COMMENT LES ENSEIGNANTS DU POSTSECONDAIRE PEUVENT FAVORISER LA RÉUSSITE SCOLAIRE DES ÉTUDIANTS AYANT UN TDAH?
JEANNE LAGACÉ-LEBLANC, NADIA ROUSSEAU, LINE MASSÉ Université du Québec à Trois-Rivières
Les étudiants en situation de handicap (ÉSH) sont de plus en plus nombreux à parvenir à l’éducation postsecondaire. En 2013-2014, ils étaient 8 201 dans le réseau universitaire québécois et en 2019-2020 on en répertoriait 19 296 (Association québécoise interuniversitaire des conseillers aux étudiants en situation de handicap [AQICESH], 2020). Cette hausse serait principalement attribuable à l’augmentation des étudiants ayant un trouble de déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH) qui sont passés de 68 à 7 263 entre 2005-2006 et 2019-2020. Ces statistiques se basent sur la divulgation préalable par les étudiants de leur condition aux établissements postsecondaires. Toutefois, il s’avère qu’ils ne divulguent pas tous leur handicap une fois au cégep (collège d’enseignement général et professionnel) ou à l’université. Par exemple, Newman et Madaus (2015) révèlent que seulement 35 % des étudiants ayant eu recours à des services adaptés au cours de leurs études secondaires ont divulgué leur condition au cégep ou à l’université. Il y a un certain nombre de raisons pouvant expliquer cela : la peur d’être stigmatisé, un manque de connaissance sur les droits des ÉSH, sur les services disponibles ou sur les atteintes de leur condition sur l’apprentissage (Emmers et al., 2017; Denhart, 2008), la peur que de futurs employeurs aient accès à leur dossier (Lauffer, 1999), le désir de vouloir réussir seul ou encore parce qu’ils n’ont pas besoin de mesures d’accommodement (Lefler et al., 2016). Par conséquent, il est possible que certains étudiants ne reçoivent pas les mesures d’accommodement ou les services dont ils ont besoin pour persévérer vers l’obtention de leur diplôme. Cela pourrait expliquer pourquoi certains étudiants ayant un TDAH sont plus susceptibles d’interrompre leurs études (Brown, 2005), d’abandonner un cours (Advokat et al., 2011) ou d’échouer à décrocher leur diplôme (Barkley et al., 2008). Dès lors, il est probable que la prévalence des étudiants ayant un TDAH à l’éducation postsecondaire ne soit pas le véritable reflet de la situation actuelle. Ainsi, les établissements postsecondaires sous-estimeraient le nombre d’étudiants qui rencontrent des obstacles.
Plusieurs études montrent que les étudiants ayant un TDAH ont un plus grand risque de connaître des difficultés sociales, psychologiques et scolaires comparativement à ceux sans le trouble (DuPaul et al., 2009; Overbey et al., 2011). Plus précisément sur le plan scolaire, ils éprouvent plus de difficultés à estimer le temps (Prevatt et al., 2011), ont souvent besoin de plus de temps lors des évaluations, ont plus de mal à terminer leur examen dans les temps requis (DuPaul et al., 2009) et tendent à procrastiner pour se mettre à l’étude ou pour réaliser leurs travaux (Kane et al., 2011). Les étudiants ayant un TDAH éprouvent plus de difficulté que les étudiants sans TDAH à éviter les distractions et à rester concentrés, à prendre des notes en classe, à se souvenir d’informations importantes, à persister dans des tâches cognitives et à réfléchir aux conséquences de leurs actions (Advokat et al., 2011; Fleming et McMahon, 2012). Ils doivent aussi relire plusieurs fois pour bien comprendre (Lewandowski et al., 2008). Ils ont souvent l’impression de travailler plus fort que leurs pairs sans TDAH (DuPaul et al., 2009) et se sentent moins confiants concernant leur capacité à réussir leurs études (Blase et al., 2009; Heiligenstein et al., 1999; Kane et al., 2011; Lewandowski et al., 2008). Plusieurs étudiants ayant un TDAH ressentent de la honte et de la culpabilité à propos de leurs résultats scolaires, pouvant entraîner des comportements d’évitement et de procrastination (Stamp et al., 2014). De plus, ils éprouvent des difficultés à rester assis lors de cours, d’examens ou de rédaction de travaux (Gilbert, 2005).
Au cours de leur scolarité, certains cours seront plus exigeants, par exemple sur le plan de l’attention ou de l’inhibition, pour les étudiants ayant un TDAH alors que ce ne sera pas le cas pour d’autres. Il est aussi possible que certains d’entre eux rencontrent des obstacles dans des cours, mais pas dans d’autres (D’Alessio et Banerjee, 2016; Ofiesh et al., 2015). Comment cela s’explique-t-il? À notre connaissance, peu d’études se sont intéressées aux contextes qui exacerbent ou diminuent les manifestations liées au TDAH dans un contexte de classe au postsecondaire. Toutefois, il s’avère que certains facteurs liés à l’environnement scolaire, comme les méthodes d’enseignement, peuvent avoir un effet sur la manifestation de ces symptômes. L’étude de Jansen et al. (2017), réalisée auprès de 86 étudiants Belges ayant un TDAH, montre que ces derniers sont plus susceptibles d’éprouver des difficultés lors de l’enseignement magistral et lorsque des méthodes classiques d’évaluation sont utilisées (p. ex. : examen écrit ou examen à choix de réponses). À l’opposé, ils risquent moins de rencontrer des difficultés lorsque l’enseignant utilise des méthodes pédagogiques actives. L’étude de Lipka et al. (2019) a examiné comment des étudiants Israélien de niveau postsecondaire ayant un TDAH ou un trouble d’apprentissage percevaient l’enseignement et les apprentissages dans le cadre de cours adaptés préconisant de petits groupes et des stratégies pédagogiques différentes. Dans le cadre d’entrevues, les étudiants ont rapporté l’importance du soutien émotionnel, par exemple de sentir que l’enseignant se soucie vraiment d’eux. Ils ont aussi apprécié les enseignants qui s’adaptaient au rythme des étudiants, répétaient l’information lorsque nécessaire, organisaient les apprentissages en « petit bloc » ou utilisaient l’apprentissage par modelage. Enfin, ils ont mentionné que la tolérance était une qualité importante chez les enseignants.
