Les capabilités : une grille de lecture des conditions de la professionnalisation au travail et en formation
SOLVEIG FERNAGU Directrice de Recherche en sciences de l’éducation, CESI LINEACT1, ED 432 SMI
Difficile d’échapper aux compétences lorsque l’on souhaite aborder les questions de professionnalisation, de développement professionnel ou de pouvoir d’agir. De nombreuses manières de faire permettent d’ailleurs d’agir sur le développement des compétences : par la formation, par l’organisation, par le travail, etc. Une littérature abondante existe sur ces questions (notamment Bourgeois et Durand, 2012; Bourgeois et Enlart, 2014; Charlier et al., 2013; Endrizzi, 2015; Fernagu, 2018b; Fournier et al., 2017; Malloch et al., 2011; Tourmen, 2014; Vidal-Gomel, 2021). Nous ne la développerons pas dans le cadre de ce texte, mais force est de constater que les approches du développement des compétences, étudiées, analysées ou rapportées, relèvent souvent d’approches ressourcistes (propres au « y’a qu’à » / « faut qu’on ») ou délégataires (propres au « qu’ils fassent preuve d’autonomie et de responsabilité ») (Fernagu, 2018a). Les approches « ressourcistes » (que ces ressources soient humaines, techniques, matérielles, managériales, formatives, etc.) partent du principe qu’il suffit de mettre des ressources (de travail ou de formation) à disposition des individus pour qu’ils apprennent. Elles s’interrogent peu sur l’utilisabilité (voire l’utilité), la congruence ou la transférabilité des ressources proposées dans les situations qui posent problème. Par exemple, l’introduction du travail en mode projet ne garantit pas le développement de la capacité à collaborer (Fernagu-Oudet et al., 2014), le suivi d’une formation technocentrée sur les outils d’apprentissage digitaux mais qui n’aborde pas les questions de présence sociale ou cognitive indispensables au maintien des apprenants dans les dispositifs conçus (Fernagu-Oudet et Prost, 2016; Verquin Savarieau, 2021). Les approches « délégataires », quant à elles, imputent la responsabilité du développement des compétences aux individus eux-mêmes. C’est à eux de se prendre en charge et de trouver les moyens nécessaires pour cela; à eux de faire preuve d’apprenance (Carré, 2017). Par exemple, choisir et demander une formation spécifique, s’autoformer, échanger avec les collègues, etc. À chacun de prendre en main ses apprentissages, de trouver les ressources nécessaires à son développement quel qu’il soit, et d’en organiser le processus. L’organisation se soucie peu, ici, de la manière dont les individus vont s’y prendre, s’ils disposent des ressources nécessaires pour le faire et des conditions de travail adéquates. Dans le premier cas, avec les approches ressourcistes, l’action porte sur l’environnement indépendamment des individus qui s’y trouvent. Dans le second cas, avec les approches délégataires, l’individu est responsable de son développement indépendamment de l’environnement dans lequel il œuvre. Quel que soit le cas de figure, la manière dont l’individu va prendre possession des ressources qu’il va mobiliser, se les approprier, ne fait pas partie des préoccupations premières (Fernagu, 2018a). Cela peut être étonnant car, aujourd’hui, la recherche est arrivée à un consensus définitionnel qui montre que les compétences sont le résultat de l’articulation de ressources internes (l’individu et ce dont il est porteur) et de ressources externes (l’organisation, l’environnement et les conditions du travail, etc.), qu’elles sont situées et contextualisées, agies et vécues, singulières et partagées (Coulet, 2011, 2016; Fernagu-Oudet et Batal, 2013; Jonnaert et al., 2015; Legendre, 2008; Masciotra et Medzo, 2009). Sur le plan des pratiques, nous sommes encore loin d’usages qui s’appuient sur ce qu’a produit la recherche, et il reste souvent bien plus facile d’évaluer un individu qu’une organisation (Fernagu, 2018a, 2021). Le point de vue que nous développons sur les compétences est très particulier et explique notre intérêt pour le cadre des capabilités. Si l’on considère qu’une situation ne peut jamais être identique à une autre (cf. l’ergonomie constructive ou la didactique professionnelle), cela veut dire qu’une compétence ne peut être transportable en l’état, d’un lieu à un autre, et qu’il est nécessaire de la reconstruire en permanence. Ce que l’on transporte d’une situation à l’autre, ce sont des éléments de compétences (schèmes, savoir-faire, outils, procédures, etc.) qu’il s’agit de recombiner, de ré-articuler, en fonction des situations rencontrées (Fernagu-Oudet, 2006). Elles peuvent donc être considérées comme uniques, voire « biodégradables » (Fernagu-Oudet, 2016), « non reproductibles » (Jonnaert, 2012). A partir de là, il nous semble nécessaire de s’intéresser particulièrement aux mouvements qui opèrent pour agir avec compétences. Ces mouvements s’appuient sur un travail de mise en lumière des transactions qui opèrent entre les ressources du travail et l’activité, entre les ressources de la formation et l’apprentissage, qui elles-mêmes résultent de la dialectique organisation-individus, environnement / milieu-individus, dispositifs-dispositions, responsabilités organisationnelles, responsabilités individuelles.
Dépasser les approches ressourcistes et délégataires du développement des compétences pour tendre vers une approche qui pense ces dialectiques conduit à s’intéresser à une voie médiane : celle de l’approche par les capabilités.
