeland, 2003; Karsenti et al., 2008; Rosa, 2013).

Dès lors, qu’en est-il de l’enseignement? Le changement professionnel est-il désormais la norme? Par-delà les difficultés qui poussent les enseignants à déserter, la profession enseignante est-elle, en partie, en proie à cette tendance à la mobilité? Autrement dit, sommes-nous appelés à voir de moins en moins d’individus passer leur carrière entière à enseigner?

Pour analyser ce phénomène complexe, nous proposons d’invoquer la pensée du sociologue et philosophe Hartmut Rosa, et plus précisément ses réflexions sur les nouveaux modes de construction identitaire induits par l’accélération sociale dans la modernité tardive (2013). Ces travaux permettent de nous distinguer des typologies utilisées dans les recherches existantes, en mobilisant le concept de situativisme pour analyser les trajectoires professionnelles des nouveaux enseignants.

Dans un premier temps, nous présenterons le cadre conceptuel rosatien, de manière à faire ressortir les particularités du mode de construction identitaire situatif dans la modernité tardive. Par la suite, ce cadre tiendra lieu d’éclairage dans notre analyse des trajectoires professionnelles de quatorze nouveaux enseignants québécois. Finalement, cet article vise à effectuer une première exploration des trajectoires des enseignants québécois en début de carrière, afin d’entrevoir si elles procèdent d’un rapport à soi situatif, à savoir marqué par la contingence, l’expérimentation et l’imprévisibilité, comme le suggèrent les thèses de Rosa (2013), ou si elles s’inscrivent toujours dans un modèle de carrière traditionnel, qui situe le choix de l’enseignement dans un projet de vie sur le long terme.


Cadre conceptuel

Selon Rosa, la modernisation des sociétés occidentales, à partir du XIXe siècle et surtout au XXe, se caractérise par un processus d’individualisation lié à la dynamisation des conditions sociales : l’identité n’est plus imposée de l’extérieur (selon un rang social déterminé à la naissance), mais elle est choisie, transformant l’individu en un projet réflexif, à construire dans un avenir planifiable. Autrement dit, l’horizon est suffisamment ouvert pour rompre avec la reproduction de la tradition, mais suffisamment stable pour pouvoir s’y projeter sur le long terme. L’individu moderne trouverait sa place dans le monde, en fondant une famille, en faisant le choix d’un métier, d’une communauté religieuse et d’une orientation politique. Une fois définie, cette identité est rarement remise en question. Bien qu’elle puisse être révisée, ce serait davantage pour corriger d’éventuelles erreurs (on s’est trompé sur soi) dans la perspective de se rapprocher d’une identité qui serait authentiquement sienne, que dans la perspective de devenir autre. Ainsi, dans la modernité classique, le changement de profession, le divorce, la conversion religieuse ou encore le changement d’orientation politique sont certes possibles, mais demeurent exceptionnelles, et sont « l’indice d’un projet identitaire avorté, ou tout au moins compromis » (Rosa, 2013, p. 281). Sur le plan professionnel, le modèle d’une identité réussie est donc celui d’une carrière « pour la vie », comparable au contrat de mariage (« jusqu’à ce que la mort vous sépare »), même si, dans les faits, ces conditions d’emploi sont loin d’être la norme (Rosa, 2013, p. 282). En somme, l’identité stable a priori serait progressivement remplacée par une identité stable a posteriori, laquelle dominerait dans le régime-temps industriel de la modernité classique2.

Or, l’accélération sociale dans la modernité tardive (des années 1990 à aujourd’hui) conduirait à l’émergence d’un nouveau régime-temps, axé sur la flexibilité et sur l’adaptabilité dans un monde en continuel changement. Comme l’observe Rosa (2013) à la suite de Schulze (1997), l’identité désormais fragmentée s’inscrirait moins dans la durée, mais dépendrait plutôt d’un mode d’action « électif », en fonction des contextes à la fois multiples et changeants (Rosa, 2013, p. 304). En ce sens, l’identité serait davantage « situative » et s’exprimerait plus justement à l’aide d’un indice temporel :

[O]n n’est plus boulanger, conservateur ou catholique en soi, mais toujours ‘à un moment donné’ et pour un présent à la durée imprévisible, mais qui tend constamment à se réduire. On était quelqu’un d’autre, et l’on sera (peut-être) encore quelqu’un d’autre (Rosa, 2013, p. 285). 

Ainsi, les projets personnels seraient plus ouverts et fondés sur l’expérimentation (une vie bonne signifierait par ailleurs une vie bien remplie en termes d’expériences variées), ou encore marqués par la contingence, leur conférant un caractère presque accidentel. Avec l’augmentation des possibilités et du degré de contingence, la révision de l’identité paraîtrait plus facile. Tout cela conduirait à des formes d’engagement plus souples, dont la durée serait déterminée au cas par cas, nécessitant des adaptations constantes, et forçant l’individu à maintenir ses horizons ouverts. L’investissement dans un emploi, un milieu ou auprès de gens deviendrait plus difficile face aux exigences d’accélération, d’adaptabilité et de flexibilité. En outre, on assisterait à la « perte de la prédictibilité de l’évolution biographique » et l’identité serait désormais moins stable, plus transitoire et se transformerait selon un rythme intragénérationnel (Rosa, 2013, p. 284). À ce titre, le « soi comme projet orienté vers la stabilité » paraîtrait donc « anachronique et voué à l’échec, tandis que les formes d’identités flexibles et disposées au changement » seraient « systématiquement favorisées » (Rosa, 2013, p. 297).

Visée de la recherche

Dans quelle mesure ces idées permettent-elles de rendre compte, en partie, de la trajectoire des nouveaux enseignants? Le choix de l’enseignement procède-t-il désormais de ce mode d’action plus électif que vocationnel? Les enseignants s’engagent-ils dans une carrière dans la perspective de construire une identité à long terme, ou est-ce que l’enseignement correspond à un moment précis de leur vie, qu’ils envisagent sinon comme temporaire, du moins comme situationnel, contingent, gardant leurs horizons ouverts à d’autres possibles? L’objectif de cet article est d’effectuer une première exploration des trajectoires des enseignants québécois en début de carrière, afin d’entrevoir si elles procèdent désormais d’un rapport à soi situatif, comme le suggère l’analyse de Rosa (2013), ou si elles s’insèrent plutôt dans un projet de vie qui s’inscrit dans la durée.

