Conceptions d’enseignants au regard de la professionnalisation des étudiants dans des programmes universitaires en santé


MARILOU BÉLISLE, VALÉRIE JEAN, PAOLA BASTIDAS, MÉLISANDE BÉLANGER, GABRIELLE LECLERC Université de Sherbrooke

KATHLEEN LECHASSEUR Université Laval

LOUISE BOYER, JOHANNE GOUDREAU, NICOLAS FERNANDEZ, PATRICK LAVOIE Université de Montréal


Depuis la dernière décennie, les programmes de formation universitaire à visée professionnalisante sont de plus en plus nombreux à avoir subi des transformations majeures en vue d’accroître la qualité de la formation et ainsi répondre aux attentes et aux exigences des diplômés, des employeurs, des organismes d’agrément et des ordres professionnels. Les critiques émises à l’égard des universités ont souligné le manque de préparation des diplômés pour faire face aux réalités du monde du travail (Abrandt Dahlgren et al., 2006). Ce constat se manifeste notamment par l’absence de compétences requises pour exercer une profession donnée (Tynjälä, 1999), par le manque d’expériences pratiques offertes aux étudiants dans le cadre de leur formation (Mandeville, 2004; Tynjälä, 1999) ainsi que par l’écart marqué entre la formation universitaire et la pratique professionnelle (Välimaa et al., 2006).

Ces critiques ont mené à des renouvellements, voire à des refontes complètes de programmes de formation2 à visée professionnalisante en milieu universitaire, notamment en ce qui a trait à la formation initiale au premier et au deuxième cycles3. Au Québec, ces programmes de formation, appelés programmes professionnalisants, préparent à l’exercice d’une profession ciblée. En plus de s’inscrire dans une logique d’alternance entre la formation théorique et la formation pratique, ils sont axés sur le développement de compétences professionnelles telles que définies soit par l’ordre professionnel ou l’organisme d’accréditation, soit par le milieu de formation en adéquation avec les besoins de la société et les attentes professionnelles. Sur le plan pédagogique, ils sont dits « innovants » car ils privilégient, en plus des stages cliniques4 imbriqués à toutes les sessions de formation, des méthodes d’apprentissage actif qui visent à préparer les étudiants aux situations auxquelles ils seront susceptibles de faire face en milieu de travail au cours de leurs stages, et ultimement, dans leur pratique professionnelle. L’objectif de la présente recherche est de mieux comprendre les conceptions qu’ont les enseignants universitaires de la professionnalisation des étudiants dans le cadre de ces programmes professionnalisants et innovants (PPI).

ÉTAT DES LIEUX

La professionnalisation étant au cœur des virages entrepris dans les PPI, il y a lieu de se questionner sur le sens que revêt la notion de professionnalisation dans de tels programmes de formation et la manière dont ceux-ci forment des professionnels en devenir. Sur le plan théorique, la notion de professionnalisation est plurivoque selon qu’elle concerne la reconnaissance sociale d’une profession, le rehaussement de la qualité d’une formation, ou le développement professionnel d’un individu (Wittorski, 2007). En ce qui a trait à la professionnalisation des individus, MacLellan et al. (2011) ont identifié trois stades de professionnalisation : (1) la pré-professionnalisation ou avant la formation formelle, (2) la professionnalisation formelle ou pendant la formation initiale, et (3) la post-professionnalisation ou pendant la pratique.

La présente recherche s’ancre précisément dans le stade de la professionnalisation formelle des individus au sein de programmes de formation initiale en milieu universitaire; période au cours de laquelle les étudiants réalisent des apprentissages cognitifs et culturels en plus de développer une identité professionnelle (Abrandt Dahlgren et al., 2004; Dryburgh, 1999). Entendue comme un processus complexe et dynamique (Altet et al., 2002; Bourdoncle, 2000; Lang, 1999; Sorel, 2005), et comme un mouvement visant à transformer un néophyte en professionnel (Perrenoud, 1994) par l’adoption progressive de manières de faire, de voir et d’être au sein de son groupe professionnel (Bourdoncle, 2000), la professionnalisation est un processus itératif qui se construit tout au long de la vie (MacIntosh, 2003).

Au cours des dernières décennies, plusieurs recherches ont examiné les conceptions de l’enseignement des enseignants universitaires (ex. : Gibbs et Coffrey, 2004; Hanbury et al., 2008; Kálmán et al., 2020; Lameul et al., 2014; Light et al., 2009; Lindblom‐Ylänne et al., 2006; Lueddeke, 2003; Nevgi et Löfström, 2015; Ödalen et al., 2019; Postareff et al., 2007; Stes et van Petegem, 2011; Taylor et Znajda, 2015). Ces recherches mettent en évidence l’importance du sens accordé à l’enseignement, tel qu’il est vécu par les enseignants universitaires, de même que les intentions avec lesquelles les enseignants abordent leur enseignement (Åkerlind, 2003). Ces conceptions auraient de forts impacts sur leurs pratiques (Kálmán et al., 2020; Lindblom‐Ylänne et al., 2006), et même sur la qualité de l’apprentissage des étudiants (Roxå et Mårtensson, 2009). Cependant, à notre connaissance, peu de recherches se sont intéressées aux conceptions qu’ont les enseignants universitaires de la professionnalisation des étudiants, orientation pourtant centrale des programmes dans lesquels ils enseignent.