Les capabilités comme modalité d’évaluation centrée sur les relations organisation-individu
L’approche par les capabilités ouvre, en effet, des perspectives praxéologiques et herméneutiques intéressantes puisqu’elle s’intéresse à la manière dont les individus sont mis en capacité de se saisir et d’utiliser les ressources qu’ils trouvent dans leur environnement (qu’il soit de travail ou de formation) ou qu’ils vont aller chercher dans ou en dehors de la sphère du travail. Elle interroge non plus les conditions d’utilisation et d’acceptation des ressources (propres au pouvoir agir), mais leurs conditions d’utilisabilité et d’acceptabilité (propres au pouvoir d’agir) (Fernagu-Oudet et Batal, 2013). Ce sont aussi les perceptions d’utilité voire de plaisir à utiliser les ressources qui peuvent être étudiées en regard des problèmes que celles-ci sont censées résoudre. Tous ces éléments, et d’autres que nous aborderons plus loin, participent à la construction du pouvoir d’agir entendu ici comme l’exercice effectif d’un pouvoir d’action (Clot, 2017; Sen, 2001; Zimmermann, 2016). Très brièvement décrit, l’exercice effectif d’un pouvoir d’action dépend à la fois des opportunités offertes par l’environnement (cadre législatif, contexte politique, ressources, etc.) et des capacités des personnes à exercer ce pouvoir (compétences, désir d’agir, perception des opportunités d’action, etc.) (Vallerie et Le Bossé, 2006). Cette réalité se réfère à la capacité concrète des personnes (individuellement ou collectivement) d’exercer un plus grand contrôle sur ce qui est important pour elles, leurs proches ou la collectivité à laquelle elles s'identifient (Le Bossé, 2012).
Les relations organisation-individu comme modalité d’éclairage de la professionnalisation
Les capabilités donnent du sens aux situations vécues ou à vivre, elles explorent et expliquent les processus à l’œuvre quand on agit, mettent en lumière ce qui peut, à un moment donné, permettre le passage du pouvoir agir au pouvoir d’agir. Ce dernier est aujourd’hui indispensable pour penser en termes d’agilité, de flexibilité, et d’employabilité des acteurs, et de co-responsabilité. Ce sont aussi les enjeux de tout processus de professionnalisation : permettre aux personnes de s’adapter en permanence aux situations et aux contextes professionnels et de se développer.
Les capabilités, parce qu’elles soutiennent le développement du pouvoir d’agir, peuvent donc être considérées comme un moyen d’éclairer la professionnalisation dès lors qu’elles donnent à voir les processus qui se jouent lorsque l’on cherche à décrire la manière dont les personnes se développent.
Dans son acceptation la plus large, la notion de développement professionnel englobe la construction des compétences lors de formations individuelles ou collectives, mais aussi la construction de compétences nouvelles par la pratique et la réflexion sur la pratique ainsi que les transformations identitaires des individus ou des groupes (Marcel, 2009). Défini ainsi, développement et professionnalisation mais aussi développement et pouvoir d’agir se confondent. Nous allons de ce fait, dans un premier temps, définir ces termes plus précisément. Puis, dans un second temps, nous présenterons le cadre des capabilités. Enfin, nous analyserons la manière dont cette approche théorique peut constituer une grille de lecture de la professionnalisation, objet de ce numéro.
Pouvoir d’agir et dÉveloppement professionnel
Le pouvoir d’agir pour se développer
Le pouvoir d’agir, simplement appréhendé, relève d’un je peux qui ne dit rien de ce qui rend possible l’exercice de ce pouvoir. Il se confond avec l’idée de capacité d’agir, une capacité à faire quelque chose, à agir sur le monde. Cette approche n’ouvre ni aux conditions de l’action, ni aux ressources qui permettent à l’action de prendre forme.
Le « sujet qui peut » prend, avec les capabilités, une double signification :
« celui qui peut » parce que son environnement le lui permet,
« celui qui peut » parce qu’il se sent en capacité de « pouvoir », pouvoir apprendre (s’il s’agit d’un environnement d’apprentissage) ou pouvoir agir (s’il s’agit d’un environnement d’action).
Il devient circonstancié et se fait l’expression des capacités d’agir dans une situation singulière pour un opérateur (Gouédard et Rabardel, 2012; Rabardel et Pastré, 2005). D’autres évoquent une mesure du rayon d’action effectif du sujet (Clot, 2017; Corteel et Zimmermann, 2007), ou une conception du sujet comme sujet capable (Pastré, 2011; Rabardel et Pastré, 2005). Les travaux nord-américains utilisent le terme d’« empowerment » pour désigner le pouvoir d’agir (Le Bossé, 2003; Zimmermann, 2008). Si ce voisinage ne fait aucun doute, la question du développement du pouvoir d’agir au sens des capabilités se distingue de notre point de vue du pouvoir d’agir au sens de l’« empowerment ». Le pouvoir d’agir au sens de l’« empowerment » exprime l’effort réalisé pour « sortir » d’une situation perçue comme insatisfaisante, et tendre vers une autre envisagée comme plus souhaitable. Il s’inscrit dans une dynamique de changement et d’affranchissement. Le pouvoir d’agir au sens des capabilités vise le développement, le bien-être et l’épanouissement. Ces deux notions se distinguent donc par leurs visées, mais renvoient toutes deux à l’idée, qu’elles ne peuvent être atteintes sans que soient prises en compte les ressources individuelles, et les conditions objectives et concrètes de l’environnement qui y contribuent. Le pouvoir d’agir peut alors être compris comme ce qu’une personne peut faire compte tenu des contraintes du milieu dans lequel elle opère et de sa perception des événements, au regard de ce qu’elle est, fait, voudrait faire, etc. Le pouvoir d’agir s’avère donc extrêmement dépendant des ressources offertes par l’environnement, et de la capacité des personnes à exercer ce pouvoir (désir d’agir, perception de possibilités d’action ou de soutien organisationnel, capacité de projection, etc.). Selon cette logique, pouvoir d’agir et possibilité de développement sont indissociables. L’approche par les capabilités ouvre donc des perspectives intéressantes de compréhension de cette construction.
Pour Sen, le développement consiste à donner la possibilité aux individus de s’accomplir dans leur vie, en optant pour des choix de valeur à leurs yeux leur permettant de s’épanouir (Salais, 2009; Zimmermann, 2011). Quelque chose renvoie au « bien naître » des situations que l’on croise (Fernagu, 2021). La perspective sénienne du développement n’est pas celle qui est vulgarisée dans de nombreux écrits et qui consiste à rendre compte du fait que le développement est fréquemment associé à l’idée d’accroissement des savoirs professionnels (Olry, 2009) et plus rarement à celle d’accroissement du pouvoir d’agir (Clot, 2017).