Avant toute chose, il est nécessaire d’apporter certaines précisions. En effet, il serait difficile d’appréhender les transformations dans l’engagement professionnel des enseignants sans tenir compte, un minimum, de l’histoire du travail enseignant. À cet effet, Johnson et Birkeland (2003), de même que Tardif (2013), rappellent que l’enseignement au sein de l’école obligatoire a été, depuis le milieu du XIXe siècle, un travail temporaire, souvent de courte durée, investi par une minorité d’hommes en transition vers un autre métier (leur « vrai » travail), ou, jusque dans les années 1960, très majoritairement par des femmes célibataires dont l’accès au mariage et à la maternité marquaient la fin de la carrière. Historiquement, le travail enseignant a été peu valorisé, mal payé et a offert peu de protection. En fait, au Québec, ce n’est qu’à partir des années 1960 que l’enseignement a offert aux femmes laïques la possibilité de faire carrière (Lessard et Tardif, 1996), tandis que la professionnalisation du travail enseignant, notamment la formation universitaire, a contribué à en stabiliser les conditions (Tardif et Morales-Perlaza, 2019). L’engagement durable dans le métier enseignant, envisagé comme la carrière d’une vie, renvoie donc, dans les faits, à une très courte et très récente période dans l’histoire du métier.

Malgré sa relative nouveauté, l’on peut néanmoins se demander si un tel engagement est toujours la norme aujourd’hui, étant donné les bouleversements dans notre rapport au temps qui, selon Rosa (2013), affectent la construction identitaire. En effet, dans l’éventualité de profondes transformations dans l’engagement professionnel des enseignants, de sérieuses questions devront être posées en ce qui concerne la formation professionnelle, tout autant que la nature et les conditions de l’acte d’éduquer. Nous espérons que cette première exploration fournira des repères sur les manifestations possibles de ces transformations dans les trajectoires d’enseignants québécois en début de carrière.


MÉTHODOLOGIE

Cet article est le fruit d’une étude à visée heuristique effectuée dans le cadre d’un modeste stage doctoral au sein du Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante (CRIFPE), entre mai et août 2021, auprès du professeur Maurice Tardif de l’Université de Montréal. Il s’inscrit par ailleurs dans un projet doctoral plus large où la co-auteure s’intéresse aux transformations des modèles de la transmission dans le contexte des bouleversements temporels modernes.

Cette étude s’appuie sur des données secondaires issues d’une recherche longitudinale basée principalement sur des entrevues annuelles menées entre 2013 et 2019 auprès de 54 enseignants québécois ayant débuté leur carrière dans les cinq années précédant la recherche (Tardif et al., 2021). Notre étude a retenu les transcriptions de la première entrevue, qui portait sur le déroulement de la carrière selon les étapes typiques des trajectoires des nouveaux enseignants : le choix de l’enseignement, la formation, l’insertion professionnelle, le présent et l’avenir anticipé3.

Dans une perspective d’exploration, nous avons procédé à une sélection aléatoire de 14 enseignants en début de carrière, parmi les 54 enseignants ayant participé à la recherche4. Notre étude s’est appuyée sur les verbatims de cette première entrevue, lesquels avaient déjà été anonymisés. Chaque participant était identifié par un numéro auquel nous nous référerons pour le citer (ex :  Part. 4). Un tableau en annexe présente le genre des participants, leur âge, leur formation, leur statut professionnel et les niveaux enseignés à l’an 1 de la recherche. Étant donné les limites de notre étude, seul le genre a été pris en considération dans notre analyse

Nous pouvons néanmoins souligner que notre échantillon comporte une proportion égale de femmes et d’hommes, âgés de 24 à 44 ans, et que 6 des 14 participants, soit près de 43 % de notre échantillon, sont des enseignants formés en éducation physique. Cela s’explique par la forte proportion d’enseignants d’éducation physique (26 %, soit 14/54) ayant participé à l’étude de laquelle sont tirées nos données. Nous savons que « les enseignants qui travaillent en EPS [Éducation physique et à la santé] possèdent, comme sous-groupe, des caractéristiques qui les distinguent assez clairement de la masse des autres enseignants et qui leur confèrent une identité professionnelle spécifique » (Tardif et al., 2021, p. 34). De manière générale, toutefois, leurs motifs à s’engager en enseignement convergent avec ceux des autres enseignants (Tardif et al., 2021).

En raison de l’instabilité qui caractérise les premières années d’enseignement, il ne nous est pas possible d’établir une corrélation avec les disciplines et les niveaux enseignés par nos participants, puisque l’enseignement est dispensé dans des disciplines et des niveaux pour lesquels ils n’ont pas été formés. Dans les faits, ils enseignent du préscolaire au primaire, en passant par le secondaire et la formation générale des adultes. Nous pouvons néanmoins noter que les enseignants en éducation physique (6/14) ont été formés pour enseigner au préscolaire-primaire et au secondaire, alors que les autres ont été formés pour enseigner au préscolaire-primaire (3/14) ou au secondaire (2/14) seulement. Deux de nos participants ont été formés à l’extérieur du Québec pour des niveaux inconnus et le dernier n’a jamais été formé en enseignement. Enfin, soulignons que tous les participants, à l’exception de celui qui a obtenu sa permanence, étaient à contrat au moment de leur première entrevue.

Nous avons analysé les témoignages de ces 14 enseignants à partir de quatre thèmes tirés du canevas de cette première entrevue, soit : 1) les motivations de leur choix de carrière, 2) les conditions et leur expérience de début de carrière, 3) la signification donnée à la profession et 4) leurs perspectives professionnelles (à court, moyen et long terme). Les éléments de réponse permettant d’établir des liens avec notre cadre théorique ont été colligés dans un tableau suivant ce découpage thématique. La section qui suit en présente les résultats. Puisqu’elles entretiennent un lien étroit avec l’engagement professionnel, la signification donnée à la profession et les perspectives professionnelles ont été réunies en une seule catégorie nommée « engagement professionnel ».