D’autre part, l’éducation postsecondaire est susceptible de générer de plus grandes exigences pédagogiques et organisationnelles en contraste avec leurs expériences scolaires antérieures. Ces nouveaux défis, qui prévalent dans le milieu postsecondaire, peuvent même déclencher des niveaux plus élevés de symptômes, et ainsi, créer un environnement potentiellement difficile pour les personnes ayant un TDAH (Fleming et McMahon, 2012). Ces derniers peuvent donc avoir besoin de soutien et d’interventions conçues pour les aider à persévérer vers l’atteinte de leurs objectifs scolaires. Dans de nombreux pays industrialisés, les universités offrent des services particuliers pour les étudiants ayant un TDAH pour soutenir leur réussite scolaire, notamment en leur offrant des mesures d’accommodements (United Nations, 2006; Vagneux et Girard, 2014). Cependant, certains problèmes demeurent. D’abord, l’approche dans l’offre de service requiert que l’étudiant divulgue son trouble, ce qui constitue une barrière importante à demander des services d’aide (Wagner et al., 2005). Il s’agit aussi d’une approche qui entraîne d’importants coûts pour les organisations (Vaillancourt, 2017). Par la suite, l’absence de réelle preuve empirique soutenant l’utilisation des mesures d’accommodement à l’éducation postsecondaire (Harrison et al., 2013) est une lacune considérable. D’autant plus que toutes les difficultés scolaires des étudiants ayant un TDAH ne peuvent pas être toutes palliées en utilisant des mesures d’accommodement (Jansen et al., 2017).
À la lumière de ce qui précède et dans la perspective où les établissements postsecondaires souhaitent offrir un environnement d’apprentissage accessible à tous les apprenants, il importe d’explorer d’autres avenues pouvant aider les étudiants ayant un TDAH. Cela dit, comme nous l’avons déjà soulevé, les données disponibles sont rares. Dans ce contexte, il nous apparaît plus que pertinent d’écouter ce qu’ont à dire les principaux intéressés. La voix des étudiants est un instrument riche permettant de nous informer et de nous aider à mieux comprendre ce qui les aide à réussir dans leurs études. Pourtant, depuis plusieurs décennies, des auteurs comme Hurst (1996) et Tinklin et al. (2004), soulignent leurs inquiétudes quant à l’absence d’études s’intéressant à l’expérience vécue des ÉSH, notamment par rapport à la manière dont ils vivent l’enseignement, les apprentissages et les évaluations à l’éducation postsecondaire. Encore près de 20 ans plus tard, peu d’études ont répondu à cet appel. Selon Tinklin et al. (2004, p. 12), tant que les établissements ne consultent pas directement les ÉSH, ils resteront ignorants des difficultés et des obstacles auxquels sont confrontés quotidiennement ces étudiants dans leur quotidien. En apprenant des expériences de vie des ÉSH, dont ceux ayant un TDAH, les établissements postsecondaires seraient mieux équipés pour comprendre et réagir de manière inclusive auprès de cette population (Gibson, 2015). De plus, écouter les besoins soulevés à travers l’expérience scolaire de ces étudiants constitue un outil puissant pour mieux comprendre les pratiques enseignantes et les bonifier (Flutter et al., 2007). Dans cette optique, la présente étude a pour but de documenter les perceptions des étudiants ayant un TDAH quant aux pratiques enseignantes qui favorisent la réussite scolaire de ces derniers. Les conseillers en services adaptés des étudiants de l’étude sont également interrogés puisqu’ils sont susceptibles d’avoir des connaissances approfondies sur le vécu scolaire de la population ciblée.
MÉTHODOLOGIE
Participants
L’échantillon se compose de 29 étudiants de la province de Québec (Canada) ayant un TDAH, dont 19 femmes et 10 hommes, âgés de 18 à 36 ans (M = 23,9, ÉT = 4,61); 9 étudiants sont âgés de plus de 25 ans (âge scolaire non traditionnel) et rapportent être de retour aux études après une période d’absence (M = 2,15 années, ÉT = 1,74). Les étudiants de niveau collégial étudient dans un programme d’étude préuniversitaire (n = 6) ou technique (n = 4). Les étudiants universitaires étudient dans un programme de certificat (n = 1), de baccalauréat (n = 13), de maîtrise (n = 4) ou de doctorat (n = 1). Tous les participants ont reçu un diagnostic de TDAH par un professionnel habileté : 62,0 % par un médecin de famille, 34,5 % par un neuropsychologue et 3,5 % par un psychologue. 51,7 % des participants présentent au moins un trouble en comorbidité avec le TDAH, dont 42,8 % un trouble d’anxiété et 35,7 % un trouble d’apprentissage. Parmi les participants, 20 d’entre eux ont un plan d’intervention actif leur permettant de bénéficier de mesures d’accommodement. Les participants prennent en majorité une médication pour le TDAH (82,8 %).
Aussi, neuf conseillères en services adaptés (toutes des femmes) volontaires et rattachés aux dossiers des étudiants de notre étude ont été interrogés. Elles ont en moyenne 5,5 années d’expérience (min = 0,5 an, max = 15 ans) en intervention auprès des étudiants de niveau postsecondaire ayant un TDAH.