Le développement pour accroître le pouvoir d’agir
Il existe quelques catégorisations du développement professionnel. Nous n’en mobiliserons que deux puisqu’elles suffiront à rapprocher « développement » et « pouvoir d’agir ». La première catégorisation (Lefeuvre et al., 2009) distingue les théories qui sont centrées sur les processus individuels (le sujet et son activité) et celles qui sont centrées sur les processus collectifs et organisationnels (le collectif et son activité) (cf. Tableau 1). La première catégorie se centre sur l’évolution des ressources personnelles au cours de l’activité professionnelle et fait référence aux apports de la psychologie cognitive, de la psychologie socio-cognitive et de la cognition située. La seconde étudie les influences croisées de la conduite de l’activité par le sujet et des conditions organisationnelles, culturelles et sociales de celle-ci, et renvoie aux travaux de la cognition collective, de la sociologie de l’action et de la sociologie psychologique. Ainsi, les composants structurels de l’environnement de travail constituent des ressources ou des contraintes qui influencent le champ d’action possible des professionnels ainsi que les opportunités ou, à l’inverse, les obstacles à leur apprentissage professionnel. Néanmoins, quelles que soient les théories de pensée,
le développement professionnel comme objet d’analyse concerne les relations entre un sujet (ses ressources cognitives et affectives), la configuration de ses modalités d’action mises en œuvre en situation, puis l’environnement professionnel (avec ses différents niveaux de contextes; social, culturel, temporel, spatial, etc.) dans lequel il exerce. (Lefeuvre et al., 2009, p. 290)
Au regard du cadre des capabilités, cette conception du développement est extrêmement intéressante puisqu’elle dialectise individu et organisation.
TABLEAU 1. Deux perspectives théoriques pour expliquer le développement professionnel et leurs auteurs (Lefeuvre et al., 2009, p. 308)
Théories centrées sur le sujet et son activité |
Théories centrées sur le collectif et son activité |
||||
Psychologie cognitive |
Psychologie socio-cognitive |
Cognition située |
Cognition collective |
Sociologie de l’action |
Sociologie psychologique |
Piaget Vergnaud Rabardel Samurçay Leplat |
Vygotsky Rubinstein Léontiev Talyzina Doise et Mugny Perret-clermont Bandura Bruner |
Suchman Theureau Grison Gibson Lave et Wenger |
Lave et Wenger Lemke Nonaka et Takeuchi |
Corzier Friedberg Bressous Boltanski et thévenot Tourraine Dubet |
Lahire Kauffamnn |
La seconde catégorisation aborde le développement professionnel sous l’angle de deux principales perspectives (Gosselin et al., 2014). La première perspective envisage le développement comme l’application de savoirs (au sens large) appris par les personnes, et fait porter la responsabilité du transfert des apprentissages à ces derniers. L’autre illustre la relation individu-situation et donc une coresponsabilité dans les processus de développement. C’est l’individu qui apprend mais le milieu lui fournit des conditions propices d’apprentissage. Ce qui rejoint nos préoccupations pour éclairer les liens entre organisation, individus et apprentissage.
Et se transformer
Le développement croise donc des dimensions personnelles et organisationnelles (contexte social, physique, matériel, etc.) situées dans des pratiques qui, plus elles seront congruentes, plus elles seront « capabilisantes ». Plus une personne se sentira en congruence de sens avec son environnement, moins elle hésitera à s’engager dans des situations d’apprentissages (Billett et Somerville, 2004). En ce sens, les significations accordées par la personne moduleraient ses attitudes envers l’apprentissage et donc sa capacité d’action (Gosselin et al., 2014). Une recherche conduite au sein de l’Association Progrès pour le Management auprès de dirigeants de petites et moyennes industries témoigne, pour l’illustrer, d’une fréquentation assidue des dirigeants à leurs clubs d’échanges, qui s’explique par les modalités de fonctionnement de ces derniers. Elles permettent en effet de participer activement à la vie des clubs et de se sentir responsable de leur bon fonctionnement (Fernagu, 2018c). Une autre recherche conduite auprès des Réseaux d’Échanges Réciproques des Savoirs à La Poste (Fernagu-Oudet, 2012a) témoigne également du fait que les conditions organisationnelles d’échanges des savoirs permettent aux postiers de se sentir soutenus dans les démarches d’échanges, de pouvoir le faire en toute sécurité, et de gagner en sentiment d’efficacité personnelle, ce qui au final permet aux personnes de s’engager pleinement dans le dispositif proposé. Dans ces deux recherches, les sujets témoignent du fait que l’expérience acquise dans les dispositifs fréquentés en font un objet et un moyen de développement (Olry, 2009).
La notion de développement est particulièrement intéressante puisqu’elle semble décrire des mouvements dynamiques de transformation, de changement, d’évolution. Le développement est processus, comme le pouvoir d’agir! L’un et l’autre ont la même visée, gagner en autonomie et (em)prise sur les situations rencontrées, en autodétermination.
Ce processus peut être étudié avec la grille de lecture des capabilités.