RÉSULTATS

Motivations dans le choix de carrière

Le choix de carrière des participants a été analysé pour en dégager le caractère traditionnel ou situatif. Le choix traditionnel correspond aux trajectoires habituelles, partagées par plusieurs générations d’enseignants. Au Québec, elles sont éclairées par les recherches de Lessard et Tardif à la fin des années 1980, celles de Tardif et ses collaborateurs au début des années 1990, puis de 2003 à 2005, ainsi que celle de Jobin et Tardif en 2012. À l’international, Tardif et al. (2021, p. 36) mentionnent les études suivantes : Avgousti, 2017; Hellsten et Prytula, 2011; Kyriacou et Coulthard, 2000; OCDE, 2005, 2015; Richardson et Watt, 2006 ; Sinclair, 2008. Nous reconnaissons que « les motifs à l’origine du choix de la carrière enseignante peuvent varier d’un pays à l’autre et d’une période historique à l’autre » (Tardif et al., 2021, p. 24). Ces études montrent néanmoins que le choix de l’enseignement est traditionnellement influencé par des valeurs altruistes, un intérêt pour l’enseignement d’une matière, un amour des enfants, et un désir de contribuer à leur développement. Il revêt un caractère vocationnel et il s’inscrit dans un projet de vie sur le long terme. Le choix plus situatif renvoie aux trajectoires professionnelles qui prennent un aspect accidentel ou expérimental caractéristique des bouleversements temporels de la modernité tardive (Rosa, 2013). Ces choix de carrière sont davantage contextuels et s’inscrivent dans un projet de vie plus instable, au caractère imprévisible ou révisable. Il recoupe ce qu’Argentin (2013) nomme contingency dans la motivation du choix de l’enseignement.

Parmi les quatorze trajectoires analysées, une proportion égale d’enseignants se situe dans l’une et l’autre de ces catégories. Ainsi, l’on retrouve autant de participants pour qui « Ça remonte à très loin […] Toute mon enfance et mon adolescence, c’était ça mon plan de match. C’était de devenir enseignant » (Part. 7) ou qui affirment avoir « toujours été passionnée par l’enseignement » (Part. 50), que de participants dont le choix de l’enseignement est contextuel, accidentel ou expérimental : « C’était spontané. Je me suis dit… ‘Regarde, au pire je suis encore jeune’. Je me suis dit que si je n’aime pas ça, je vais pouvoir changer de voie. Donc allez, on va l’essayer ! » (Part. 8), ou qui reconnaissent s’être « un peu lancé là-dedans en disant ‘On va voir ce que ça donne’ » (Part. 26).

Il est intéressant de noter que les participants dont le choix de carrière s’inscrit dans un modèle traditionnel sont essentiellement des femmes (6/7 contre un homme : Part. 7), quoique la proportion de femmes dont le choix de carrière est davantage situatif est tout de même de 3/7 contre 4/7 pour les hommes. Ces résultats convergent vers ceux de la recherche dont nos données sont issues, qui suggèrent que les femmes sont plus nombreuses (28 % contre 17 % pour les hommes) à avoir choisi l’enseignement pour répondre à un « élan naturel », par vocation (Tardif et al., 2021, p. 30), ou plus généralement pour des raisons altruistes et intrinsèques (Tardif et al., 2021, p. 18)5.


Conditions et expérience de début de carrière

À l’exception du Participant 50, qui a toujours obtenu des contrats à 100 % et a acquis sa permanence après deux ans d’enseignement seulement, tous les participants ont rapporté un début de carrière caractérisé par la précarité et l’instabilité : suppléance, contrats à durée indéterminée, changements fréquents d’école (donc de collègues, d’élèves, d’environnement), de niveaux, de matière, comme en témoigne le Participant 6 :

Au début, c’était vraiment de la suppléance, trois périodes dans la même journée. Mais après ça, il y eu des contrats d’une semaine en mathématiques, en français. Au début c’était au secondaire seulement : 1-2 dans une école et 3-4-5 dans une autre, dans presque toutes les matières possibles, pour lesquelles je n’ai aucune formation et plus ou moins de connaissances. Puis j’ai fait de la suppléance au primaire et aux adultes…


Le Participant 7 brosse un portrait sombre des années d’insertion professionnelle, qu’il associe au taux élevé d’attrition chez les jeunes enseignants :

Après ça, la perspective d’avenir c’est que dans les prochains dix ans, ça va être encore ça : de la suppléance, des petits contrats et des restants. Si tu as un contrat à 100 %, tu es chanceux. Tu ne choisis pas ton école, tu ne choisis pas ta clientèle et tu es supposé être content avec ça […] Dans ce sens-là, je trouve ça très plate de notre métier […] je n’ai aucune surprise quand je vois le taux d’abandon après cinq ans. Je regarde mes cinq premières années, je ne comprends pas que je sois encore motivé à enseigner.


À bien des égards, le contexte de l’insertion professionnelle revêt des caractéristiques semblables à celles du nouveau régime-temps décrit par Rosa (2013) : instabilité, changements continuels. Toutefois, comme nous le verrons plus loin, cette période est envisagée comme un obstacle temporaire à surmonter en vue d’atteindre une plus grande stabilité, et non comme un mode de vie à embrasser en permanence.


Engagement professionnel 

Sans surprise, ce sont les participants dont le choix de l’enseignement suit un modèle plus traditionnel qui ont généralement une identité plus fixe et souhaitent rester dans la profession ou exercer un travail connexe (conseiller pédagogique, orthopédagogue, directeur). Pour eux, l’enseignement est « un choix de vie » par lequel ils se définissent (Part. 7), ou une « passion » étroitement liée à leur « personnalité » (Part. 9).