CADRE CONCEPTUEL

Située dans le champ de la pédagogie universitaire, la présente recherche s’intéresse aux manières de concevoir et de percevoir la professionnalisation des individus en contexte de formation initiale en se penchant sur l’ensemble des dimensions associées à la professionnalisation. En adoptant une perspective globale et holistique du développement de la personne, la professionnalisation est définie comme un processus de transformation d’un individu en professionnel qui résulte d’apprentissages relatifs à trois dimensions : le développement de compétences professionnelles, l’appropriation de la culture professionnelle et la construction d’une identité professionnelle (Bélisle, 2011; Bélisle et al., 2021). Ce processus d’apprentissage, qui prépare un individu à l’exercice d’une profession, se réalise à travers des expériences signifiantes vécues en regard de situations s’apparentant à celles de la pratique professionnelle et permettant d’exercer des rôles qui caractérisent la profession. La Figure 1 intègre les différents éléments et dimensions de la professionnalisation. Les compétences professionnelles se réfèrent à des savoir-agir complexes qui font appel à un ensemble de ressources (savoirs, savoir-faire et savoir-être) pour intervenir dans les situations complexes rencontrées en pratique professionnelle ou, en contexte de formation, des situations similaires à celles-ci (Beckers, 2007; Gonczi et al., 1993; Le Boterf, 2002; Tardif, 2006). Ces compétences professionnelles peuvent être regroupées sous quatres catégories, soient : DISCiplinaire (ex. : évaluer, traiter, intervenir), MÉTHOdologique (ex. : encadrer sa pratique, adopter une démarche ou des outils), RELAtionnelle (ex. : collaborer, travailler en équipe, communiquer) et PERSOnnelle (ex. : réguler sa pratique). La culture professionnelle se rapporte à l’ensemble des normes, des valeurs, des attitudes et des symboles partagés par les membres d’une même profession (Abrandt Dahlgren et al., 2004; Colbeck, 2008; Dryburgh, 1999; Greenwood, 1966). Étroitement liée à l’appropriation de la culture professionnelle et au développement des compétences professionnelles, l’identité professionnelle est une représentation dynamique de soi en tant que professionnel basée sur le rapport à soi-même, à son groupe professionnel, à la société (Cattonar, 2001; Dubar, 2000; Gohier et al., 2001), de même qu’à sa formation (Bélisle, 2011).





















FIGURE 1. Cadre conceptuel de la professionnalisation des individus

Les programmes professionnalisants ont pour but de préparer à l’exercice d’une profession reconnue (Curry et Wergin, 1996; Lessard et Bourdoncle, 2002), ils s’appuient sur un référentiel de compétences explicite et privilégient des modalités d’enseignement et d’apprentissage professionnalisantes (Bélisle et Tardif, 2013). Dans la foulée des programmes professionnalisants et innovants dans le domaine de la santé, Bélisle et al. (2014) ont relevé une diversité de modalités professionnalisantes privilégiées dans de tels programmes universitaires : l’apprentissage par problème, la simulation, l’apprentissage par raisonnement clinique, le jeu de rôle, la méthode des cas, le stage en milieu professionnel, la pratique réflexive, le portfolio d’apprentissage et d’évaluation en sont des exemples.

Influencées par la conception du programme et les pressions départementales ou facultaires et institutionnelles (Kember et Kwan, 2000), les conceptions des enseignants renvoient à un ensemble de croyances, de connaissances et d’attitudes qui permet d’interpréter la réalité (Langevin, 2007). Dans cette perspective, elles influencent les actions des enseignants, et par conséquent, le processus de professionnalisation des étudiants. Afin de mieux comprendre la professionnalisation des étudiants en contexte de formation initiale, un phénomène largement évoqué dans la littérature et en milieu universitaire mais qui a fait l’objet de très peu de recherches jusqu’ici (Reid et al., 2011), un détour par les enseignants paraît incontournable puisque ces acteurs jouent un rôle clé dans la formation des futurs professionnels et que leurs conceptions de la professionnalisation sont susceptibles d’influencer les pratiques pédagogiques et d’avoir une incidence sur l’apprentissage des étudiants.

Cette recherche avait pour objectifs spécifiques : (O1) d’explorer les trajectoires d’apprentissage des étudiants prévues par les PPI; (O2) de dégager les conceptions qu’ont les enseignants de la professionnalisation des étudiants dans leur programme; et (O3) de dégager les perceptions qu’ils ont de la professionnalisation et des modalités pédagogiques contribuant à leur professionnalisation.

MÉTHODOLOGIE

Cette recherche qualitative de nature exploratoire visait à approfondir la compréhension du sens accordé à la professionnalisation des étudiants par les personnes qui enseignent au sein de programmes professionnalisants. Puisque l’objet de cette recherche peut difficilement être isolé de son contexte, la stratégie de l’étude de cas multiple (Merriam, 2001) a été préconisée comme devis méthodologique pour étudier le cas de la professionnalisation des étudiants dans quatre programmes de formation universitaire. Cependant, bien que la sélection des cas vise à mieux comprendre les conceptions qu’ont les enseignants universitaires de la professionnalisation des étudiants, et non les cas eux-mêmes, il faut reconnaître que la nature particulière de chacun des cas contribue également à alimenter cette compréhension (Stake, 1995). Dès lors, une attention plus importante a été accordée à l’identification des tendances partagées parmi les cas étudiés, tout en laissant un espace à la particularisation de chacun des cas.