DÉveloppement professionnel et professionnalisation
Il existerait, selon plusieurs auteurs, une relation étroite entre « professionnalisation » et « développement professionnel » (Fernagu-Oudet, 2006; Jorro et De Ketele, 2011; Normand et Derouet, 2011; Wittorski, 2016). Si l’on définit le développement professionnel comme un processus de transformation des sujets au fil de leur activité (Wittorski, 2016), que celui-ci ait lieu dans ou en dehors de dispositifs organisationnels, formels ou informels, il apparaît évident que « développement professionnel » et « professionnalisation » s’appuient sur un levier commun : la prise de distance avec les situations professionnelles (Argyris et Schön, 1974; Jorro, 2010; Kolb, 1984; Perrenoud, 2012; Wittorski, 2007) pour structurer et sédimenter l’expérience du travail, et acquérir de l’expérience au sens fort du terme. Cette transformation du sujet au fil de son activité ne peut néanmoins s’apprécier indépendamment de sa « capacité d’expérience » (Grasser et José, 2000) ou de son « potentiel d’expérience » (Fernagu-Oudet, 2006), autrement dit des opportunités et des contraintes dont sont porteurs les environnements dans lesquels ils évoluent et avec lesquels ils interagissent. Cet écosystème individus-environnement sera plus ou moins développant, plus ou moins professionnalisant, le pouvoir d’agir dépendant à la fois des possibilités offertes par l’environnement mais aussi des capacités des personnes à convertir ces possibles et à exercer ce pouvoir, de se positionner et d’agir en contexte. La notion d’environnement capacitant se fait l’expression de ces interrelations (Falzon, 2013; Fernagu, 2021; Vidal-Gomel, 2021). Un environnement capacitant est défini comme un environnement porteur de capabilités, de pouvoir d’agir. Il se fait le porte-drapeau de la co-responsabilité individu-organisation dans le développement ou la professionnalisation, évitant ainsi la sur-responsabilisation individuelle des professionnels eu égard à leur propre développement. Il exprime également l’importance de la durée puisque l’expérience du travail et en travail est fonction des événements et des dilemmes rencontrés, des situations, des contextes et des milieux traversés. L’expérience qui se fabrique dans les environnements capacitants est une expérience qui s’appréhende du point de vue qualitatif et non quantitatif, elle est transformatrice. A titre d’illustration, une recherche conduite dans une entreprise logistique (Fernagu-Oudet, 2006) avait pu montrer que seuls les tuteurs polyvalents formaient des jeunes qui restaient dans l’entreprise. Leur expérience de l’ensemble des métiers de la chaîne logistique leur permettait de donner du sens aux postes de travail, à leurs interrelations, aux implications du travail bien fait en début de chaîne (palettisation) pour l’extrémité de la chaine (chargement); et de se mettre à distance du pourquoi et du comment des choses, tels des mouvements croisés entre l’expérience et sa mise en mots au regard des conditions et contraintes générées par l’environnement de travail.
Vers l’approche par les capabilitÉs
Les capabilités pour étudier la mise en capacité à se professionnaliser
Qu’il soit question de développement professionnel, de professionnalisation, ou de pouvoir d’agir, les éclairages apportés pointent trois idées essentielles : la première est relative à la coresponsabilité, la seconde aux processus à l’œuvre, la troisième à leur inscription dans la durée. Nous nous proposons maintenant de présenter le cadre des capabilités comme grille de lecture du pouvoir d’agir et de la mise en capacité à (se) professionnaliser ou à se développer.
De nombreux travaux de recherche mobilisent aujourd’hui l’approche par les capabilités (qui nous vient de l’économie du développement), notamment pour explorer les conditions de l’apprentissage en milieu organisationnel ou pour évaluer des politiques de formation et leurs effets sur le développement professionnel (Bonvin, 2007; Brotcorne, 2015; Fernagu, 2018a, 2018b, 2018c, 2021; Fernagu-Oudet et Prost, 2016; Mazade, 2014; Verhoeven et al., 2009; Vidal-Gomel, 2020, 2021; Zimmermann, 2016, etc.). Tous ces travaux contribuent à faire des capabilités une grille de lecture de la mise en capacité à apprendre et à se développer (Fernagu, 2021), en s’intéressant non aux résultats de l’apprentissage ou du développement, mais aux processus conduisant à ces derniers. Il s’agit de s’attarder sur ce que les individus sont réellement capables de réaliser au regard des ressources2 qui sont les leurs (et de leur conversion en capacités d’action), et sur les choix qu’ils posent pour réaliser ce qu’ils font de la manière dont ils le font. La perspective est celle du sujet qui peut (cf. supra), et entraîne avec elle l’idée que la mise à disposition de ressources pour apprendre (dispositifs de formation, réseaux métiers, groupes de discussion, « fablab », espaces de « co-working », communautés de pratiques, etc.) — ou de travail — ne se suffit pas à elle-même, non seulement pour apprendre mais également pour les utiliser. Il est nécessaire d’étayer leur processus d’appropriation pour les rendre opérantes et utilisables, convertissables, efficaces, etc.; finalement, capacitantes.
Nous distinguons trois processus3 pour étudier la dynamique des capabilités (cf. Figure 1) : le « processus opportunités », le « processus liberté » et le « processus capabilités ».
FIGURE 1. Processus capabilité, opportunité et liberté (Fernagu-Oudet, 2016)
Le « processus opportunités » s’intéresse à la manière dont les ressources mises à disposition pour agir / apprendre sont converties en « capacités d’action » (ou d’apprentissage) et aux facteurs facilitant ou entravant cette conversion (Fernagu-Oudet, 2012b; Sen, 2009). Il porte sur l’analyse des moyens, conditions et contraintes de l’action. Interrogeant l’étendue de la qualité des possibles accessibles à une personne dans une situation donnée, Sen parle de liberté opportunité (Sen, 2000b).
Le « processus liberté » permet d’identifier ce qui contraint ou libère les dispositions à apprendre ou à agir (Fernagu-Oudet, 2016). Le regard se porte sur la manière dont les conversions se traduisent en réalisations (ou accomplissements) et sur les facteurs de choix pesant sur l’orientation de ces dernières. L’attention se focalise sur la « capacité de choisir », sur ce qui permet aux personnes de se déterminer. Il porte ainsi sur l’analyse des moyens, conditions et contraintes de l’activité. Interrogeant les divers mécanismes qui conditionnent l’exercice d’un libre choix dans l’action, Sen parle de liberté processus (Sen, 2001). Ce processus interroge les préférences adaptatives, à savoir qu’une personne adapte ses préférences aux possibilités qui s’offrent à elles (Zimmermann et Vero, 2018)
Le processus « processus capabilité » donne à voir comment les deux premiers processus s’interfacent et permet d’entrevoir comment les individus développent leur pouvoir d’agir. Ce processus permet d’appréhender la manière dont les individus sont mis en capacité d’accomplir et de se développer. Il s’interroge sur la qualité des environnements de travail ou de formation qui sont proposés et in fine, sur la manière dont ils se montrent capacitants — voire (in)capacitants ou (de)capacitants (Fernagu-Oudet, 2016) — en nuisant aux capabilités (Vidal-Gomel et Delgoulet, 2016). Parce que « Fortement tributaire de l’environnement, elle la capabilité ne peut être rabattue sur le seul individu et déplace l’attention vers les différents facteurs qui impactent le pouvoir effectif d’agir dans une situation donnée » (Zimmermann, 2016, p. 368).