Inversement, ceux qui ont choisi l’enseignement pour des raisons contextuelles, accidentelles ou expérimentales présentent une identité plus ambigüe, marquée par des contradictions et des incertitudes. Ils se montrent plus ouverts à changer de métier ou peinent à se projeter dans l’avenir. Par exemple, le Participant 2 affirme : « Est-ce que je considère autre chose que l’enseignement? Oui. Définitivement », alors que le Participant 26 préfère se garder « une porte de sortie ». Pour le Participant 11, il est « primordial dans une vie personnelle de pouvoir toujours se remettre en question, de pouvoir toujours se dire : ‘Je peux faire autre chose. J’ai d’autres passions, j’ai d’autres intérêts’ ». Dans cet esprit, le changement est envisagé positivement : « Comme j’ai dit tout à l’heure, j’aime le changement, j’aime me donner des défis professionnels donc ça va de soi que dans dix ans, je vais encore vouloir me donner des défis professionnels » (Part. 11). C’est également le cas du Participant 8 :

Je pense qu’il y a tout le temps de la remise en question dans chaque domaine, même si tu aimes ça. Tu sais, des fois, tu veux d’autres défis. Toujours faire les mêmes choses, à un moment donné, quand tu es dans la même école pendant plusieurs années, des fois tu veux un autre défi.

Aussi, envisage-t-il un poste de direction, tout en se montrant intéressé à connaître les autres emplois (sans lien avec l’éducation) auxquels l’ouvre sa formation : « J’ai plein de projets. Je ne me ferme pas la porte non plus » (Part. 8).

Ici encore, parmi les participants de notre étude, ce sont majoritairement les femmes (7/8) pour qui l’enseignement est un projet de vie, contre un homme seulement (Part. 3). Inversement, les hommes (4/6 contre 2/6 pour les femmes) sont plus nombreux à garder leurs horizons ouverts. Les différences que nous observons entre les hommes et les femmes seront abordées dans la discussion.



DISCUSSION

L’entrée dans la profession

Suivant nos résultats, l’expérience d’une identité situative et d’un mode d’action électif renvoie plus spécifiquement à la période d’entrée dans la profession, caractérisée par la suppléance, les contrats de courte durée, le changement continuel d’école, d’élèves, de niveau, de discipline, de collègues, etc. En effet, au Québec, depuis les années 1980, le travail enseignant se déroule « sur un fond de précarité qui touche le plus souvent la population professionnelle en insertion » (Moscoso et al., 2021, p. 123). Les emplois « réservés aux débutants » correspondent souvent à des « embauches à la dernière minute », et comportent des « tâches très lourdes et pas toujours liées à leur formation » (Gingras et Mukamurera, 2008 : cités dans Moscoso et al., 2021, p. 123). Cette réalité exige des enseignants une grande flexibilité et une énorme capacité d’adaptation, notamment lorsqu’ils doivent enseigner des matières pour lesquelles ils n’ont pas été formés, ou encore auprès de publics particuliers avec lesquels ils ne sont pas familiers (adaptation scolaire, élèves ayant des handicaps, des troubles physiques ou mentaux, etc.). Dans le même esprit, les conditions d’insertion professionnelle des enseignants rendent difficile leur investissement à plus long terme dans une école et une communauté, une autre caractéristique du régime-temps de la modernité tardive, selon Rosa (2013). La succession des suppléances et des brefs contrats, d’une école à l’autre, n’est pas sans rappeler l’expérience du drift, que Rosa emprunte à Sennett (2000), soit cette « dérive de lieu en lieu, de job en job » à laquelle l’individu se trouve souvent contraint dans la modernité tardive (Rosa, 2013, p. 298).

Si, comme le rapporte Rosa (2013), Gergen invite à découvrir dans ce situativisme le plaisir de se laisser porter, en acceptant de concentrer ses efforts dans l’accomplissement du « maximum de ses potentialités dans l’instant » (p. 299), il semble que, pour ces enseignants en début de carrière, il soit plutôt envisagé comme une source de stress, de frustrations et d’épuisement, en plus de constituer un frein à l’accomplissement de leurs potentialités professionnelles. Le Participant 9, par exemple, témoigne des difficultés liées à la précarité des premières années : « [J]e trouve ça dur parce qu’à chaque année, tu es dans cette inquiétude : ‘Est-ce que je vais avoir quelque chose, est-ce que je ne vais pas avoir quelque chose?’».

Le statut de remplaçant, qui constitue souvent l’essentiel des premières expériences enseignantes (suppléance, contrats de courte durée), nuit à l’exercice de la pleine autonomie professionnelle de ces nouveaux enseignants, forcés de se mettre dans « les souliers d’un autre » qui va éventuellement revenir reprendre son poste après un congé de maladie ou de maternité (Part. 42). Les changements continuels de milieux et de publics sont aussi un frein à l’investissement et au réinvestissement des ressources et des compétences qu’ils développent. Ainsi, il leur semble que tout est toujours à recommencer : la planification, la création de supports pédagogiques, le développement de liens avec les élèves et l’équipe-école, etc., ce qui est vu comme une « perte de temps » (Part. 12) et une source de découragement (Part. 42). Pour plusieurs, il s’agit surtout de garder la tête hors de l’eau pendant ces années difficiles et d’éviter de se projeter dans l’avenir pour conserver leur motivation : « Je ne vais pas me projeter dans cinq ans. Je vais prendre qu’est-ce que j’ai et c’est avec cette attitude-là que je ne me suis jamais remis en question. J’y vais au jour le jour » (Part. 8).

Certes, cette grande diversité d’expériences est vue comme une source d’apprentissages précieux et de défis à relever, mais, plus modestement, la précarité du début est surtout vécue comme un passage obligé que l’on accepte de traverser avec la promesse d’atteindre, au terme de ces longues années d’insertion professionnelle (de cinq à dix ans), la sacro-sainte permanence. En effet, nombreux sont ceux qui affirment qu’ils ne resteraient pas dans l’enseignement si la situation devait perdurer : « Je ne tiendrais pas la route pendant cinq ans » (Part. 8); « Si on m’avait dit ‘il ne reste que de la suppléance pour les dix prochaines années’, je change de profession, c’est sûr et certain » (Part. 7).