La sélection des cas a reposé sur trois critères. Les programmes devaient : (1) préparer les étudiants à l’exercice d’une profession reconnue; (2) s’appuyer sur un profil de sortie clair et explicite (ex. : référentiel de compétences); (3) privilégier, à toutes les années de formation, des modalités d’apprentissage actif (p. ex. : simulation, apprentissage par problème, étude de cas, stage en milieu pratique) s’apparentant à des situations de la vie professionnelle et permettant aux étudiants de développer les compétences ciblées. Ce sont quatre sites distincts qui ont été retenus, soient quatre PPI issus de trois universités québécoises : baccalauréat-maîtrise en ergothérapie, baccalauréat-maîtrise en physiothérapie, doctorat de premier cycle en pharmacie et baccalauréat en sciences infirmières.

Les participants et la collecte des données

Suivant l’approbation du comité d’éthique et le consentement de la personne responsable de chacun des programmes ciblés, la recherche sur chacun des terrains s’est déroulée sur une période de 18 à 24 mois.

De manière à bien saisir le contexte de l’objet à l’étude, la trajectoire d’apprentissage prévue dans le cadre des PPI à l’étude, c’est-à-dire ce qu’un apprenant est supposé développer au fil du temps à travers une série de tâches et de rôles (Eraut, 2004), a été questionné. Pour y parvenir, un entretien semi-dirigé (Savoie-Zajc, 2003) d’une durée de 60 à 90 minutes a d’abord été réalisé avec la personne responsable de chacun des quatre programmes ciblés par cette recherche. Ce souci de contextualisation a ensuite été complété par une analyse documentaire des documents pertinents à la compréhension de la professionnalisation des étudiants dans chacun des PPI. Parmi ces documents se trouvaient les référentiels de compétences, des documents officiels (ex. : document de présentation du programme, guide d’accompagnement, rapport ou bilan de programme, site web institutionnel), de même que, dans certains cas, des articles parus dans des revues ou des actes de congrès scientifiques au sujet desdits programmes. En abordant l’histoire et le discours officiel concernant ces programmes, les entretiens et l’analyse documentaire ont contribué à poser les bases de la trajectoire d’apprentissage souhaitée pour les étudiants (O1).

Afin de dégager les conceptions des enseignants au sujet de la professionnalisation des étudiants dans leur programme (O2), leurs perceptions de la professionnalisation des étudiants et des modalités professionnalisantes (O3), toutes les personnes intervenant dans les programmes ciblés ont été invitées à participer sur une base volontaire. Le profil des participants par programme est présenté dans le Tableau 1. Un total de 43 personnes, dont 70 % sont des femmes, ont participé à la recherche. L’âge des participants varie entre 25 à 60 ans, l’expérience d’enseignement est de 1 à 25 ans et l’expérience clinique se situe entre 0,5 et 29 ans.

TABLEAU 1. Caractéristiques des participants


Ergothérapie

Physiothérapie

Sciences infirmières

Pharmacie

Nombre de participants

13 (9 %)

12 (9 %)

13 (13 %)

5 (12 %)

Genre

(12 ♀, 1 ♂)

(6 ♀, 3 ♂, 3 n.s.)

(8 ♀, 2 ♂, 3 n.s.)

(4 ♀, 1 ♂)

Âge

25 à 50 ans

26 à 50 ans

26 à 60 ans

31 à 50 ans

Expérience d’enseignement

2 à 10 ans

1 à 10 ans

2 à 10 ans

3 à 25 ans

Expérience clinique

0 à 29 ans

2 à 27 ans

3 à 22 ans

3 à 25 ans



Pour la collecte de données, nous avons fait parvenir un questionnaire électronique à tous les enseignants intervenant dans les programmes ciblés. La première partie du questionnaire comprenait quatorze questions ouvertes permettant de recueillir les données relatives aux conceptions (O2) et aux perceptions (O3) qu’ont les enseignants de la professionnalisation des étudiants dans leur programme. Organisées en trois sections, les questions portaient sur : (1) le sens donné à la professionnalisation des étudiants dans leur programme (ex. : vision du diplômé, sens donné à la professionnalisation, rôle de l’enseignant, rôle de l’étudiant); (2) les perceptions de la professionnalisation des étudiants (ex. : compétences développées, éléments de la culture appropriées, identité construite); et (3) les modalités pédagogiques qui contribuent à leur professionnalisation. La dernière partie du questionnaire a permis de recueillir des données sociodémographiques sur les répondants telles que leur nombre d’années d’enseignement dans le PPI, leur nombre d’années d’expérience clinique, leur genre, et leur groupe d’âge.