PROCÉDURE
L’ensemble de la procédure a été approuvée par le comité d’éthique de la recherche avec des êtres humains de l’université de la chercheuse principale. Les participants ont été recrutés dans six établissements postsecondaires, dont deux universités et quatre cégeps de la province de Québec (Canada). Le personnel des services aux ÉSH de chaque établissement a envoyé un courriel de recrutement directement aux étudiants ayant un TDAH. Le courriel comprenait des informations sur le projet de recherche et les instructions pour contacter le premier auteur s’ils étaient volontaires pour participer à l’étude. De plus, des affiches du projet de recherche ont été publiées sur les babillards des cégeps et universités, dans les salles d’attente des conseillers aux services adaptés et sur les portails internet des établissements consentants. Les étudiants qui souhaitaient participer à l’étude ont contacté par courriel la chercheuse principale; une rencontre était ensuite organisée. Ces derniers répondaient aux critères d’inclusion de l’étude, soit 1) être étudiant dans un cégep ou une université participant au projet de recherche et 2) avoir un diagnostic de TDAH appuyé par un rapport d’évaluation réalisé par un professionnel. L’étude ne comprenait aucun critère d’exclusion. Des entretiens semi-structurés ont été réalisés par la chercheuse principale auprès des participants. Les entretiens auprès des étudiants ayant un TDAH, d’une durée de 50 à 120 minutes, ont été réalisés dans un bureau sur le campus de leur établissement postsecondaire. Ces derniers ont reçu une compensation de 20 $ pour leur participation. Le guide d’entretien auprès des étudiants abordait quatre thématiques : 1) les atteintes fonctionnelles liées au TDAH (passé et présent), 2) les défis lors de la transition, 3) les conditions qui favorisent la réussite scolaire, et 4) l’efficacité perçue et attendue des services de soutien et des mesures d’accommodement. Les entretiens avec les conseillères en services adaptés, d’une durée de 50 à 100 minutes, ont été menés dans leurs bureaux respectifs. Les thématiques 1 et 3 ont été abordées lors de ces entretiens. Plus particulièrement, cet article concerne la thématique sur les conditions qui favorisent la réussite scolaire. Les entretiens ont été enregistrés et transcrits dans le respect de l’anonymat et de la confidentialité des données.
ANALYSES
À partir des verbatims des entretiens, une analyse de contenu thématique a été réalisée à l’aide du logiciel NVivo11.4.3 (Qualitative Solution and Research Software [QSRS], 2017). Toutes les données ont été stockées dans une base de données sécurisée; les participants ont reçu des codes d’identification assurant ainsi l’anonymat. Considérant le caractère exploratoire de notre recherche et le peu de littérature existante, la codification a été réalisée selon une approche inductive ce qui a permis de laisser la place à l’émergence des catégories (Miles et al., 2014). Une rencontre a été organisée entre les chercheurs afin de discuter des différentes catégories émergentes, ce qui a mené à un raffinement de ces dernières. Des rapports écrits de chacune des catégories ont été produits, afin de sélectionner les citations qui représentent le mieux les perceptions des participants pour illustrer les résultats. Les citations sont suivies d’un code permettant d’identifier le type de répondant (É = étudiant, C = conseiller en services adaptés), du genre auquel s’identifie le répondant (F = femme; H = homme) et du code d’identification attribué à ce dernier.
RÉSULTATS
La présentation des résultats réunit le point de vue des conseillères en services adaptés et celui des étudiants ayant un TDAH sur les actions des enseignants favorisant la réussite scolaire de ces étudiants.
Les perceptions des conseillères en services adaptés : des indicateurs généraux
D’abord, les conseillères en services adaptés rapportent des caractéristiques personnelles chez les enseignants qui aident les étudiants ayant un TDAH à réussir dans leurs études. Elles mentionnent notamment l’ouverture et l’écoute : « C’est une prof qui est très ouverte. Donc qui est très à l’écoute et qui est vraiment aidante. Et je ne parle pas d’accommodante, mais d’aidante. » (CF307). Les enseignants se montrant dynamiques et qui diversifient leur enseignement sont aussi perçus positivement par les conseillères pour aider les étudiants ayant un TDAH. « C’est sûr qu’un enseignant qui est dynamique et qui ne fait pas juste parler, qui varie là, ça c’est gagnant. » (CF306). À ce sujet, une autre conseillère donne comme conseil :
« Ne sois pas un prof plate, assis sur le coin de ton bureau à parler pendant 3 heures. Donc, varie tes stratégies d’enseignement. Ne fais pas juste passer de la matière pendant 3 heures ou même 2 heures. Fais faire des exercices de compréhension. Si tu donnes une lecture à faire, commence par un petit : “Qu’est-ce que vous retenez, chaque étudiant doit me donner 2 mots que vous avez retenus de la lecture de la semaine passée” et écrit ça au tableau! Ah, ça va stimuler beaucoup, beaucoup nos TDAH. » (CF307)
L’importance de « les questionner, d’écouter leurs questions, prendre le temps de répondre » (CF306) est aussi soulignée par une autre conseillère. Cette dernière mentionne que les enseignants qui proposent des plages horaires pour des rencontres individuelles « ça aide beaucoup, car les étudiants souvent n’osent pas poser leurs questions.
Ensuite, des conseillères en services adaptés relèvent que les enseignants qui ont des cours structurées facilitent grandement la réussite non seulement des étudiants ayant un TDAH, mais de tous les étudiants.