Ainsi, bien que le contexte particulier de l’insertion professionnelle de ces jeunes enseignants rende leur « vision à long terme […] passablement floue », absorbés qu’ils sont par les exigences de l’immédiat et la nécessité pour certains de « survivre jusqu’au prochain contrat » (Tardif et al., 2021, p. 211), plus de la moitié des participants (8/14) témoignent néanmoins d’une volonté de s’engager dans la profession sur le long terme. Ce dont ils rêvent, et ce qui les motive à persévérer, c’est l’idée d’avoir leur classe, la possibilité de créer des liens forts avec leurs élèves, leurs collègues, la direction, de pouvoir s’investir à long terme dans une école pour y faire une différence, et de pouvoir réinvestir le fruit de leurs efforts (leurs planifications, par exemple; les activités créées au fil des contrats, leur expérience) dans un contexte plus stable. Le Participant 4 confie :

J’aimerais ça avoir un poste vraiment rapidement. Ça c’est certain et c’est ça qu’on veut tous un peu. C’est difficile les premières années. Tu es constamment en train de changer de milieu, changer d’école. À chaque fois, c’est un nouveau fonctionnement dans l’école, un nouveau type de clientèle et tout. Donc, ce que j’aimerais, c’est d’être capable de me trouver un poste que j’aime rapidement. Un poste… d’avoir ma classe.


Ces résultats contredisent la thèse de Rosa (2013) selon laquelle « l’idée d’un projet identitaire visant la durée ou le long terme » est abandonnée « sous la contrainte de la société de l’accélération » (p. 292). Pour la moitié des participants, le processus d’individualisation correspond encore à celui de la modernité classique : certains disent avoir trouvé leur voie (Part. 9 et Part. 50) ou bien découvert qu’ils ont ça en eux (Part. 7). L’enseignement constitue une véritable passion (pour une discipline, pour le métier ou encore, très souvent, pour le travail avec les enfants) et possède un caractère fortement vocationnel (Part. 9, Part. 13, Part. 50). Plus de la moitié des participants (8/14) se projettent dans l’enseignement ou un domaine connexe sur le long terme (devenir directeur, conseiller pédagogique, orthopédagogue, se former en adaptation scolaire, ouvrir et diriger une école, faire une maîtrise). En outre, ils se montrent motivés à différer leur satisfaction immédiate (en passant à travers la précarité du début) pour la réalisation du modèle biographique auquel ils souscrivent : être enseignant. Certains se définissent d’ailleurs essentiellement par le statut d’enseignant : « C’est mon métier. Si je rencontre un inconnu, puis il me dit : ‘tu es qui toi?’, bien ça va faire partie de ma description de dire que je suis enseignant » (Part. 7). L’enseignement occupe une grande place dans leur vie, et le défi réside surtout dans l’équilibre à atteindre entre le travail et la vie sociale/familiale.


La carrière enseignante : un choix révisable?

Pour l’autre moitié des participants, toutefois, le choix d’enseigner relève de la contingence. Ne sachant pas dans quel programme s’inscrire, l’un d’eux affirme s’être levé un matin en se disant « pourquoi pas l’essayer! » (Part. 8). Un autre attribue son orientation professionnelle au fruit du hasard, à un « coup de tête » : « C’est peut-être le hasard… Je me laisse beaucoup porter par les choses » (Part. 3). Un autre encore avoue n’avoir jamais eu l’intention de devenir enseignant : il s’agissait d’un prétexte pour lui permettre de voyager (Part. 11). Dans ces cas, l’enseignement résulte d’un choix fondé sur l’expérimentation, et la durée de cette expérience est, dans cette perspective, plus difficilement prévisible, ce qui correspond davantage aux analyses de Rosa (2013). Cela s’observe notamment dans l’incapacité des Participants 11 et 42 à se projeter dans l’avenir : « Je ne me vois pas dans dix ans. Je ne me vois pas nulle part » (Part. 11); « Je ne pourrais pas te dire vers où cela se dirige. J’ai déjà envisagé de peut-être ne plus faire cela à un moment donné. En fait, je ne sais pas » (Part.  42), ou encore, chez le Participant 8 qui se dit : « Au pire, si je n’aime pas ça, je vais pouvoir changer de voie ».

D’ailleurs, certains expriment clairement avoir d’autres intérêts et d’autres passions qui pourraient les amener vers d’autres parcours professionnels : « Je suis prête à aller chercher un certificat en gestion ou autre chose un peu plus tard, mais c’est à voir. J’aime enseigner, mais j’aime aussi la gestion » (Part. 2); « J’ai d’autres passions, j’ai d’autres intérêts » (Part. 11). Plus qu’avant, sans doute, il est possible de revenir aux études ou de faire autre chose, à tout âge. Dans cette perspective, quitter l’enseignement n’est pas nécessairement envisagé comme un abandon de la profession, comme le souligne le Participant 42, mais correspond davantage à un besoin d’évoluer 

Bien, moi je ne le vois pas comme un abandon. On est en constante évolution et ce qui correspond à mes besoins d’aujourd’hui, ce n’est pas nécessairement ce qui va correspondre à mes besoins dans dix ou vingt ans. Je me laisse la souplesse d’évoluer. Je ne suis pas sûr que j’aie le goût d’enseigner nécessairement toute ma vie.


Inversement, pour le Participant 6, qui a quitté l’enseignement, la porte demeure ouverte pour un retour éventuel dans la profession : « J’ai trop aimé pour dire que c’était juste une période dans ma vie. Si je vois une possibilité de retourner et que le contexte s’y prête… je vais peut-être le faire ». L’on retrouve ici les caractéristiques de l’identité situative de la modernité tardive telle que la décrit Rosa (2013) : « rapport à soi ouvert, expérimental, fragmenté et avant tout transitoire » (p. 276). Toutefois, le caractère révisable du choix de l’enseignement ne signifie pas que la profession soit de moindre importance pour ces enseignants, comme en témoigne le Participant 42 : « il reste que je le fais par conviction, ce métier-là. Ce n’est pas juste un gagne-pain. C’est sûr que c’est bien important pour moi. C’est quelque chose qui a du sens pour moi ». Par ailleurs, la contingence peut parfois donner lieu à la découverte d’une passion. C’est, par exemple, ce que ressentent les Participants 3 et 11, qui comptent bien poursuivre leur carrière enseignante sur le long terme, ou encore le Participant 8, qui considère qu’enseigner est devenu « une extension de [s]a personnalité ».