Les capabilités pour mesurer les conditions du développement
Le cadre théorique des capabilités, grâce à son arsenal conceptuel et méthodologique, offre la possibilité de mesurer les conditions du développement parce qu’il :
s’inscrit dans une démarche qui n’isole ni l’individu, ni les conditions de l’action, ni l’environnement (ou le milieu) dans lequel se situe l’action; il est un outil de lecture de leurs interactions réciproques et de leurs effets sur le développement des individus;
définit un champ de possibles tout à la fois pour l’individu et pour l’organisation dans laquelle il œuvre; les capabilités d’un individus s’expriment au et en regard d’un environnement qui peut se montrer capacitant, mais aussi incapacitant ou décapacitant;
est le résultat d’un processus singulier de conversion de ressources internes et externes (et de choix posés) en réalisations concrètes qui témoignent du pouvoir d’agir des individus;
se distingue des « capacités » qui sont potentielles, alors que les capabilités sont réelles et actuelles. Elles sont ce que l’on est ou fait à un moment donné, elles sont ce que l’on réalise.
C’est donc dans son environnement et en référence à ce dernier que la personne est appréhendée.
L’approche par les capacités capabilités prend en compte aussi bien ce qu’une personne est capable de faire — ses compétences — que les possibilités réelles de développer et mettre en œuvre ces compétences — à savoir les opportunités et les moyens d’agir. C’est là une différence essentielle par rapport à la logique compétences. Elle est d’autant plus importante que dans l’entreprise, les opportunités et les moyens d’agir sont fortement tributaires de l’organisation du travail, du management et échappent au contrôle du salarié. (Zimmermann, 2016, p. 368)
En ce sens, il est possible de considérer que les capabilités sont le résultat d’interactions et de responsabilités réciproques entre les dispositions de l’individu et celles de l’organisation. En sociologie, les dispositions renvoient à des capacités, des comportements ou des attitudes sédimentées par l’expérience, elles sont « inclination », « propension », « penchant ». L’utilisation du terme de « disposition organisationnelle » renvoie quant à elle, à l’idée d’agencement, d’arrangement, d’architecture, d’appareillage ou de configuration du travail d’organisation à même de faciliter (ou non) les apprentissages (Fernagu, 2018a). L’idée de dispositions organisationnelles, pointe donc l’idée selon laquelle les organisations dans les choix organisationnels et managériaux qu’elles posent peuvent aider à se développer, ou stimuler des attitudes favorables aux apprentissages. On pourra parler d’organisation, d’environnement, de situation, d’intervention, de dispositif ou de milieu capacitant.
Les cinq concepts fondamentaux de l’approche par les capabilitÉs
Adopter
le cadre des capabilités comme grille de lecture des situations de
professionnalisation conduit à se poser différentes questions :
de quelles ressources disposent les individus pour agir ou pour se
former? Quelles sont les opportunités dont ils disposent pour les
utiliser? A quoi conduit leur utilisation? Quels sont les buts qu’ils
poursuivent? Comment construisent-ils leurs choix? Quels moyens se
donnent-ils de les atteindre? etc.
Répondre à ces questions
permet de renseigner de manière itérative la pertinence des
ressources proposées, les contraintes qui pèsent sur les individus
lorsqu’ils agissent (facteurs de conversion, facteurs de
choix), les opportunités dont ils disposent et les chemins qu’ils
adoptent au regard des moyens à leur disposition (accomplissements).
La question des interactions entre individus et organisation est
centrale car si les opportunités relèvent de la responsabilité de
l’environnement, le fait de s’en saisir questionne celle des
individus.
Le cadre des capabilités, d’un point de vue opérationnel, s’apprécie comme un moyen de gouvernance. Il permet d’interroger les propriétés et qualités des ressources, la nature des conversions et des choix, et de faire évoluer les systèmes pour plus de pouvoir d’agir.
Il ne s’agit pas d’inventer de nouvelles ingénieries qui viendraient s’additionner à d’autres mais de stimuler des environnements dans lesquels il est possible de se développer, de s’engager dans le travail, de s’y accomplir, de s’accomplir et d’accomplir.
L’utilisation du cadre des capabilités permet ainsi d’évaluer le caractère capacitant des environnements, qu’ils soient de travail ou d’apprentissage grâce à l’étude de trois processus (cf. Figure 1) et à l’articulation de cinq concepts fondamentaux (cf. Figure 2) : ressources, facteurs de conversion, facteurs de choix, fonctionnement et capabilités4.
FIGURE 2. Le cadre théorique des capabilités (Fernagu, 2018a)
Le Document 1 en fin de texte et précédant les références propose deux exemples de situations de formation analysées au prisme des capabilités.
Les capabilités
Une capabilité est, suivant la définition qu’en propose Sen, la possibilité effective qu’un individu a de choisir diverses combinaisons d’accomplissements (Sen, 2001). Elle permet une évaluation de la liberté dont il jouit effectivement. Elle est représentative de son pouvoir d’agir. En ce sens, les capabilités ne décrivent pas seulement un « pouvoir faire » ou un « pouvoir être » mais un « pouvoir de faire » ou un « pouvoir d’être ».
Ce pouvoir d’agir dépend étroitement des systèmes de ressources mobilisés par les personnes, de leur conversion en capacité d’action, des accomplissements réalisés et des éléments qui ont pesé sur les décisions d’accomplir de telle manière plutôt que de telle autre.
De ce fait, l’ensemble des accomplissements réalisés retrace ce qu’une personne est capable de faire et d’être, et l’ensemble des accomplissements réalisables retrace ce qu’elle pourrait faire ou être dans un contexte différent. Autrement dit :
étudier les capabilités d’une personne conduit à analyser deux dimensions : l’une est liée aux opportunités et renvoie à la nature et au volume des options réellement disponibles, et l’autre a trait au processus par lesquels les décisions personnelles sont mises en œuvre et sont en mesure de jouer sur les choix. (Lambert et Vero, 2007, p. 58)
C’est donc, au travers les capabilités, la mise en capacité d’accomplir qui est analysée. Les capabilités dans un certain nombre de cas seraient partagées, distribuées et collectives (Cavignaux Bros, 2021). Par exemple dans les métiers de l’ingénierie pédagogique, les relations d’interdépendance entre les acteurs sont telles qu’il est difficile d’imaginer que la capabilité puisse s’isoler du collectif dans lequel elle prend forme (partenaires, prestataires, commanditaires, usagers, etc.) (Cavignaux Bros, 2021).