« Sur le tableau elle met le plan du cours. Aujourd’hui, on va parler de ça, ça, ça. Pause. Ça, ça, ça! Et c’est toujours, le premier point c’est toujours : Retour sur dernier cours. Et le dernier point c’est toujours : Au prochain cours, avec les lectures à faire. C’est un modèle. Il faudrait que tous les profs fassent ça, parce que c’est aidant énormément pour nos TDAH pour se structurer, mais pour nos anxieux, pour tout le monde! » (CF307)
Enfin, des conseillères rapportent l’utilisation de pratiques inclusives en contexte d’évaluation par les enseignants. Par exemple, certains enseignants offrent du temps supplémentaire en classe aux étudiants ayant un TDAH.
« Ce n’est pas la majorité là, mais ça c’est très aidant. Les étudiants l’apprécient ça, parce que souvent il y a des questions qui vont être posée pendant les examens. Si t’es dans le local adapté, tu n’en auras pas connaissance. Ou un numéro qui est enlevé. Eux autres ont l’information juste à la fin ou quelque chose comme ça. Donc, accepter de garder l’étudiant en classe. » (CF304)
Les perceptions des étudiants ayant un TDAH : vers une description plus fine
L’avis des étudiants permet d’approfondir et d’affiner les perceptions des conseillers en services adaptés. Plus précisément, les résultats de l’analyse thématique font ressortir sept thématiques : 1) le soutien visuel, 2) le soutien à la compréhension, 3) le soutien à l’évaluation, 4) le soutien à la gestion du temps, 5) le soutien à l’organisation des informations, 6) les stratégies d’enseignement, et 7) le rapport à l’enseignant. Les prochains paragraphes documentent chacune de ces thématiques.
Soutien visuel
Les actions liées au soutien visuel réfèrent principalement à l’accessibilité de l’information. Des étudiants mentionnent que d’avoir les documents pour le cours à l’avance favorise leur réussite scolaire. Par exemple, une étudiante explique que cela facilite la prise de notes et son attention pendant l’enseignement.
« C’est sûr que les PowerPoint en tant que tels, ça m’aide quand même à suivre […]. Il faut que j’aille comme ma copie papier et que je prenne des notes pendant […]. Donc ça m’aide quand justement le PowerPoint est disponible à l’avance, je peux l’imprimer et suivre en même temps l’explication. » (ÉF103)
Selon plusieurs, il s’avère aussi utile d’avoir accès à des documents enregistrés dans des formats modifiables afin de faciliter la prise de notes.
« Il [l’enseignant] les remet juste en PDF, il ne les met pas en fichier PowerPoint, parce qu’il ne veut pas qu’on les modifie ou quoi que ce soit. Donc moi je ne pourrais pas télécharger son fichier PowerPoint et annoter à même son PowerPoint que j’ai enregistré dans ma version. » (ÉF114)
Les étudiants rapportent d’autres spécificités en lien avec la présentation visuelle des PowerPoint. Les présentations PowerPoint trouées peuvent aider à rester attentif pendant l’enseignement. De plus, l’écoute seule peut constituer un frein à la capacité attentionnelle : « [quand un prof dit] aujourd’hui, tout ce que vous avez à faire c’est écouter, et moi c’est quasiment la pire nouvelle qu’on pourrait me donner, parce que […] écouter ce n’est pas mon fort! » (ÉF109). D’autres étudiants trouvent cela aidant lorsque les enseignants fournissent des PowerPoint allégés. Lorsqu’il y a « trop de texte, je vois ça comme un tsunami. » (ÉH102).
Il apparait également important pour les étudiants que les enseignants illustrent l’information à l’aide de plusieurs supports, « parce que juste une fois, juste une façon, c’est rare que je vais m’en rappeler. Donc qu’ils utilisent plusieurs façons » (ÉF122). Plus précisément, une étudiante explique la façon de faire aidante d’une de ces enseignantes.
« J’avais une prof qui faisait ses PowerPoint et pendant ses PowerPoint “OK on va aller regarder tel vidéo, puis on va regarder tel site Web et ça ici ça s’applique vraiment au contexte actuel, ça c’est vraiment quelque chose [de] nouveau.” » (ÉF101)
Soutien à compréhension
Les actions associées au soutien à la compréhension regroupent des éléments liés à la compréhension des concepts et des procédures. Les étudiants interrogés estiment aidant que les enseignants utilisent de nombreux exemples pour expliquer la matière, notamment en lien avec l’actualité ou en référence à leur expérience vécue.
« Ce que j’aime beaucoup des profs souvent c’est des mises en contexte. Donc tout ce qui est des anecdotes de vie, que ce soit drôle, cocasse, dégueu, peu importe, at large mets-en! On dirait que ça aide à la théorie et ça je pense que ce n’est pas juste pour moi. » (ÉF107)
Des étudiants perçoivent aussi positivement les enseignants qui s’assurent de valider la compréhension. Il peut même s’agir d’une source de motivation pour certains étudiants.
« Fallait que tu restes intéressé à qu’est-ce qu’il dit, parce que s’il décidait de poser la question à toi, tu ne voulais pas paraître niaiseuse. […] Et moi après je me retrouvais à aimer ça dans le sens que là je me retrouve à vouloir faire mes études, parce que je voulais que s’il me pose une question, bien je vais y répondre et l’impressionner. Ça c’était comme un motivateur on va dire. » (ÉF109)
De plus, certains enseignants soulignent que lorsque l’enseignant valide la compréhension auprès des étudiants de la classe, cela peut aussi être aidant pour ceux qui sont plus gênés de poser des questions. Toutefois, valider la compréhension n’est pas toujours suffisant selon certains étudiants, car ceux qui n’ont pas compris n’osent pas poser des questions.