Initialement élaborés à partir des dimensions du cadre conceptuel sur la professionnalisation des individus (Bélisle, 2011), les énoncés du questionnaire ont d’abord été validés auprès de quatre spécialistes de la formation professionnalisante en milieu universitaire. La clarté des énoncés a ensuite été testée auprès de trois enseignants n’intervenant pas dans les programmes ciblés par cette recherche.

L’analyse des données qualitatives

L’analyse qualitative des données (Miles et Huberman, 1994; Van der Maren, 1996) a été faite au fur et à mesure de l’avancement de la recherche sur chacun des terrains. Les données recueillies ont été transcrites sous forme de verbatim puis condensées à l’aide d’une démarche de codage, de repérage et de catégorisation des passages significatifs sélectionnés. Cette démarche a été faite à l’aide du logiciel d’analyse qualitative MAXQDA. Dans le cadre de cette recherche, nous avons opté pour une grille de codage mixte, c’est-à-dire qu’elle a été initialement construite à partir des dimensions du cadre conceptuel de Bélisle (2011), puis elle a été enrichie des données qualitatives qui ont émergé des questionnaires et des entretiens (Landry, 2000). Par souci de validité des analyses, la grille de codage et une partie des données ont été soumises à une vérification par un second chercheur. Les données ont ensuite été représentées graphiquement à l’aide de tableaux, de matrices, et de diagrammes logiques. Ces représentations graphiques ont servi à dégager, pour chacun des PPI à l’étude, les conceptions des enseignants en regard de la professionnalisation des étudiants (O2) ainsi que leurs perceptions de la professionnalisation des étudiants et des modalités pédagogiques contribuant à celle-ci (O3). Quant aux trajectoires d’apprentissage des étudiants prévues (O1), elles reposent sur l’entretien avec la personne responsable de chacun des programmes et l’analyse documentaire réalisée. Toutes les interprétations ont été examinées en profondeur par des retours aux notes du journal de bord et au cadre conceptuel ainsi que par des discussions entre les chercheurs. Une présentation et une discussion des résultats avec les membres de l’équipe-programme de chaque PPI à l’étude a finalement eu lieu afin de valider les interprétations émanant des analyses.

RÉSULTATS ET DISCUSSION

Trajectoires d’apprentissage prévue dans les programmes professionnalisants

En ce qui a trait à la structure des quatre programmes en santé qui ont fait l’objet de cette recherche, le Tableau 2 présente les principales caractéristiques. Le programme de doctorat de premier cycle en pharmacie (PHA) de même que les programmes de BAC-maîtrise en ergothérapie (ERGO) et en physiothérapie (PHY) sont tous structurés en quatre phases étalées sur quatre ans. Quant au programme de baccalauréat en sciences infirmières (SCI), il est structuré en trois phases et s’étale sur trois ans pour le cheminement au BAC5 et sur deux ans pour le cheminement DEC-BAC6. Le nombre d’étudiants par cohorte est de 45 dans chacun des programmes en ergothérapie et en physiothérapie, 192 en pharmacie, et de 120 au DEC-Bac et de 180 au Bac en sciences infirmières.

TABLEAU 2. Caractéristiques des programmes en santé


Ergothérapie


Physiothérapie


Sciences infirmières

Pharmacie


Type de programme

BAC-Maîtrise

BAC-Maîtrise

BAC / DEC-BAC

Doctorat 1er cycle

Durée du programme

4 ans

4 ans

DEC-BAC : 2 ans

BAC : 3 ans

4 ans

Structure du programme

4 phases :

Acquisition de connaissances

Évaluation

Intervention

Intégration

4 phases :

Acquisition de connaissances

Évaluation

Intervention

Intégration

3 phases :

Individu

Famille

Communauté

4 niveaux :

Débutant

Novice

Intermédiaire

Compétent

Cibles de formation

9 compétences

7 rôles

7 rôles-compétences

8 compétences

5 compétences

14 postures

Nombre de stages

7

7

DEC-Bac : 3

Bac : 8-9

17


Nombre d’étudiants par cohorte

45

45

DEC-Bac : 120

Bac : 180

192



L’analyse des données montre que les programmes sont organisés selon des phases ou des niveaux de développement de compétences, à l’exception du programme de pharmacie, qui mise plutôt sur le développement de postures professionnelles, en amenant les étudiants à prendre conscience des attitudes qu’ils adoptent et à expliciter de manière réfléchie leur identité en tant que futurs pharmaciens tout au long de leur parcours de formation. Les dimensions de culture et d’identité professionnelles ne sont pas balisées par des attentes spécifiques aux différentes phases de la formation. Il revient donc à chaque intervenant de déterminer ses propres attentes envers les étudiants auprès desquels il intervient dans ses activités pédagogiques. Parce que la réflexion sur l’expérience vécue est jugée essentielle pour développer une conscience de soi en tant que professionnel (Bélisle, 2011), et faciliter l’apprentissage cognitif et comportemental (Cranton, 2002; Schön, 1983), les modalités réflexives présentes dans tous les programmes constituent toutefois des occasions pour les étudiants de poser un regard sur les compétences développées et leur identité professionnelle.