Enfin, une capabilité peut être constitutive d’autres capabilités (Fernagu, 2018a) ou ressources pour d’autres capabilités (Robeyns, 2003). Dans une recherche sur la fréquentation de clubs de dirigeants, la capacité à s’autodéterminer s’est avérée constitutive de la capabilité à s’impliquer dans le fonctionnement de leur club (Fernagu, 2018c). D’autres travaux évoquent la capacité à aspirer (Zimmermann et al., 2012), définie comme « l’aptitude à lire la carte d’un voyage dans l’avenir » (Appadurai, 2004), ou la capacité à délibérer définie comme « la possibilité de participer aux processus de décisions qui nous concerne » (Salais, 2009), comme constitutives des capabilités en général.
Les accomplissements
La mise en capacité d’accomplir conduit à identifier le concept d’accomplissement5.
Un accomplissement peut se définir comme une réalisation effective , rendue possible grâce à des moyens et des opportunités d’utiliser des ressources, de les convertir en capacités d’action et de choix. Ils sont potentiellement mesurables à l’aide d’indicateurs qui renseignent la manière dont les individus peuvent ou non s’y prendre pour accomplir.
Les accomplissements peuvent prendre différentes formes : être réalisés, ils expriment alors ce que la personne fait effectivement; potentiels ou réalisables, lorsqu’ils font référence à ce qu’elle pourrait faire; attendus lorsqu’ils sont contraints (Fernagu-Oudet et Carré, 2017) ou se font l’expression d’attentes organisationnelles. La mise en capacité à accomplir permet de mesurer les (in)capabilités. On pourrait parler d’accomplissements réalisés, souhaitables, visés, réels, prescrits. Les écarts représentant les espaces d’ajustements ou de régulation que l’étude des processus donne à voir.
Un accomplissement se formule avec un verbe d’action : utiliser une tablette numérique, réaliser un bilan d’activité, conduire une réunion, etc. La capabilité, elle, s’exprime en termes de mise en capacité : être mis en capacité d’utiliser une tablette, être mis en capacité de réaliser un bilan d’activité, être mis en capacité de conduire une réunion, etc.
Les ressources
Les ressources sont des moyens au service des capacités d’action des personnes. Elles peuvent être formelles ou informelles, externes (propres à l’environnement qu’il soit humain, technique, matériel, logistique, etc.) ou internes (propres à la personne).
Pour être considérées comme des ressources, elles doivent être utilisables, repérables et accessibles, mais aussi appropriables, convertissables, et congruentes, voire désirables (Fernagu, 2018a; Fernagu, 2018b; Fernagu-Oudet et Carré, 2017). Une ressource n’est donc pas « ressource » par hasard. Elle peut exister mais ne pas être perçue comme telle, et ce qui « fait ressource » pour une personne ne le fait pas automatiquement pour une autre. En ce sens, elle n’indique pas ce qu’une personne est en capacité de faire quand elle en dispose, mais dessine des usages possibles dans un contexte donné, en fonction des personnes. Leur volume n’est pas corrélé aux possibilités d’action (ou d’apprentissage) et ne préfigure pas, en ce sens, de leur utilisation, ni de leur conversion en capacités d’action (ou d’apprentissage) (Fernagu, 2018a). Il existe une véritable gradation dans la mobilisation des ressources qui dépend à la fois de leur pertinence, de leur acceptabilité et de leur facilité d’utilisation (Fernagu, 2021). Cette évaluation par l’individu lui permet de mobiliser des systèmes de ressources qui sont fonction des situations problèmes (Fernagu et al., 2017). Ces systèmes de ressources sont relatifs au « panier de biens » chez Sen (2000).
Au quotidien, de nombreuses ressources sont trop souvent produites et proposées indépendamment de leurs conditions d’usage : une tablette mise à disposition pour apprendre sans penser les conditions de connectivité ou de compatibilité avec les logiciels intégrés (Fernagu-Oudet et Carré, 2017), une formation de formateurs qui n’est pas représentative des conditions de l’activité (taille et nature des groupes, moyens pédagogiques, etc.) (Fernagu et Carré, 2017), un jumeau numérique à vocation éducative conçu sans que soit pensé l’intégration d’usages pédagogiques dans les curricula (Badets et al., 2021), ou encore des groupes de travail qui sont mis en place sans que le temps soit dégagé pour y participer (Fernagu-Oudet, 2014b), etc.
Les facteurs de conversion
Une fois acquis l’accès aux ressources, c’est au travers de l’utilisation de ces ressources que la personne peut accomplir un certain nombre d’accomplissements. Les ressources ne sont pas intrinsèquement convertissables (Cavignaux Bros, 2021), elles nécessitent en effet des médiations pour être converties en capacités d’action (Sen, 2001, 2009). Par exemple, lors d’une recherche portant sur la manière dont des policiers formateurs développent leurs compétences pédagogiques, la participation à des stages en techniques de sécurité et d’intervention est identifiée comme une ressource parce qu’elle permet d’observer les autres apprenant et le formateur en action. Le stage est une ressource au service du développement des compétences pédagogiques, mais c’est l’observation de la pratique des formateurs et de leurs effets sur les conduites d’apprentissage qui fait office de facteur de conversion positif. Dans d’autres stages, le manque de congruence avec les situations de terrain (en termes d’équipements pédagogiques disponibles, par exemple) empêche les formateurs en formation de réfléchir à ce qu’ils pourraient faire de ce qu’ils observent (Fernagu, 2018b).