« Souvent je m’en rends compte de ça, on prend tous des notes et les profs disent : “C’est bon, est-ce que vous comprenez? Ou si vous ne comprenez pas, posez des questions”, mais tout le monde a l’impression que les autres comprennent, que tout le monde comprend sauf eux. Donc personne, personne n’ose. Tandis que des fois les profs vont vites sur de la matière et juste de réexpliquer et de nous prendre pour des cons un peu là, je pense que ça aiderait. » (ÉH117)
Aussi, des étudiants rapportent qu’il est aidant que les enseignants ciblent l’information importante pour l’examen. Il s’agit aussi d’un incitatif à assister à leurs cours : « Dans ses cours, elle [l’enseignante] donnait les matières importantes, alors tu avais envie de rester en classe. » (ÉF115).
Soutien à l’évaluation
En ce qui concerne les actions de soutien à l’évaluation, elles font référence à ce qui est fait par rapport aux examens et aux travaux de session. Les étudiants rapportent que lorsque les enseignants se montrent flexibles par rapport à la remise des travaux, cela les aide à réussir dans leurs études. Pour quelques étudiants, cette flexibilité leur a permis de poursuivre leur cours et de ne pas abandonner.
« Je me sentais super mal de ne pas avoir fini mes travaux à temps et là j’allais voir le professeur et j’expliquais la situation. C’est arrivé souvent que les professeurs étaient comme : “Regarde, c’est correct. Je comprends ta situation, il n’y a pas de problème”. J’avais une semaine supplémentaire ou whatever. […] Ça m’a vraiment sécurisé et ça encourage en fait à faire tes trucs parce que tu dis que tu as une porte de sortie au moins même si tu n’y arrives pas, parce que ce n’était pas volontaire là. » (ÉF116)
Des étudiants rapportent que certains enseignants se montrent aussi flexibles en donnant le choix quant à la forme de leur évaluation (p. ex. : entre un examen ou l’écriture d’un bilan hebdomadaire) et en adaptant l’évaluation lorsque cela est nécessaire. Par exemple, un étudiant explique qu’il manquait de temps pour compléter le quiz de 15 minutes à chaque début de cours. En remplacement, il a pu faire des résumés de ses lectures chaque semaine. Il ajoute qu’« en fin de compte, je n’ai pas eu de besoin de mesures d’ajustement. J’ai fini par reprendre un petit peu le cours des choses » (ÉH121).
Il apparait aussi important pour les étudiants de l’étude d’avoir des enseignants dont les exigences sont claires, et ce autant pour les travaux que pour les examens. Par exemple, une étudiante explique : « Dans les travaux qu’il donnait, il avait vraiment toutes les consignes point par point, étape par étape, section par section. Ce n’était pas vague, c’était vraiment clair, concret. » (ÉF119). Cela est aussi important pour certains étudiants que les enseignants s’assurent de formuler des questions qui sont claires et qui ne portent pas à confusion lors des examens.
Soutien à la gestion du temps
Dans les actions des enseignants qui favorisent la réussite scolaire des étudiants ayant un TDAH, ces derniers rapportent des actions relatives à l’aspect temporel. Pour eux, c’est important un enseignant qui accorde de l’importance aux pauses dans les cours. Certains aimeraient notamment que les enseignants fassent plus de pauses ou, du moins, ne les retirent pas.
De plus, les enseignants qui laissent le temps aux étudiants de prendre leurs notes de cours sont perçus comme aidant. Le contraire peut avoir des impacts pour les étudiants ayant un TDAH, comme le rapporte cet étudiant :
« Je leur dirais peut-être de prendre une pause pour laisser le temps aux élèves de bien écrire cette phrase-là avant de reprendre le cours. Justement comme moi quand j’écris et le prof parle, je ne suis pas capable. Et des fois, juste 30 secondes, je perds comme le contenu de ce qu’il dit. » (ÉH102)
Enfin, les étudiants mentionnent que de laisser des périodes en classe pour travailler sur les travaux individuels ou d’équipe les aide. Par exemple, une étudiante mentionne que « des fois en classe, c’est la meilleure place pour se concentrer que les gens ont » (ÉF128).
Soutien à l’organisation de l’information
À l’égard des actions liées au soutien à l’organisation de l’information, des étudiants de l’étude rapportent qu’il est aidant lorsque les enseignants fournissent la planification détaillée du déroulement de la session. Que ce soit en passant par l’organisation du portail de cours ou par un plan de cours détaillé. Une étudiante en parle plus précisément :
« Il remettait vraiment tout comme un calendrier […] J’aimais vraiment ça, parce que je le mettais dans mon agenda. […] Donc ça m’aidait parce que j’étais capable de commencer d’avance aussi, mais je savais ce qui s’en venait. […] Il y avait comme vraiment tous ses cours, son planning qu’il nous donnait là. Ça m’aidait aussi […] C’est vraiment un gros plan de match qu’il nous donnait. » (ÉF119)
Aussi, des étudiants trouvent aidant les enseignants qui organisent le contenu du cours de façon à bien guider et diriger l’étudiant. « Il était capable de viser l’important. […] C’était super le fun à lire, plus intuitif là […] mais super bien détaillé. » (ÉH102). À ce sujet, un étudiant rapporte même des avantages en lien avec la prise de note et les bénéfices que cela lui apporte lors des examens. Par exemple :
« Le professeur comment qu’il faisait, il mettait en ligne toujours la structure du cours. Et dans le fond, c’est que tu copiais-collais ça et après ça tu rédigeais entre les titres qu’il avait mis. Ça faisait en sorte que tes notes soient très structurées […]. Et pour ses examens […], tu avais juste à suivre les notes de cours pour bien répondre à la question. » (ÉF114)
Stratégies d’enseignement
Les actions liées aux stratégies d’enseignement rapportées par les étudiants renvoient principalement à des méthodes ou des techniques pédagogiques. Plusieurs stratégies d’enseignement sont perçues comme aidantes par les étudiants ayant un TDAH. D’abord, le fait que les enseignants sollicitent la participation de tous et interagissent avec la classe peut favoriser la concentration chez certains étudiants ayant un TDAH. « Il interagissait tellement souvent avec nous que toi fallait que tu écoutes qu’est-ce qu’il disait. » (ÉF109). Aussi, « ça te garde intéressé, parce que tu te demandes qu’est-ce que les autres vont répondre » (ÉF109).
