BOOK REVIEW / COMPTE-RENDU
GÉRALD BOUTIN et FRANCE DUFOUR (dir.). Aider le nouvel enseignant à réussir son insertion professionnelle : Pour une approche réflexive et partenariale de l’accompagnement. Québec, Canada : Presses de l’Université du Québec. (2021). 125 pp. 28,00$ (format papier) ou 20,99$ (format électronique). (ISBN : 978-2-7605-5472-6).
Parmi les préoccupations concernant la carrière enseignante mises en évidence au cours des dernières années se trouve l’insertion dans la profession, une question qui retient toutefois l’attention des chercheurs depuis plusieurs années déjà (Mukamurera, 1998). L’ouvrage de Boutin et Dufour arrive donc à point nommé pour soutenir les nouvelles personnes enseignantes en insertion. Ce livre se veut un guide pratique, fournissant des pistes de réflexion et d’intervention, adressé aux personnes qui occupent une fonction d’accompagnement (responsables de l’insertion professionnelle, personnes accompagnatrices associées à la formation initiale, directions d’établissement, personnes conseillères pédagogiques, pairs, etc.) auprès du personnel enseignant novice de tout ordre d’enseignement. Boutin et Dufour avancent que le lectorat peut y trouver une philosophie de l’accompagnement, laquelle se déploie dans une perspective partenariale où la relation personne accompagnatrice-personne enseignante constitue la pierre angulaire.
L’ouvrage s’amorce avec un état des lieux autour du contexte difficile de l’insertion dans la profession enseignante, menant trop souvent à l’abandon de la carrière, et de la nécessité d’accompagner les personnes enseignantes débutantes. Le bref historique tisse les liens entre la formation en milieu de pratique et l’accompagnement dans le champ de l’éducation. Plutôt que de contraindre le propos au contexte des stages, il l’ouvre sur les multiples formes et aspects de l’accompagnement traités tout au long de l’ouvrage.
Le deuxième chapitre vise à vulgariser la notion d’accompagnement dans le contexte de l’insertion professionnelle. L’accompagnement y est présenté comme une notion de soutien, dont le but est en partie orienté par son caractère formatif. À l’instar des travaux de Maela Paul et d’autres, l’accompagnement y est décrit comme une action partagée permettant d’atteindre des objectifs fixés en collaboration entre une personne accompagnatrice et une personne enseignante.
La suite de l’ouvrage approfondit le processus d’accompagnement en identifiant ses caractéristiques et les rôles qui y sont associés. Pour la personne enseignante accompagnée, ce rôle se résume à s’engager et à participer activement au processus d’accompagnement, alors que, pour celle qui l’accompagne, il se détaille en une fonction, des aptitudes, des attentes et des responsabilités liées à son statut. Ce statut devrait d’ailleurs être reconnu à travers du temps dédié à l’accompagnement et de la formation ciblée pour ces dernières. Le chapitre décrit ensuite les étapes pour encadrer le processus d’accompagnement en commençant par l’accueil, avec la prise de connaissance du contexte, l’acceptation de la nouvelle personne enseignante par le milieu professionnel et la mise en place de la relation entre les personnes accompagnatrice et accompagnée. Par la suite, il y a la mise en œuvre du processus où s’élabore le plan d’action en fonction des visées poursuivies, ce qui mène vers la conclusion de l’accompagnement, car cette activité se déroule dans un temps limité, bien qu’on ne le connaisse pas au départ.
Boutin et Dufour attirent ensuite l’attention sur l’aspect relationnel de l’accompagnement, précisant que la relation comporte plusieurs dimensions. La dimension socioaffective fait référence à une relation d’aide axée sur la personne accompagnée et empreinte de disponibilité, d’ouverture et de confiance de la part de celle qui l’accompagne, ainsi que d’égalité entre les deux parties. La relation comporte aussi une dimension pédagogique, car elle traite du travail enseignant. Enfin, il y a une dimension sociale à la relation, au sens de socialisation, parce qu’elle contribue à la dimension identitaire de la personne enseignante. La suite du chapitre concerne les types et les modalités d’accompagnement, ainsi qu’un aperçu des fondements théoriques qui les appuient. L’activité d’accompagnement y est présentée de manière à imaginer son positionnement sur un continuum entre un style directif, associé au courant béhavioriste, et un style non directif, plutôt inspiré de l’humanisme. Entre les deux se retrouve toute une gamme de nuances, comme des pratiques issues de la phénoménologie. Cet éclairage devrait inciter les acteurs et actrices de l’accompagnement à clarifier leur positionnement, mais aussi à rendre explicites les cadres qui orientent la formation qui leur est offerte à cet égard.
Le cinquième chapitre annonce en titre la réflexibilité, soit le caractère de ce qui peut être réfléchi. Tout au long du chapitre, c’est plutôt le terme d’approche réflexive qui est utilisé, esquissant un lien entre la réflexivité, l’accompagnement et le développement professionnel. Cette perspective réflexive réfère aux dimensions rationnelle, pragmatique, cognitive, relationnelle et temporelle de l’accompagnement. Boutin et Dufour y proposent un cercle réflexif, inspiré de Schön et d’Holborn, au sein duquel se trouve la notion de résonance, comme structure à la démarche d’accompagnement. Ce cercle, qui fait appel à la notion d’expérience au sens de Dewey, comporte quatre étapes : la prise de conscience de l’expérience vécue, l’analyse des composantes de ce vécu, la conceptualisation des éléments principaux et la théorisation menant au réinvestissement dans l’action.
Dans le dernier chapitre, il est question des méthodes que peuvent mettre en œuvre les personnes accompagnatrices. L’entretien d’accompagnement, qui s’inspire de ceux compréhensif, clinique et d’explicitation, est considéré comme le socle de la démarche d’accompagnement. Boutin et Dufour proposent cinq autres outils associés à des fiches de travail en annexe : le journal réflexif personnel ou interactif, l’entente d’accompagnement pour clarifier les rôles, les attentes et la relation, l’étude de cas comme méthode formative, l’incident critique permettant d’encadrer l’intervention autour de situations conflictuelles et la carte conceptuelle soutenant l’approfondissement et le partage.
Il convient de rappeler que ce guide s’adresse à un public spécifique, des professionnels et professionnelles de l’éducation, ce qui influence le style d’écriture. Un lectorat spécialiste des domaines de l’insertion professionnelle et de l’accompagnement conviendra de la justesse et de la cohérence du propos. Toutefois, celui en quête d’appuis théoriques détaillés ou de résultats de recherche devra poursuivre ses explorations, quoiqu’une brève recension des défis, attentes et critiques à l’égard de l’insertion professionnelle en enseignement et une liste de ressources web sur ce thème sont présentées à la fin du livre. En outre, l’ouvrage met habilement l’accent sur la dimension partenariale de l’accompagnement et son rôle essentiel pour soutenir les personnes enseignantes débutantes. Boutin et Dufour se permettent également quelques recommandations destinées à l’encadrement des personnes accompagnatrices, en plus d’inciter ces dernières à se former ou à s’autoformer. L’épilogue autour des répercussions de la pandémie et de la présence grandissante du personnel enseignant non légalement qualifié sur la fonction d’accompagnement témoignent enfin du souci d’être au plus près de la réalité des milieux concernés.
ANDRÉANNE GAGNÉ Université de Sherbrooke