Ainsi, si la ressource est un moyen utilisé pour atteindre des fins, le facteur de conversion est une caractéristique des conditions d’usage de la ressource, et permet d’apprécier ce qui va, ou non, faciliter son usage. Il convertit (ou non) les ressources en capacités d’action. Le facteur de conversion fait référence à des médiations, négatives (facteurs de conversion négatifs) ou positives (facteurs de conversion positifs) et peut être défini comme ce qui facilite (ou entrave) la capacité d’un individu à faire usage des ressources à sa disposition pour les convertir en réalisations concrètes. Les facteurs de conversion sont liés à l’individu et/ou au contexte dans lequel il se trouve. Ils permettent de transformer les ressources en possibilités effectives (Fernagu-Oudet, 2012b). Ils peuvent être sociaux, environnementaux, personnels (Robeyns, 2007) et positionnels (Cavignaux Bros, 2021). Par exemple, des situations de travail organisées pour permettre plus de marges de manœuvre décisionnelles et être mis en capacité de développer son autonomie, peuvent se trouver confrontées à des obstacles (facteurs de conversion négatif) tels que leur rareté ou leur complexité, ou à des leviers (facteur de conversion positif) tel que leur proximité avec les savoirs professionnels, ou leur inscription dans un projet d’équipe.
Les facteurs de choix
Sen appartient au champ de l’économie normative : il accorde, dans sa théorie, des préférences à la satisfaction. Pour lui, développer les capabilités revient à développer la capacité de choisir entre différentes manières d’accomplir. Il distingue pour cela, la liberté négative et la liberté positive (Sen, 1987). La première désigne l’espace à l’intérieur duquel un homme peut agir sans que d’autres l’en empêchent (évaluation du degré de contrainte), tandis que la seconde examine la possibilité d’être son propre maître (évaluation du contrôle de l’action). Les capabilités sont du côté de la liberté positive, des facteurs de choix, de la capacité de choix. Comprendre ce qui fait qu’un individu choisit d’agir (de réaliser, d’accomplir) d’une certaine manière plutôt que d’une autre (au regard des ressources qui sont les siennes et de leur conversion en capacité d’action) donne à voir l’étendue de sa liberté, de son pouvoir d’agir.
En ce sens, la liberté n’est pas dans ce qu’on fait mais réside dans la manière dont il est possible de faire ce que l’on fait. Par exemple, aller voter et exprimer ses convictions ne pourra se faire de la même manière selon les pays, les cultures, les infrastructures.
La recherche sur les policiers formateurs a montré que l’obligation de retour en service actif pèse sur l’orientation du développement de leurs compétences et que préférentiellement et au regard de cette contrainte, ils vont privilégier le développement de leurs compétences en techniques de sécurité et d’intervention au détriment de leurs compétences pédagogiques (Fernagu-Oudet, 2017). Cet exemple permet de mettre en évidence que le choix n’est pas qu’une question de motivation, il peut être contraint parce qu’il est situé socialement (Robeyns, 2017). D’autres travaux montrent que les facteurs de choix peuvent relever d’habitudes, d’envies, de buts d’activités, de préférences, de croyances (Le Morellec, 2014); ou relever de logiques d’action (Cavignaux Bros, 2021). La liberté de choix est donc fortement contextualisée (Lambert et Vero, 2007), et il existerait des facteurs de choix positifs et des facteurs de choix négatifs (Fernagu, 2018a). Ainsi, les contraintes de sécurité informatique peuvent venir empêcher de mobiliser tel ou tel logiciel de scénarisation pédagogique constituent un facteur de choix négatif, tout comme le fait de devoir obéir à des contraintes réglementaires peuvent empêcher l’usage de certaines modalités pédagogiques dans la conception de dispositifs de formation incluant du numérique (Cavignaux Bros, 2021).
DISCUSSION : Enseignements pour penser la mise en capacitÉ À se professionnaliser
L’approche par les capabilités telle que nous l’avons appréhendée fonctionne à la fois comme un cadre théorique et comme une grille d’évaluation des possibilités de développement qui s’offrent aux individus. Il est possible de considérer que
le développement professionnel comme objet d’analyse concerne les relations entre un sujet (ses ressources cognitives et affectives), la configuration de ses modalités d’action mises en œuvre en situation, puis l’environnement professionnel (avec ses différents niveaux de contextes; social, culturel, temporel, spatial, etc.) dans lequel il exerce. (Lefeuvre et al., 2009, p. 290)
En ce sens il dialectise, au même titre que les capabilités et les conditions de la professionnalisation, la relation individus et organisation, individus et environnement, en prenant en compte l’ensemble des dimensions contributives et interactives qui y participent.
Dans l’approche par les capabilités, le développement est considéré comme le résultat pouvoir d’agir (Falzon, 2013; Fernagu, 2018a; Zimmermann, 2016). Nous avons choisi à partir de leurs définitions, d’associer la question de la professionnalisation à celle du développement et de les considérer comme poursuivant les mêmes finalités, et donc de les relier au pouvoir d’agir.
La mobilisation des concepts au cœur de l’approche par les capabilités permet d’apprécier la dialectique individu-organisation, les responsabilités réciproques, et leur mobilisation dynamique, de mettre en lumière les processus à l’œuvre qui participent à la mise en capacité des personnes à « fonctionner » (apprendre, se former, se développer, se professionnaliser).
Lorsque l’on cherche à utiliser cette approche conceptuelle et méthodologique, il est possible de répondre à deux questions qui semblent essentielles :
Comment apprécier et exploiter le potentiel d’apprentissage ou d’action des environnements de travail et/ou de formation?
Comment permettre aux individus de se saisir des opportunités de développement qui gisent dans ces environnements?
Ce double questionnement, itératif, est essentiel pour engager une réflexion sur la coresponsabilité individus-organisation en matière d’apprentissage, de développement professionnel et de professionnalisation, de pouvoir d’agir.
L’utilisation de ce cadre théorique articulé à la volonté grandissante de mobiliser et recourir aux situations de travail par, pour et en formation pour se professionnaliser se présente comme une opportunité. Car si l’on ne peut que se réjouir de la multiplication d’une diversité de dispositifs pour accompagner le développement des apprentissages par et dans le travail (coaching, mentoring, tutorat, supervision, communauté de pratiques, espace de « co-working » ou collaboratifs, etc. ), et de dispositifs au plus près du travail (« corporate universities », analyses de pratiques ou de l’activité, simulation, formation action, alternance, réalité virtuelle, « corporate open online courses », formation intégrée au travail ou en situation de travail, « workplace learning », etc.), il reste important que ces ressources au service de la formation soient étudiées au regard de ce qu’elles permettent réellement d’accomplir, pour comprendre ce qui fait obstacle aux apprentissages professionnels, ou au contraire les potentialise, pour apprécier la construction et la sédimentation de l’expérience, le développement professionnel, in fine la professionnalisation.