Ils mentionnent aussi que cela est aidant lorsque les enseignants varient la structure du cours. Par exemple, « [un enseignant] qui entrecoupe les cours justement d’activités ça m’aidait » (ÉF103). Il s’agit notamment d’une stratégie qui permet à certains étudiants de maintenir leur attention durant les cours. Une étudiante en témoigne :
« Il ne va pas tout le temps commencer le cours genre : matière, exercice, matière, pause, exercice et après ça solution. Dès fois, il va faire juste on commence tout de suite avec l’exercice, après ça il nous donne la théorie, après ça on a une pause, après ça on continue notre exercice, après ça on a la solution. […] C’est tout le temps varié, donc je trouve que ça t’aide à rester attentif vraiment à qu’est-ce qu’il se passe. » (ÉF109)
En ce qui concerne l’enseignement magistral, l’appréciation est partagée entre les étudiants de l’étude. Selon ce qu’ils ont rapporté, cette stratégie est étroitement liée aux caractéristiques de certains enseignants (voir la section Rapport à l’enseignant). Par exemple, si pendant l’enseignement magistral, l’enseignant n’est pas captivant, ce n’est pas une stratégie gagnante. À l’inverse, si l’étudiant est absorbé et captivé par l’enseignant, il ne voit pas d’inconvénient à l’utilisation de cette stratégie.
Rapport à l’enseignant
Des étudiants de l’étude bénéficiant de services adaptés mentionnent qu’il est aidant lorsque l’enseignant vient vers eux pour établir un lien. Cela peut fait en sorte que l’étudiant est « moins gêné d’aller poser des questions » (ÉF129) par la suite. C’est également une bonne façon d’ouvrir la conversation avec l’étudiant sur les besoins spécifiques qu’il peut avoir. Dans cet ordre d’idée, pour une étudiante de l’étude, il s’avère important que l’enseignant sache qu’elle a un TDAH :
« Comme nous on fait juste envoyer un document, on fait juste une lettre. Le prof ne sait peut-être même pas je suis qui […]. Parce que moi dans ma tête, la seule affaire qu’ils reçoivent c’est “OK elle a un examen adapté”. Il ne le sait pas nécessairement qu’il a un TDAH […]. D’après moi, ça doit juste être que l’élève a des mesures adaptées, elle a le droit à tel nombre de temps pis c’est tout. Je veux dire ça peut être n’importe quoi là. » (ÉF118)
Les étudiants relèvent également plusieurs caractéristiques qu’ils apprécient chez un enseignant. Ils font presque tous référence au dynamisme de l’enseignant. Par exemple, une étudiante mentionne que cela l’aide « parce qu’il garde mon attention » (ÉF110). Certains rapportent la disponibilité et l’accessibilité de leur enseignant : « Il était tout le temps là pour répondre à nos questions. Il était tout le temps genre “pas de stress”. J’aimais vraiment comment il enseignait, j’avais hâte d’aller dans ses cours. » (ÉF128). Aussi, aux yeux de plusieurs étudiants, la compréhension est une qualité importante chez les enseignants. En effet, il apparait important que l’enseignant soit compréhensif par rapport aux manifestations du TDAH (p. ex. : ne pas juger un étudiant qui bouge beaucoup).
Les étudiants ont aussi évoqué l’importance que les enseignants utilisent l’humour et qu’ils aient un ton de voix accrocheur. De plus, la passion démontrée par l’enseignant peut vraiment faire basculer l’envie d’apprendre pour un étudiant.
« Tous les professeurs que j’ai adorés transmettent leur passion et ça paraît qu’ils aiment ça. Ils en parlent, ça gesticule, tu leur poses des questions ça sourit, tu vois comme une espèce de lumière un peu dans leurs yeux. Et quand j’y repense, tous les professeurs que j’ai beaucoup adorés ont tous eu ça en commun. Donc c’est vraiment l’intérêt c’est eux qui nous la donnent quasiment. Certains cours que pour vrai ça ne me tentait vraiment pas, il y a certaine matière que je m’en fous, je ne veux rien savoir, mais quand tu t’assois et t’écoutes le professeur, ça devient intéressant, ça devient le fun là! Et c’est ça, je pense que c’est surtout ça en réalité, c’est le fun, c’est le plaisir qu’eux transmettent à leurs étudiants quand ils enseignent. » (ÉH111)
Le Tableau 1 présente l’ensemble des actions, perçues comme favorisant la réussite scolaire des étudiants ayant un TDAH, pour chaque thématique.