Les différences selon le genre des participants 

Les travaux de Tardif et al. (2021) soulignent le fait que les femmes ont aujourd’hui beaucoup plus de choix de carrière que par le passé. Cette ouverture à de nouvelles options professionnelles pourrait avoir une incidence sur le caractère révisable de leur choix professionnel. Cependant, selon les études consultées par Tardif et al. (2021), les femmes sont non seulement plus nombreuses que les hommes à choisir l’enseignement, mais elles sont aussi plus nombreuses à faire ce choix pour des raisons altruistes et intrinsèques, ce qui pourrait expliquer qu’elles semblent plus enclines à s’y engager sur le long terme. Après tout, « les valeurs intrinsèques et altruistes sont déterminantes dans le choix d'enseigner et sont également liées à la satisfaction professionnelle » (Argentin, 2013, p. 274) [notre traduction].

Qui plus est, le choix de l’enseignement par une majorité de femmes dans les pays occidentaux pourrait être renforcé par certains traits de personnalité typiquement féminins et étroitement liés aux métiers du care, tels que l’enseignement. Plusieurs études d’envergure suggèrent que les femmes se montrent particulièrement attentionnées (nurturance), sensibles aux émotions (concerned with feelings) et altruistes, comparativement aux hommes (Costa et al., 2001; Falk et Hermle, 2018; Schmitt et al., 2009). Les travaux de Muller et al. (2009 : cités dans Argentin, 2013) suggèrent d’ailleurs que les femmes se montrent généralement plus intéressées que les hommes par la dimension relationnelle de l’enseignement. À cela peuvent s’ajouter des raisons extrinsèques, notamment les conditions de travail qui offrent aux femmes une certaine flexibilité dans la conciliation travail-famille, quoique ces raisons soient également évoquées par les hommes, mais surtout dans la perspective de pouvoir occuper un deuxième emploi (Argentin, 20136).

Inversement, l’enseignement constitue, depuis le XIXe siècle, un métier transitoire et temporaire pour la minorité d’hommes qui s’y investit (Johnson et Birkeland, 2003; Tardif 2013). Nos résultats pourraient ainsi refléter une continuité des modèles de carrière plutôt qu’une rupture liée à un nouveau régime-temps. De façon générale, les hommes ne s’investissent pas dans l’enseignement pour les mêmes raisons que les femmes (Argentin, 2013). Dans les régions du monde où les hommes enseignent en plus grand nombre (Afrique subsaharienne, Asie du Sud-Est, etc.), leur choix relève souvent de la nécessité : « pour survivre financièrement ou tout simplement parce qu’il n’y a pas d’autres débouchés » (Tardif et al., 2021, p. 24). Les hommes se montrent aussi plus nombreux à se tourner vers l’enseignement par revers de fortune (fallback career) (Argentin, 2013). La recherche menée par Tardif et al. (2021) met clairement en évidence l’importance du genre dans le choix de l’enseignement : « pour les femmes, les expériences antérieures avec des enfants (63 % contre 17 %) et le plaisir de travailler avec des enfants ou des jeunes (56 % contre 26 %) les démarquent nettement des hommes » (Tardif et al., 2021, p. 29). Tel que mentionné plus haut, les hommes ayant participé à l’étude de Tardif et al. (2021) sont également moins nombreux que les femmes à considérer l’enseignement comme un « élan naturel » ou une vocation (17 % contre 28 %), ce qui pourrait expliquer leur engagement apparemment moins profond dans la profession (Tardif et al., 2021, p. 30). Enfin, la recherche d’Argentin (2013), menée en Italie à partir d’un sondage effectué auprès de 3 369 enseignants, présente des résultats similaires :

Le choix d'enseigner semble être davantage une voie à long terme pour les femmes, en fonction de leurs valeurs personnelles et de leur intérêt pour les valeurs intrinsèques et altruistes de l'enseignement. Les hommes, en revanche, montrent un modèle de choix plus adaptable : le hasard et les changements de carrière ont joué un rôle important dans leur décision d’aboutir en enseignement (p. 271) [notre traduction]. 


À ce titre, les hommes présentent, eux aussi, certains traits de personnalité qui pourraient, en partie, expliquer leur plus grande ouverture à la mobilité professionnelle : la prise de risque (risk taking), la recherche de sensations fortes (excitement seeking) ou encore l’audace (adventurous) (Costa et al., 2001). Ces caractéristiques ne sont pas étrangères au désir de relever de nouveaux défis et de vivre de nouvelles expériences comme évoqué plus haut. En ce sens, il est possible que ces différences d’engagement résultent moins d’un changement dans le mode de construction de l’identité que de différences entre les hommes et les femmes. Évidemment, notre échantillon de quatorze participants ne nous permet pas de tirer de conclusions satisfaisantes à cet égard.


La carrière enseignante : à la jonction de deux régimes-temps?

Au terme de ces analyses, deux autres hypothèses sont susceptibles d’expliquer la persistance d’un modèle de carrière plus traditionnel : 1) la persistance d’un régime-temps industriel associé à la modernité classique dans la sphère scolaire, et 2) la nature et les conditions de l’acte éducatif, qui impliquent, par essence, une certaine stabilité et un certain engagement dans la durée.

Suivant Rosa (2013), si la modernité classique conduit à une temporalisation du travail, dans la perspective de favoriser la croissance économique, par la mise en place de structures temporelles fortement balisées (horaires préétablis et découpés en quarts de travail, régulation du nombre d’heures de travail rémunéré, des temps de pause et des congés, etc.), c’est aussi pour répondre aux exigences de croissance économique de la modernité tardive qu’une tendance à la détemporalisation frappe aujourd’hui le monde du travail : horaires flexibles en fonction d’échéances à rencontrer, salaire en fonction des tâches plutôt que des heures travaillées, brouillage des frontières entre la vie professionnelle et personnelle, etc.