Document 1 : exemples de mobilisation du cadre thÉorique des capabilitÉs pour lire des situations de formation
Un dispositif de formation à distance (Fernagu-Oudet et Prost, 2016)
Voici un exemple de recherche portant sur la formation à distance et donnant à voir la mobilisation des concepts de ressources et de facteurs de conversion dans les analyses qu’il est possible de réaliser à partir du cadre des capabilités.
L’abandon en cours de formation à distance est souvent expliqué par l’absence de facilitation, d’un tuteur qui soutienne les processus d’autorégulation à l’œuvre dans ce type de dispositif. L’ingénierie de l’accompagnement est ainsi fortement incriminée pour expliquer les abandons ou le manque de persévérance dans ce type de dispositif (Albero, 2010). Si l’on cherche à analyser la capabilité « être mis en capacité de se maintenir dans un dispositif de formation à distance ». Il est possible entre la ressource « dispositif de formation à distance » (et ses différentes modalités d’animation et de conception) et le fonctionnement « se maintenir dans un dispositif de formation à distance », de pointer un ensemble de facteurs (ici externes aux personnes mais ayant une résonnance chez elles) permettant d’expliquer l’abandon en cours de formation : une prédominance des prescriptions concernant l’usage des ressources pédagogiques dans des environnements de formation qui visent l’autonomie des apprenants (Jacquinot et Fichez, 2008), le déficit de formation des intervenants dans ces dispositifs (Albero et Charignon, 2008; Heutte et al., 2010), une ingénierie pédagogique trop traditionnelle (Burton et al., 2011), des perceptions et acceptations des technologies mitigées du côté des formateurs (Allen et Seaman, 2010), la bienveillance à l’égard des technologies (Endrizzi, 2012; Pedró, 2012), la nature des groupes de collaboration ou le contenu des pratiques de travail collaboratives des apprenants (Ito et al., 2009), les potentiels d’usages des ressources mises à disposition (Endrizzi, 2012), etc. La liste pourrait être plus longue. Cet ensemble de facteurs pouvant expliquer les abandons en formation fonctionne comme des facteurs de conversion négatifs. Au regard des capabilités, l’étude de ces facteurs conduit à se poser différentes questions, mais d’abord et avant tout celle des objectifs que l’on poursuit lorsque l’on cherche à analyser les motifs d’abandon. Leur analyse a besoin d’être finalisée vers un fonctionnement précis : que cherche-ton? Assurer le maintien des apprenants dans le dispositif? Développer les pratiques collaboratives? Professionnaliser les intervenants? Garantir des processus d’apprentissages réussis? etc. La focale d’analyse n’est pas la même selon le fonctionnement étudié, car elle renvoie à des ressources qui peuvent s’avérer différentes et discriminantes : la formation des intervenants, l’accompagnement des apprenants, l’ingénierie du dispositif, etc., et donc des facteurs de conversion distincts.
Les inégalités d’accès à la formation (Fernagu, 2018a; Lambert et Vero, 2007)
La question des inégalités d’accès à la formation continue traitée au prisme des capabilités permet d’élargir le spectre des raisons fabriquant de l’inégalité.
Traditionnellement les inégalités d’accès à la formation sont justifiées par des éléments tels que le secteur d’activité, la taille de l’entreprise, le niveau de formation initiale, l’âge, le sexe, la catégorie socio-professionnelle (Institute national de la statistique et des études économiques (Insee), 2016; Lambert et Perez, 2004), ou l’appétence pour la formation (Frétigné et de Lescure, 2007, etc.). Pourtant, le travail de Lambert et Vero (2007) montre que l’approche par les capabilités permet d’éclairer le fait que les latitudes d’action dont disposent les salariés expliquent aussi pour partie ces inégalités d’accès. On dépasse ainsi l’opposition entre formés et non-formés en proposant d’analyser l’accès à la formation au prisme des opportunités réelles de formation, et l’on montre qu’elles ne sont pas identiques pour tous. On ne peut donc expliquer les inégalités d’accès, uniquement à partir d’indicateurs sociologiques. De nombreux autres facteurs sont à prendre en considération : formation proposées, imposée ou souhaitée; modes de formation, contenus, transférabilité ou portabilité; absence de besoins de formation non satisfaits; nature du contrat de travail ou ancienneté; informations juridiques sur le droit à la formation, etc. Il en résulte que la non-participation à la formation relève davantage d’un manque d’opportunités, que d’un manque d’envie de se former. La confrontation des opportunités réelles de formation et de l’accès effectif est alors révélatrice de la faiblesse des capacités d’action des salariés en marge de la formation. C’est donc moins leur désintérêt pour la formation que la faiblesse de leur latitude d’action qui est en cause. Cela permet de mieux comprendre l’échec du DIF (Droit Individuel à la Formation), et interroge fortement le déploiement du CPF (Compte Personnel de Formation), et plus globalement celui de la loi « Liberté de choisir son avenir professionnel ». En quoi ces dispositifs sont-ils porteurs d’opportunités de formation et sont-ils porteurs de possibilités de choix?
Notes
Laboratoire d’Innovation Numérique pour les Entreprises et les Apprentissages au service de la Compétitivité des Territoires.
Les ressources peuvent être internes (portées par l’individu : motivation, capacités, compétences, représentations, valeurs, etc.) ou externes (portées par l’organisation techniques, matérielles, logistiques, humaines, etc.).
Nous entendons ici le terme de processus comme un ensemble d’activités corrélées ou interactives, qui transforme des éléments d’entrée en éléments de sortie et peuvent dépendre d’éléments de sortie d’autres processus (Afnor, norme ISO 9000).
Le travail de Julhe (2016) révèle que plus de 70 % des études sur les capabilités, en sociologie, ne mobilisent pas l’ensemble des cinq concepts de Sen.
Selon les auteurs mobilisant le cadre, il sera question d’accomplissements, de réalisations ou de fonctionnements. C’est un seul et même concept.
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