Globalement, les trajectoires d’apprentissage prévues sont marquées par des modalités pédagogiques qui visent à rendre les étudiants actifs dès l’entrée dans la formation et à toutes les phases du parcours de formation. C’est le cas des situations d’apprentissage par problème, des laboratoires pratiques, des simulations et des jeux de rôles, de même que des stages cliniques. Les situations d’évaluation sont à visée formative, permettant de réguler et d’orienter les apprentissages, et certificative, visant la reconnaissance des compétences (Durand et Chouinard, 2006). Cependant, il n’est pas clair comment s’imbriquent les situations d’évaluation aux situations d’apprentissage, ni comment s’intègrent les apprentissages réalisés en stage et ceux réalisés en milieu universitaire; une lacune également relevée par l’étude de portée de Bélisle et al. (2020). La perspective curriculaire ou transversale demeure donc un défi, et ce, même dans les programmes ciblés par la présente recherche qui ont fait l’objet d’une refonte pédagogique et qui se fondent sur des principes d’apprentissage explicites ou des modalités pédagogiques renseignées par la recherche sur l’enseignement et l’apprentissage en contexte universitaire.

Conceptions de la professionnalisation : du professionnel visé aux rôles des enseignants

Dans chacun des programmes à l’étude (ERGOthérapie, PHArmacie, PHYsiothérapie, SCIences infirmières), il se dégage une compréhension commune au sein des enseignants quant au profil de sortie attendu des étudiants. Peu importe la profession visée par le programme, les enseignants s’attendent à ce qu’une personne diplômée, même si elle a peu d’expérience, maîtrise les connaissances, les habiletés et les attitudes requises en lien avec l’exercice de sa profession, qu’elle puisse agir dans sa pratique de manière autonome et responsable en faisant preuve de raisonnement clinique, ou de pensée critique en contexte clinique (Levett-Jones et al., 2010), et d’un sens critique eu égard à la reconnaissance de ses propres limites, et qu’elle ait une curiosité d’apprendre et un intérêt à se former de manière continue. Certains éléments de la vision qu’ont les enseignants des diplômés sont spécifiques à chaque programme, notamment en raison de la nature des connaissances disciplinaires, et de la culture lui étant associée. Par exemple, selon les enseignants questionnés, une personne diplômée en ergothérapie et en physiothérapie doit avoir la capacité de s’adapter à différents milieux et à diverses situations en réadaptation. En pharmacie, on y évoque une personne « spécialiste de l’utilisation optimale des médicaments, engagée dans les soins cliniques auprès de la personne malade et de ses proches » (PHA001), pour qui « l’expression ‘‘prise en charge’’ du patient prend tout son sens avec ces nouveaux diplômés » (PHA005). En sciences infirmières, le modèle humaniste étant un pilier de la formation, celui-ci se traduit par une vision de l’infirmière clinicienne généraliste comme une personne « qui détient les compétences nécessaires […] pour prendre soin de la personne (ou famille, communauté et population) vivant une expérience de santé dans son environnement [et dont] l’accompagnement devrait s’appuyer sur le modèle humaniste, notamment le concept de caring » (SCI012).

Pour ces enseignants, professionnaliser les étudiants, c’est-à-dire les former à exercer leur future profession, signifie « les accompagner dans le développement des compétences et les aider à s’approprier les connaissances nécessaires pour pouvoir remplir leur mission sociale » (SCI012). Cela implique de favoriser le développement du jugement ou du raisonnement clinique, l’appropriation d’une méthodologie de travail et l’acquisition d’une expérience pratique. C’est non seulement les accompagner dans le développement de savoirs (connaissances) et de savoir-faire (habiletés), mais également dans le développement de savoir-être (attitudes). Cela s’exprime par exemple en mettant l’accent sur « l’attitude, pas seulement dans la démarche du physiothérapeute mais aussi dans [s]a capacité à écouter, se remettre en question, participer au développement de la profession, s’impliquer » (PHY012) en physiothérapie, sur le développement de leur soi thérapeutique en ergothérapie ou de postures en pharmacie. Des attitudes qui sont intimement liées aux valeurs de la profession que les enseignants souhaitent « transmettre [aux étudiants] afin qu’elles se traduisent en attitudes et comportements tangibles auprès des patients et des familles » (SCI002), notamment exercer une pratique cohérente avec le code de déontologie, « agir de façon professionnelle dans tous les aspects de leur formation » (PHA003), adopter « les comportements attendus sur le marché du travail » (ERGO009) et « faire les choses avec précision, sans idées préconçues […] être rigoureux » (PHY006). C’est aussi amener les étudiants à « connaître la structure de l’établissement et ses enjeux, comprendre le rôle de l’[Ordre] et nos responsabilités face à celui-ci, connaitre les activités non cliniques (statistiques, réunions administratives, formation) » (ERGO011). En somme, aider les étudiants à « s’approprier et adhérer à la culture de [la profession] » (PHY001).