TABLEAU 1. Actions déployées par des enseignants du postsecondaire favorisant la réussite scolaire selon des étudiants ayant un TDAH
Soutien visuel |
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Soutien à la compréhension |
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Soutien à l’évaluation |
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Soutien à la gestion du temps |
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Soutien à l’organisation de l’information |
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Stratégies d’enseignement |
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Rapport à l’enseignant |
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DISCUSSION
L’étude avait pour but de documenter les perceptions des conseillers en services adaptés et des étudiants ayant un TDAH quant aux actions des enseignants favorisant la réussite scolaire des étudiants ayant un TDAH. D’abord, les participants rapportent plusieurs types d’actions perçues comme aidante pour les étudiants ayant un TDAH au cégep et à l’université. Les résultats montrent que plusieurs de ces actions sont liées à des besoins sur le plan des fonctions exécutives. Cela n’est pas surprenant étant donné que le TDAH est un trouble associé à un dysfonctionnement exécutif et à des déficits motivationnels (Barkley, 2012). Au cours de leurs études postsecondaires, les étudiants ayant un TDAH sont susceptibles de rencontrer des difficultés liées à l’attention (p. ex. : maintenir son attention et gérer les distractions), à la gestion du temps (p. ex. : gérer son temps efficacement et en fonction des priorités), à l’autorégulation (p. ex. : rester assis une longue période de temps, maîtriser ses émotions comme l’anxiété générée par les études), à la mémoire de travail (p. ex. : se rappeler ce qu’ils ont lu auparavant) et à la motivation (p. ex. : rester motivé et persévérer pour atteindre leurs objectifs) (Advokat et al., 2011; DuPaul et al., 2017; DuPaul et al., 2009; Jansen et al., 2017). Notre étude montre que différentes actions sont entreprises par les enseignants pour favoriser plus particulièrement l’attention, la gestion du temps, la motivation, l’organisation et la planification des étudiants ayant un TDAH. Plus en détail, recevoir les notes de cours à l’avance, utiliser des notes de cours troués, varier la structure du cours, solliciter la participation des étudiants et être dynamique sont des actions favorisant l’attention des étudiants ayant un TDAH. Ensuite, la flexibilité et la compréhension dont ont fait preuve certains enseignants ont pu réduire les conséquences de la mauvaise gestion du temps des étudiants de l’étude. De plus, les enseignants faisant preuve d’organisation et de structure dans leur enseignement semblent pallier les problèmes liés à l’organisation et à la planification chez ces étudiants. Ces résultats permettent de cibler les pratiques pouvant être mises en œuvre par les enseignants à l’éducation postsecondaire afin de réduire les difficultés liées aux fonctions exécutives chez les étudiants ayant un TDAH. De plus, comme certains étudiants de notre étude l’ont indiqué, de telles pratiques peuvent réduire les besoins en accommodement et favoriser leur persévérance scolaire.
Par ailleurs, lorsqu’il est question de pratiques utilisées pour promouvoir les fonctions exécutives en classe, on peut aussi faire référence à la conception universelle des apprentissages (CUA). Ce cadre conceptuel propose des options qui minimisent les obstacles à l’apprentissage et qui maximisent les chances de réussite de chacun (Burgstahler, 2009; Kortering, 2008). Cette approche de l’enseignement favorise l’accès, la participation et la réussite de tous (CAST, 2012). Pour inclure tous les apprenants, la CUA propose des stratégies pédagogiques qui permettent de multiples moyens de représentation, d’expression et d’engagement (King-Sears, 2009). Conformément aux résultats obtenus dans notre étude, les actions liées au soutien visuel et au soutien à la compréhension peuvent, par exemple, référer à des moyens de représentation de la CUA. Les rapprochements pouvant être faits entre nos résultats et les pratiques liées à la CUA sont intéressants. Cela met en lumière l’importance de promouvoir cette approche en émergence dans les milieux postsecondaires. De plus, on reproche parfois à la CUA de ne pas donner suffisamment d’exemples concrets pour opérationnaliser certains principes (Kennedy et al., 2018). Or, nos résultats proposent des exemples simples, concrets et opérationnels qui peuvent aider véritablement les étudiants ayant un TDAH dans leur réussite scolaire.
Ensuite, en ce qui concerne les actions liées au soutien visuel, nos résultats mettent de l’avant presque exclusivement des actions relatives aux présentations PowerPoint. Plusieurs manières d’utiliser PowerPoint aident les étudiants à apprendre. Nos résultats sont cohérents avec les résultats de l’étude de Fichten et al. (2019), qui s’est intéressé aux façons d’utiliser PowerPoint pour mieux aider les étudiants à réussir. Les résultats de leur étude montrent que les bonnes pratiques pédagogiques liées à PowerPoint sont très similaires pour l’ensemble des étudiants. Tout comme dans notre étude, il s’avère important pour les étudiants de recevoir le PowerPoint à l’avance, dans plusieurs formats (p. ex. : PowerPoint et PDF) et dans un style attrayant. Toutefois, les étudiants de l’étude de Fichten et al. (2019) préfèrent les diapositives chargées, alors que les étudiants de notre étude préfèrent des diapositives allégées qui présentent le contenu clairement ou avec des mots clés. Il est aussi intéressant de constater que lorsque les points de vue des ÉSH étaient comparés à ceux qui ne sont pas en situation de handicaps, ces bonnes pratiques étaient plus importantes pour les ÉSH. Cela peut s’expliquer par le fait que sans ces bonnes pratiques de présentation, l’ÉSH doive solliciter les services adaptés pour bénéficier de mesures d’accommodement. De plus, en ce qui concerne les stratégies d’enseignement, les étudiants de l’étude de Fichten et al. (2019), tout comme ceux de notre étude, préfèrent que les enseignants se déplacent dans la classe plutôt que de simplement se tenir à l’avant de la classe.
Il semble également important que les enseignants puissent outrepasser les craintes et les croyances liées au fait que les étudiants s’absentent des cours si des diapositives sont mises en ligne à l’avance. Par exemple, pour ce qui est des étudiants de notre étude, le fait d’avoir les notes de cours à l’avance leur permet de se structurer, de mieux suivre le cours, de rester attentifs et de prendre des notes efficacement. Cela concorde avec les résultats de l’étude de MacCullagh et al. (2017) qui soulignent que de nombreux étudiants, en particulier ceux qui ont des troubles d’apprentissage, préfèrent étudier les diapositives PowerPoint avant le cours en raison de la difficulté à suivre les diapositives pendant les cours. Il serait pertinent que de futures recherches s’intéressent aux croyances des enseignants du postsecondaire relativement à certaines pratiques, comme celles liées aux notes de cours, afin de les aborder.