Or, l’institution scolaire, au Québec du moins, est encore largement organisée selon le régime-temps industriel de la modernité classique sur lequel sont calquées ses structures temporelles : le même cadre horaire prédéterminé, la même conception mécanique de son découpage, les mêmes alternances entre travail et détente (Sue, 1993). L’école québécoise est, pour le moment, encore assez imperméable au processus de détemporalisation qui affecte de nombreux milieux de travail. Au-delà des distinctions de genre évoquées plus haut, il s’agit d’une autre explication possible au fait que l’identité professionnelle des participants à cette étude s’envisage toujours, pour une large part, selon le modèle traditionnel, soit dans la perspective d’exercer un métier stable, selon l’horaire classique correspondant au calendrier scolaire (au Québec, 180 jours d’école, des vacances estivales, des semaines de 32 heures rémunérées où alternent les périodes d’enseignement en classe et les pauses pour la récréation et l’heure du dîner).

Dans la perspective où « l’histoire montre que la représentation particulière qu’une société se fait de l’éducation […] est en relation directe avec son temps social dominant, temps considéré comme le plus producteur de la société, celui qui définit son économie » (Sue, 1993, p. 66), il n’est pas impensable que la prééminence d’un nouveau régime-temps dans la modernité tardive, marquée par l’accélération, la globalisation et les technologies numériques (Decuypere et Vanden Broeck, 2020), conduise progressivement à une remise en question voire à l’éclatement de la forme scolaire telle que nous la connaissons, ce qui ne manquerait pas d’affecter la construction identitaire et les trajectoires professionnelles des enseignants. La tendance à l’individualisation de l’enseignement, aidée par la technologisation de ce dernier (cours en ligne, logiciels d’apprentissage, intelligence artificielle), pourrait conduire à des formes scolaires plus flexibles et plus diversifiées, à une temporalité scolaire plus souple et, de ce fait, à un plus grand situativisme dans la profession enseignante : l’on pourrait, par exemple, se retrouver à enseigner dans un contexte particulier, sans toutefois en faire une carrière et se définir essentiellement par ce statut. Un récent rapport de l’OCDE (2018) dénonce d’ailleurs la lenteur des changements que permet le modèle scolaire actuel par rapport à l’exigence de croissance et d’innovation induite par la vitesse des transformations de la société : « Le modèle industriel de la scolarisation rend le changement beaucoup trop lent dans un monde en rapide évolution » (p. 6).

Il demeure que l’acte d’éduquer exige, dans sa nature même, un engagement dans le temps : éduquer implique d’accompagner le développement d’un jeune dans la durée, et peut difficilement se réaliser à l’intérieur de rapports interchangeables, éphémères et de courte durée. Les enseignants interrogés se plaignent d’ailleurs de leur difficulté à exercer leur travail lorsqu’ils n’ont pas le temps de tisser des liens avec leurs élèves, avec l’équipe-école et plus largement avec la communauté, ou encore, lorsqu’ils n’ont pas la chance de suivre leurs élèves pour voir le fruit de leurs apprentissages.

À ce titre, notons qu’au Québec, l’obtention d’un brevet d’enseignement passe encore largement par la formation initiale offerte dans les universités, une formation de quatre ans qui nécessite un investissement (financier et en temps) substantiel. Cette contrainte peut devenir une raison extrinsèque de persévérer dans la profession, pour optimiser cet investissement, comme le soulignent Mathou et al. (2023). Paradoxalement, en Angleterre, là où les modalités de formation et d’embauche ont subi d’importantes réformes à partir des années 1980, il semble que les enseignants ayant été formés et œuvrant dans les écoles qui embrassent davantage les valeurs de flexibilité, d’adaptabilité et de changement caractéristiques du nouveau régime-temps (telles que les écoles des Multi-Academies-Trusts), font l’expérience d’une plus grande stabilité au sein de ces établissements. L’insertion professionnelle serait favorisée par l’adoption de pratiques et le partage de supports standardisés qui permettent aux nouveaux enseignants de développer un sentiment de compétence et d’appartenance professionnelles dès leurs premières années de travail, en plus de favoriser leur rétention au sein de ces établissements.

Ainsi, est-il possible que la résistance de nos institutions au changement de régime-temps contribue, ironiquement, à exercer sur les nouveaux enseignants une pression en matière de flexibilité et d’adaptabilité difficile à soutenir dans les premières années d’instabilité qui caractérisent leur insertion professionnelle? Des changements structurels (processus de formation et d’embauche) répondant aux impératifs de flexibilité et d’adaptabilité du régime-temps de la modernité tardive pourraient-ils, à l’inverse, favoriser une insertion professionnelle plus réussie, en fournissant un cadre structurant et davantage de stabilité aux nouveaux enseignants, comme cela semble être le cas en Angleterre? Au Québec, l’apparition récente de nouvelles formations accélérées (maîtrise qualifiante de deux ans, formation accélérée d’un an) aura certainement des répercussions sur l’insertion et les trajectoires professionnelles des nouveaux enseignants. Des études permettant de comparer les différents contextes de formation, d’embauche et d’insertion professionnelle sont à mener afin d’apprécier leurs effets sur l’engagement dans et envers la profession enseignante.


Un tableau incomplet

À la lumière de cette modeste recherche, plusieurs questions subsistent. Premièrement, notre analyse demeure incomplète, puisqu’elle n’inclut pas les témoignages d’enseignants ayant effectivement quitté la profession, de manière à en connaître les motivations. Pourquoi ces enseignants ont-ils fait le choix d’un changement de carrière? Ce choix procède-t-il de la tendance à la mobilité professionnelle caractéristique de notre époque, que Rosa associe à un mode d’action électif dans la construction d’une identité situative, ou s’explique-t-il par d’autres facteurs? Par ailleurs, un nombre croissant d’enseignants débutants n’en sont pas pour autant à leur début de carrière d’un point de vue biographique : le choix de l’enseignement correspond plutôt à une reconversion, à un changement professionnel; en France, on parle d’une proportion qui passe de 18,8 % en 2011 à 28,3 % en 2018 (Garcia, 2021). Pour obtenir un portrait plus juste de la situation, il nous faudrait également inclure les témoignages de ces enseignants qui se sont reconvertis.