Selon les enseignants, professionnaliser les étudiants suppose d’agir plus spécifiquement sur la construction de leur identité professionnelle en leur donnant « confiance en leurs moyens, […] en leur apportant le support nécessaire pour y arriver » (PHY009) et en les rendant autonomes. Dans ce rapport à soi, c’est faire en sorte qu’ils soient « en mesure d’admettre leurs limites, de demander de l’aide lorsque nécessaire » (PHY010) et qu’ils acceptent de se donner « le droit à l’erreur, selon une certaine limite de sécurité [pour le patient] » (ERGO008). C’est donc « leur enseigner à se connaître pour leur permettre […] d’être leur meilleur outil de travail » (ERGO003). C’est aussi « les aider à trouver leur propre identité professionnelle en mettant en équilibre leur personne (valeurs, aspiration, attitude) et leur rôle professionnel (valeurs centrales, paradigme, approche et processus de pratique) » (ERGO008). Le rapport au groupe professionnel et à la profession se traduit par le fait de les amener à cultiver un « fort sentiment d’appartenance à la profession […] dès le début de la formation et en travaillant tout au long avec des modèles de rôles » (ERGO007). Enfin, professionnaliser, c’est aussi soutenir la transition entre le rôle d’étudiant et celui de professionnel, voire d’élargir les horizons des personnes en formation en les préparant à une diversité de rôles pouvant être exercés au sein de la profession, tels qu’enseignant, chercheur, spécialiste (ex. : infirmière praticienne spécialisée en soins de première ligne) ou encore agent de changement.

Questionnés sur leur propre rôle dans le processus de professionnalisation des étudiants, les enseignants ont évoqué une panoplie de rôles et, dans bien des cas, plusieurs à la fois. Ils se voient tantôt comme détenant un rôle de guide, d’accompagnateur, de facilitateur de liens entre théorie et pratique ou de transfert de connaissances entre situations semblables, tantôt comme ayant un rôle de transmetteur de valeurs, de savoirs théoriques ou pratiques, de mentor, de coach ou encore de modèle. Fréquemment abordé dans la littérature en santé (Côté et al., 2013; Cruess et al., 2008), ce dernier réfère au fait d’agir auprès des étudiants comme modèle de rôle pour la pratique « autant pour les compétences que pour les postures » (PHA001), en explicitant et partageant ses réflexions, ses savoirs, « [s]on type de pratique et [s]a vision » (SCI009). Quelques enseignants voient également leur rôle comme celui de collaborateur, d’expert, de superviseur ou de vulgarisateur. L’étendue de la terminologie employée par les enseignants pourrait s’expliquer par l’absence de rôles explicitement et collectivement définis au sein des programmes.

Certains enseignants ont mentionné des attitudes à adopter et des conditions gagnantes à mettre en place dans leur pratique pour professionnaliser les étudiants. Parmi les attitudes évoquées, notons l’ouverture aux différences, la passion pour sa profession, de même que l’écoute et l’indulgence envers les étudiants considérant le fait que le passage d’étudiant à professionnel nécessite du temps, une certaine maturité, et que cette transformation s’opère alors que, pour la majorité d’entre eux, « ils arrivent à l’université à la fin de l’adolescence et qu’ils quittent jeunes adultes » (PHY004).

Sur le plan pédagogique, les enseignants mentionnent l’importance de rendre les étudiants actifs en leur proposant des situations authentiques et diversifiées, qui leur posent des défis, qui intègrent un ensemble de connaissances, d’habiletés et d’attitudes, et qui encouragent « la réflexivité sur l’action » (ERGO013). Ils considèrent essentiel de « rendre les apprentissages signifiants et le plus près possible des réalités auxquelles ils feront face [dans la pratique] » (SCI009), et de favoriser le transfert des apprentissages, notamment en amenant les étudiants à « enrichir leurs connaissances des expériences [vécues] pour pouvoir ensuite les réutiliser [et les] transférer à d’autres contextes similaires ou différents » (ERGO001). Les enseignants soulignent également la nécessité de contextualiser les apprentissages en amenant les étudiants à adapter leur raisonnement en fonction de chaque situation et à tenir compte « des dimensions humaines, sociales et économiques aux problèmes de santé du patient » (PHA004). D’autres incitent les étudiants à agir comme des professionnels en les poussant à « faire des comparaisons entre ce qui est professionnel ou non actuellement dans leur vie étudiante, [par exemple] arriver en retard à un cours, [arriverait-il] en retard avec leur patient? » (PHY003).

Les enseignants évoquent également l’importance de clarifier les attentes et de choisir des modalités d’évaluation qui soient « cohérentes avec le profil de sortie » (SCI009). En d’autres termes, faire en sorte que les étudiants soient en mesure de « comprendre les attentes » (PHY005) et que les évaluations les renseignent sur leur développement et par rapport à l’atteinte des cibles de formation.

Perceptions de la professionnalisation des étudiants

En ce qui a trait au rôle que devraient jouer les étudiants pour se professionnaliser, les enseignants ont des attentes similaires en termes de ce qui fait d’eux de bons apprenants : qu’ils soient actifs, participatifs, curieux, ouverts d’esprit, réflexifs. Qu’ils prennent en charge leurs apprentissages, qu’ils identifient « leurs objectifs et besoins de formation » (ERGO013), qu’ils se donnent droit à l’erreur et se mettent en « mode apprentissage et non de performance » (PHY001), qu’ils sachent tirer profit « des ressources d’aide disponibles » (SCI002) et qu’ils soient motivés à s’investir et à faire des liens, car « il ne suffit pas de suivre des cours et d’avoir des bonnes notes » (PHA005). En sciences infirmières, les rôles de co-apprenant et d’acteur de changement sont évoqués. En ergothérapie, il est question du « rôle de collaborateur proactif dans le développement de leurs connaissances et de leurs compétences, en partenariat avec les différents membres du personnel enseignant » (ERGO006). Dans tous les programmes, on s’attend à ce que les étudiants présentent une certaine autonomie et qu’ils adoptent des stratégies d’autorégulation qui perdureront dans leur vie professionnelle.