Par la suite, nos résultats mettent en lumière l’importance d’utiliser des stratégies pédagogiques diversifiées. Les étudiants de notre étude font référence à l’importance de recourir à des stratégies variées pour optimiser leur appropriation de la matière. Bien que l’enseignement magistral domine encore à l’enseignement supérieur (Darling-Hammond, 2006; Prégent et al., 2009; Viau, 2014), nos résultats appuient les recherches en éducation soutenant qu’il est préférable d’utiliser une pluralité de stratégies pédagogiques (Moldoveanu et Grenier, 2020; Viau, 2006). De plus, l’utilisation de stratégies pédagogiques diversifiées est motivante pour les étudiants et a un effet positif sur leur réussite et leur persévérance scolaire (Pintrich et De Groot, 1990).
Enfin, nos résultats témoignent de l’importance du rapport entre l’enseignant et l’étudiant. Comme dans d’autres études (p. ex. : Halawah, 2011), les étudiants de notre étude mettent de l’avant les qualités personnelles des enseignants. La façon dont ils perçoivent les enseignants est très révélatrice de leur disponibilité aux apprentissages. En effet, pour les étudiants interrogés, un enseignant qui se montre dynamique, passionné et disponible génère des émotions positives chez eux et favorise leur engagement dans les apprentissages. Ce résultat n’est pas surprenant puisque comme Tinto (2012) l’affirme, c’est la relation que vit l’étudiant avec son enseignant durant ses cours qui influence le plus son intégration académique et sociale de même que sa motivation. Ainsi, le savoir-être de l’enseignant est déterminant dans la transmission des savoirs. Qui plus est, les émotions positives qui résultent d’une relation enseignant-élève positive contribuent à l’apprentissage et à la persévérance scolaire (Espinosa, 2020).
La présente étude comporte quelques limites. D’abord, les participants de l’étude provenaient de cégeps et d’universités francophones, majoritairement publiques. Par conséquent, il faut faire preuve de prudence lors de la généralisation de ces résultats aux étudiants provenant du secteur anglophone, d’établissements privés, d’autres pays ou de différents groupes d’âge. De plus, il faut être vigilant quant à l’interprétation des perceptions individuelles des participants, car il est aussi possible que d’autres facteurs concernant la vie de l’étudiant aient influencé leurs perceptions. Les étudiants de l’étude ont tous un parcours scolaire différent et ils ont pu avoir vécu des expériences ayant influencé leur façon de voir l’enseignement. De plus, certains conseillers en services adaptés avaient peu d’années d’expérience ce qui a pu limiter ou influencer leurs perceptions. Enfin, notre étude a capturé un « moment dans le temps », or il est possible que d’autres pratiques enseignantes soient marquantes dans le parcours des étudiants. Idéalement, pour établir un portrait complet de l’expérience d’enseignement des étudiants ayant un TDAH, plusieurs entretiens au cours de plusieurs sessions devraient être menés. Malgré ces limites, nous croyons que cette étude est importante, car elle est une des rares à s’intéresser aux pratiques enseignantes qui favorisent la réussite scolaire chez les étudiants ayant un TDAH, du point de vue du conseiller et de l’étudiant. De plus, notre recherche se réalise selon un devis d’analyse qualitatif ce qui permet d’explorer en profondeur la question.
CONCLUSION
Cette recherche s’est intéressée à mieux comprendre les pratiques enseignantes favorisant la réussite des étudiants ayant un TDAH. Plus spécifiquement, l’analyse du discours des conseillers en services adaptés et des étudiants ayant un TDAH a permis de faire ressortir une liste d’actions concrètes pouvant facilement être mises en œuvre par les enseignants du postsecondaire. Nos résultats soutiennent l’application des principes, des lignes directrices et des points de contrôle de la CUA. Cette approche s’avère intéressante puisque les moyens proposés peuvent répondre à un grand nombre d’étudiants et ceux-ci ciblent spécifiquement des fonctions exécutives déficitaires chez les étudiants ayant un TDAH.
Les recherches limitées spécifiques aux étudiants en situation de handicap peuvent indiquer que les enseignants reconnaissent déjà les avantages de la CUA pour tous les étudiants. Cependant, dans la revue de littérature de Roberts et al. (2015), l’impact de la CUA sur les étudiants en situation de handicap n’a pas été spécifiquement étudié pour déterminer si certaines pratiques fonctionnent mieux pour des individus ayant des conditions particulières. À notre avis, davantage de recherches doivent être encore menées auprès des étudiants ayant un TDAH pour mieux comprendre comment ils apprennent le mieux et s’il existe des différences dans les préférences d’apprentissages comparativement à l’étudiant qui n’est pas en situation de handicaps.
Pour terminer, nos résultats mettent certainement de l’avant le rôle de premier plan des enseignants dans la réussite des étudiants ayant un TDAH. Ils ont un rôle à jouer de par leur enseignement et les choix pédagogiques, mais également de par la nature de leurs relations avec les étudiants. Sachant que leurs façons d’être peuvent être perçues comme plus importantes que les pratiques pédagogiques pour la réussite scolaire, une attention particulière devrait être portée à cette variable qui est peut-être trop souvent mise de côté en contexte postsecondaire.
NOTES
Au Québec, Canada, l’enseignement collégial correspond au premier niveau de l’enseignement supérieur. Les programmes de formation préuniversitaire mènent à l’université, tandis que les programmes de formation technique permettent d’intégrer le marché du travail dès la fin de la formation.
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