Deuxièmement, notre cadre d’analyse demeure très large et ne nous permet pas de rendre compte des spécificités des contextes à l’intérieur desquels s’effectue le travail enseignant dans différents pays. Nous avons brièvement évoqué le contexte anglais, mais nous pensons aussi au contexte scolaire états-unien, qui présente des spécificités susceptibles d’expliquer les différences notables entre les trajectoires professionnelles des enseignants par rapport à celles de leurs homologues français lorsqu’on compare leur taux de décrochage professionnel respectif : plus de 50 % au cours des cinq à sept premières années chez les États-uniens (Feeny Jonson, 2008 : cité dans De Stercke et al., 2011) contre moins de 5 % chez les Français (Karsenti et al., 2013). Des recherches comparatives plus ciblées, ancrées dans les réalités propres à chaque système éducatif, seraient nécessaires pour mieux comprendre l’incidence des contextes nationaux sur les trajectoires professionnelles des enseignants.


CONCLUSION

Cet article s’est penché sur l’engagement professionnel des enseignants québécois en début de carrière, en lien avec la dimension temporelle de la profession. Dans un contexte d’accélération sociale, marqué par des trajectoires professionnelles plus éclatées, nous avons examiné si l’enseignement suivait cette tendance à la mobilité. Pour ce faire, nous avons analysé les trajectoires de 14 enseignants à la lumière des réflexions d’Hartmut Rosa (2013) sur les modes de construction identitaire dans la modernité tardive.

Notre analyse met en lumière la coexistence d’un modèle de carrière traditionnel et d’un modèle plus situatif. La prédominance des femmes dans le premier, ainsi que leur surreprésentation parmi ceux qui envisagent un engagement à long terme, pourraient s’expliquer par des motivations généralement altruistes et intrinsèques à enseigner, renforcées par des traits de personnalité liés aux métiers du care (attention, sensibilité, altruisme). À l’inverse, chez les hommes — minoritaires dans la profession — le choix de l’enseignement reste souvent perçu comme transitoire. La prise de risque, la recherche de sensations fortes et l’audace qui caractérisent plus généralement les hommes pourraient également expliquer qu’ils soient plus nombreux à maintenir leurs horizons professionnels ouverts. En conséquence, nos résultats pourraient indiquer une continuité dans les trajectoires professionnelles des enseignants davantage qu’une rupture associée à l’apparition d’un nouveau régime-temps.

Dans la grande majorité des cas, les exigences d’adaptation et de flexibilité associées au régime-temps de la modernité tardive décrit par Rosa (2013) sont vécues dans les années d’insertion professionnelle (précarité, suppléance, contrats de courte durée) et sont généralement envisagées comme un obstacle à surmonter plutôt que comme un mode de vie à embrasser. Cela pourrait s’expliquer par la persistance du régime-temps industriel de la modernité classique dans la sphère scolaire, qui résiste jusqu’à présent aux pressions du nouveau régime-temps de la modernité tardive, de même que par la dimension temporelle inhérente à l’acte d’éduquer : celui-ci implique un engagement dans le temps, ce dont les nouveaux enseignants sont bien conscients.

Enfin, il reste à voir si la tendance à l’ouverture et à la mobilité ira en s’intensifiant, dans la perspective où l’organisation temporelle de l’institution scolaire risque de se transformer, possiblement radicalement, sous la pression du nouveau régime-temps de la modernité tardive. Si le modèle traditionnel se maintient, on observe toutefois l’émergence de trajectoires professionnelles marquées par la contingence et l’imprévisibilité, et un désir de dépasser les cadres temporels du modèle scolaire actuel (OCDE, 2018). Une telle éventualité pose de sérieuses questions pour la profession enseignante, que ce soit pour la formation qu’elle exige comme pour la nature et les conditions de l’acte d’éduquer. Sur ce point, ironiquement, seul le temps nous le dira.

Notes

  1. Dans la littérature anglophone, soulignons les travaux de Wilkins et al. (2020), puis ceux de Mathou et al. (2023) qui suggèrent des transformations dans l’engagement professionnel des enseignants dans le contexte de transformations du marché du travail dans la modernité tardive (politiques néolibérales, régime de marché, dérégulation).

  2. Le concept de régime-temps renvoie ici à la manière dont une société donnée rationalise le temps afin d’organiser ses différentes activités.

  3. Pour une description exhaustive de cette recherche et des méthodologies utilisées, consulter : Tardif et al. (2021).

  4. Nous avons jugé ce nombre suffisant pour permettre des comparaisons intéressantes, tout en demeurant réaliste au regard des contraintes dans la réalisation de cette étude, qui a été menée de manière indépendante par la co-auteure de cet article en collaboration avec le professeur Tardif durant l’été 2021.

  5. Les auteurs renvoient ici à plusieurs études : Avgousti, 2017; Hellsten et Prytula, 2011; Kyriacou et Coulthard, 2000; OCDE, 2005, 2015; Richardson et Watt, 2006; Sinclair, 2008, etc.

  6. Argentin (2013) se réfère ici aux travaux de Lillo (2010) et au Rapport de l’OCDE de 2005 Attracting, Developing and Retaining Effective Teachers - Final Report: Teachers Matter.

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ANNEXE

TABLEAU 1. Profil des participants

Participant

Sexe

Âge

en 2014

Formation complétée

(baccalauréat)

Statut en 2014

Niveaux enseignés en 2014

Participant 2

F

27

Éducation physique

À contrat

Primaire

Participant 3

M

30

Éducation physique

À contrat

Préscolaire-primaire-secondaire

Participant 4

F

32

Préscolaire-primaire

À contrat

Préscolaire-primaire

Participant 6

M

33

Communication et études cinématographiques, génie

À contrat

Secondaire

Participant 7

M

32

Éducation physique

À contrat

Secondaire

Participant 8

M

24

Éducation physique

À contrat

Primaire

Participant 9

F

44

Enseignement, maîtrise en lettres modernes

À contrat

Préscolaire

Participant 11

M

34

Art, éducation physique

Permanent

Primaire

Participant 12

M

27

Éducation physique

À contrat

Primaire

Participant 13

F

26

Préscolaire-primaire

À contrat

Préscolaire-primaire

Participant 22

F

34

Sciences de l’éducation, français, langue et littérature

À contrat

Primaire

Participant 26

F

25

Préscolaire-primaire

À contrat

Primaire-secondaire

Participant 42

M

31

Adaptation scolaire au secondaire

À contrat

Formation générale des adultes

Participant 50

F

26

Enseignement secondaire – Univers social

À contrat

Secondaire