Selon leurs observations, les enseignants estiment que les étudiants développent la plupart des compétences visées par leur programme de formation en milieu universitaire, plus particulièrement celle au cœur de la profession visée par celui-ci, c’est-à-dire (1) la relation, l’évaluation et l’intervention en ergothérapie, (2) l’expertise d’analyse, d’évaluation et d’intervention en physiothérapie, (3) l’agir avec humanisme auprès des personnes et le raisonnement clinique en sciences infirmières, et (4) la mise en œuvre d’une thérapie médicamenteuse en pharmacie. Les compétences perçues comme étant les moins développées sont la gestion de la pratique (ERGO, PHA), la contribution à l’avancement de la pratique (ERGO, PHA) et le leadership clinique (SCI). Selon les enseignants, les compétences les plus développées par les étudiants sont celles pour lesquelles le programme leur offre des occasions fréquentes et régulières de les mettre en œuvre. Ces résultats présentent ainsi des conceptions qui mettent en exergue le caractère développemental d’une compétence, qui requiert temps et expérience, et qui, dans les programmes axés sur les compétences, est au cœur même de l’organisation des situations d’apprentissage proposées aux étudiants (Poumay et al., 2017; Wesselink et al., 2010).

Outre les stages, les modalités pédagogiques privilégiées dans ces programmes sont les laboratoires, les simulations, l’apprentissage par problèmes (APP) et l’apprentissage par raisonnement clinique (ARC) en ergothérapie et en physiothérapie, et l’apprentissage par situations infirmières cliniques (APSIC). Selon les enseignants, ces modalités sont celles qui contribuent le plus au développement des compétences des étudiants.

Quant à l’appropriation de la culture professionnelle par les étudiants, les enseignants estiment qu’ils connaissent le code de déontologie et les exigences de l’ordre professionnel qui régissent leur future pratique en milieu de travail, et qu’ils adhèrent à l’approche privilégiée au sein de leur programme de formation en milieu universitaire, par exemple, l’approche humaniste-caring en sciences infirmières, les postures en pharmacie, et l’approche centrée sur le patient en ergothérapie et en physiothérapie. Contrairement à ce que les étudiants ont pu révéler dans d’autres recherches au sujet des contextes de formation en milieu universitaire et de pratique en milieu de travail dans lesquels ils évoluent (cf. Bélisle, 2011), les différences ou les écarts entre le milieu universitaire et les milieux de pratique sont peu, voire pas du tout évoqués par les enseignants comme freins possibles à l’appropriation de la culture professionnelle par les étudiants. Alors que la diversité des contextes dans lesquels se font les apprentissages peut générer de la confusion ou des tensions internes chez les étudiants, cette réalité semble moins perceptible par les enseignants qui, de manière générale, interviennent à un moment précis, et pour une durée limitée, dans le parcours de formation des étudiants. Par ailleurs, les enseignants ont la perception que l’appropriation de la culture professionnelle se fait de manière formelle, d’une part, par des mises en situation, un enseignement explicite des concepts, des lectures, des jeux de rôle ou des simulations, des présentations de l’ordre professionnel ou encore des ateliers de discussion, d’exercice ou de réflexion. D’autre part, les étudiants s’approprient la culture professionnelle de manière informelle notamment à travers des échanges avec des formateurs et des praticiens, l’influence de leur environnement, l’observation des interactions entre collègues et formateurs, leurs expériences de stage, ou encore à travers le prisme de leurs propres attitudes et croyances. Comme l’ont souligné de Swardt et al. (2014), la socialisation des individus au sein de leur groupe de référence est inhérente à l’appropriation de la culture professionnelle. Ces résultats illustrent la présence, parfois plus ou moins explicites, des éléments qui colorent une profession donnée dans les activités de formation et questionnent la pertinence d’intégrer les apprentissages culturels de manière planifiée et consciente pour le bénéfice des futurs professionnels.

Au niveau de l’identité professionnelle, les enseignants perçoivent chez les étudiants une image positive d’eux-mêmes car ils disent se sentir utiles à la société, fiers de pouvoir avoir un impact sur le bien-être des patients, et généralement confiants pour faire face aux réalités de terrain et à de nouvelles problématiques. Les enseignants perçoivent une forte identification des étudiants à leur profession de même que certains défis auxquels ils devront faire face en milieu de travail et dans la société, notamment la nécessité d’accroître leur autonomie professionnelle chez les infirmières bachelières et, tout comme pour les ergothérapeutes, de mieux faire connaître leur profession et leur rôle auprès d’autres professionnels de la santé et de la société. Les enseignants estiment que plusieurs modalités pédagogiques privilégiées dans leur programme contribuent à la construction de l’identité professionnelle des étudiants : la simulation, l’encadrement, la rétroaction, la co-évaluation, les discussions, la participation à des congrès, les stages, le mentorat et le portfolio. Toutefois, d’après ce que rapportent les enseignants, le mentorat en ergothérapie ainsi que l’équivalent du portfolio en ergothérapie, en sciences infirmières et en pharmacie semblent être les seules modalités qui impliquent une réflexion de la part des étudiants spécifiquement au regard de leur identité professionnelle.

CONCLUSION

Cette recherche qualitative a permis de mettre en évidence les conceptions de la professionnalisation qui se dégagent chez des enseignants de quatre programmes universitaires de formation initiale en santé ainsi que les modalités pédagogiques perçues comme contribuant à la professionnalisation des étudiants. Globalement, les enseignants estiment que les situations de formation en milieux universitaire et de travail (stages) contribuent à la professionnalisation des étudiants et les préparent aux réalités du monde du travail. Malgré tout, la formation initiale est perçue comme une voie d’accès à la profession ciblée alors qu’une formation continue est considérée comme vitale au développement professionnel des individus et à l’avancement, voire à la transformation des pratiques sur le terrain.

Une limite de cette recherche étant un taux de participation peu élevé, les conceptions et les perceptions des enseignants traitées dans cette recherche pourraient ne pas refléter celles de l’ensemble des enseignants dans ces programmes. Toutefois, il n’y a pas d’écarts importants entre les participants, ni entre les programmes de formation, sinon en ce qui concerne des éléments qui caractérisent la « signature pédagogique et philosophique » de chacun des programmes et l’utilisation d’une terminologie variée pour référer aux rôles des enseignants et des étudiants dans ce processus de professionnalisation.

Les résultats de cette recherche soulignent une vision commune et partagée relatives aux attentes envers les étudiants et aux rôles des intervenants dans des programmes axés sur la professionnalisation des étudiants en santé. De plus, il apparaît que les enseignants considèrent que le soutien et la rétroaction fournis au regard des apprentissages ciblés et à réaliser favorisent leur développement en tant que professionnels en devenir. Tant les conceptions que les perceptions détenues par les enseignants au sujet de la professionnalisation des étudiants sont convergentes avec les principes favorables à l’apprentissage relevés par les recherches en psychologie cognitive (Ambrose et al., 2010) de même que par les écrits sur la professionnalisation (Abrandt Dahlgren et al., 2006; Bélisle et al., 2021; de Swardt et al., 2014; Lessard et Bourdoncle, 2002; Reid et al., 2011; Wittorski, 2007) et sur le développement de compétences (Poumay et al., 2017), c’est-à-dire l’importance de la pratique, de la régulation, de l’auto-régulation et de la socialisation pour réaliser des apprentissages signifiants et durables. Cependant, les enseignants n’évoquent pas ou peu les facteurs liés à la motivation des étudiants, notamment les retombées perçues du programme ou les influences possibles de leurs aspirations et de leurs intérêts personnels et professionnels sur leur processus de professionnalisation en contexte de formation initiale. Qui plus est, le choix des modalités pédagogiques est orienté vers le développement de l’une ou l’autre des dimensions de la professionnalisation alors qu’aucune des modalités mentionnées n’intègre de manière intentionnelle et planifiée la réflexion ou la rétroaction au regard de l’ensemble des dimensions de la professionnalisation (compétences, identité et culture). Une piste de recherche à considérer est d’explorer comment les modalités de formation peuvent soutenir davantage cette vision holistique et itérative de la professionnalisation des individus et ce, tant en contexte de formation initiale que tout au long de la vie professionnelle. Une autre piste consiste à explorer comment les conceptions des enseignants se traduisent réellement dans leurs activités d’enseignement, par exemple en documentant les perceptions qu’ont les étudiants, les principaux acteurs concernés, de leur processus de professionnalisation tout au long de leur parcours de formation.



Notes

  1. Recherche financée par le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) et réalisée dans le cadre des travaux de l’Équipe FUTUR (FRQSC).

  2. Entendu comme une structure orientée vers des finalités de formation, le « programme précise ce qu’un groupe d’étudiants doit apprendre, comment il doit apprendre et pourquoi » (Université de Sherbrooke, 2005, p. 5).

  3. Au Canada, le premier cycle universitaire inclut les programmes de baccalauréat (licence) et certains programmes de doctorat professionnel en santé (ex. : pharmacie, médecine dentaire, médecine vétérinaire) alors que le deuxième cycle réfère aux programmes de niveau maîtrise (master).

  4. Les stages se déroulent dans des milieux de travail diversifiés tels des centres hospitaliers ou communautaires, ou encore des cliniques ou des laboratoires au sein d’organismes publics, parapublics ou privés.

  5. Le Baccalauréat en formation initiale est destiné aux titulaires d’un DEC en sciences de la nature ou l’équivalent.

  6. Le Baccalauréat intégré DEC-BAC est ouvert aux titulaires d’un DEC (3 ans) en soins infirmiers. Après leur première session universitaire, ces derniers intègrent la cohorte du Baccalauréat en formation initiale qui, pour sa part, se trouve à mi-parcours (2e session de la 2e année) des trois années de formation.

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